Dr. Jamel Tazarki* écrit – Le problème principal de l’actuel gouvernement c’est l’inexistence de vision et de programmes concrets pour faire sortir le pays de la misère.
Je crois encore que Moncef Marzouki a été le meilleur choix démocratique pour la présidence de la république. Car, pour le moment, je ne vois aucune autre alternative démocratique. Le malheur, c’est qu’il dépend trop d’Ennahdha et il ne semble pas avoir de très bons conseillers. Mais, de toute façon, j’éprouve beaucoup d’estime pour lui et j’espère qu’il apprendra à discuter des grandes questions à l’intérieur de l’Assemblée constituante.
Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir
Le problème principal de l’actuel gouvernement c’est l’inexistence de vision et de programmes concrets pour faire sortir le pays de la misère. Il veut qu’on lui accorde 18 mois afin de réaliser un miracle économique. Mais malheureusement, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. On ne peut pas confier le pays à des politiciens qui ne sont pas capables de prévoir un plan d’ensemble pour réorganiser notre économie et notre société.
Ce gouvernement veut appliquer la méthode des tâtonnements, «trial and error» (essai et erreur), pour résoudre les problèmes d’un pays en faillite. Mais ce n’est pas normal ! M. Marzouki aurait dû œuvrer pour la mise en place d’un gouvernement de techniciens, professionnels et surtout indépendants, issus de tous les partis politiques et de la société civile.
Normalement tout devrait aller mieux en Tunisie, étant donné que nous avons un gouvernement de techniciens présumés d’une grande intelligence. Quoi d’apparemment plus logique que de confier le ministère de la Santé à un médecin, celui de la Défense à un militaire, celui de l’Education à un enseignant, celui de l’Equipement à un ingénieur, celui des Finances à un économiste, etc. En Belgique et en Italie, les gouvernements de techniciens réalisent des miracles. Par contre, en Tunisie les membres de notre gouvernement de techniciens ne voient pas clair parce qu’ils dirigent partiellement des ministères qui ne correspondent pas à leurs spécialités et parce qu’ils se laissent guider par une majorité parlementaire en grande partie incompétente (ce sont les chefs de partis politiques qui ont défini la liste des candidats parlementaires et ils n’ont pas fait les meilleures sélections…).
Tout tourne autour de l’argent facile dans la tête de certains de nos politiciens. Certains rêvent de milliards de dollars gratuits de la Libye pour financer l’industrie tunisienne et absorber le chômage dans le pays. D’autres rêvent d’un flux sans limites d’entrepreneurs étrangers ! Et il y a même ceux qui attendent un cadeau de quelques dizaines de milliards de dollars de l’Iran pour une petite influence dans le procès de Nessma TV accusée d’«atteinte au culte religieux». Alors que notre problème principal est la faible productivité de tout ce que nous faisons.
Eviter de nous faire des ennemis à l’étranger
Il n’est pas normal, par exemple, que les Pays-Bas produisent 460 tonnes de tomates par hectare alors que la Tunisie ne dépasse pas les 20 tonnes par hectare en moyenne. Il y a normalement même un manque de main d’œuvre en Tunisie.
400.000 personnes travaillent dans la production agricole de masse aux Pays-Bas dans une petite région qui dépasse de très peu le Cap-Bon tunisien. Il n’y a pas de secret afin de produire autant que les Hollandais, tout est sur internet. Il faut optimiser d’abord les projets déjà existants avant de se casser la tête afin d'en créer d’autres…
Puis, ce gouvernement doit renoncer à nous faire des ennemis à l’étranger. La nouvelle décision hâtive et irréfléchie de notre gouvernement de renvoyer l’ambassadeur de la Syrie est, avant tout, au détriment des Tunisiens et de la Tunisie et ne sert en rien le peuple syrien.
Aux yeux des Tunisiens, l’Assemblée constituante n'est plus qu’un théâtre, car les véritables acteurs prennent leurs décisions en coulisse à l’abri des pressions parlementaires. Le principal acteur est Rached Ghanouchi et les autres suivent aveuglément sans analyse et sans critique.
Ce qui manque à la tête du gouvernement tunisien c’est une personnalité capable d’établir un lien pertinent entre des idées, des questions, des problèmes et des solutions qui concernent des domaines différents.
Il doit y avoir, au plus tard dans 16 mois, des élections législatives en Tunisie. Nous ne ferons aucun compromis !
* Mathématicien, Allemagne