Ben Hamida Ezzeddine* – En dépassionnant le débat sur l’islam et en attribuant aux musulmans le droit d’édifier quelques lieux de culte, la France gagnerait en grandeur et défendrait mieux ses intérêts.


 

J’ai cherché longtemps dans les dictionnaires et les encyclopédies les noms et les adjectifs qualificatifs pour décrire la passion française pour l’islam. Hélas, la tâche était très rude. Incapable de trouver une expression percutante, implacable et irrépressible. Du coup, je me suis contenté à un regroupement de mots et de phrases pour contourner une telle besogne. Ça a donné, in fine, les propos qui vont suivre…

L’islam, une menace pour l’identité nationale

Une enquête réalisée par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) – en gros un sondage par mois sur le même thème mais la problématique est posée sous forme d’une rhétorique différente – montre que 68% des Français considèrent que les musulmans (plus de 6 millions de personnes toutes nationalités confondues, soit près de 10% de population totale) ne sont pas intégrés et 42% des sondés pensent qu’ils (les musulmans) menaceraient l’identité nationale. En 2010, 39% des Français, contre 22% en 2001, s’opposent à l’édification des mosquées. Et 59% sont hostiles au port du foulard par les musulmanes dans la rue – moi-même j’y suis d’ailleurs très réticent pour éviter ainsi la montée croissante de la stigmatisation et l’étiquetage sans réserve –.

En réalité, l’opinion publique française évolue en fonction de la rhétorique politique en la matière. De gauche comme de droite, les hommes politiques français ont considéré, pendant longtemps, l’islam comme une «différence» ! Aujourd’hui, sans complexe, l’islam est présenté, par une très large fraction des leaders politiques et d’opinion, comme une «BARRIERE » à l’adhésion aux valeurs de la république. La banalisation du discours sur les dangers de «l’islamisation» de la République a alimenté ainsi un racisme ambiant et une islamophobie affichée sans état d’âme. D’ailleurs le nom «islamiste» est devenu dans l’esprit du «français moyen» quasiment synonyme de terroriste. Une confusion et un amalgame très bien entretenus par la classe politique et journalistique française.

En effet, le dénigrement, par certains hommes politiques et beaucoup de journalistes français sur les plateaux des télévisions et/ou dans des publications, parfois avec des diatribes hallucinantes, de l’islam en utilisant hypocritement, pour rester dans le politiquement correct, les qualificatifs «islamisme et islamiste» et critiquer, ainsi, la fraction radicale des «musulmans» montre la schizophrénie d’une frange de la classe politique française en quête de voix. Le directeur de l’Iris, Pascal Boniface, dont la rigueur de la pensée et le sérieux des analyses sont connus de tous, a montré dans son dernier ouvrage ‘‘Les intellectuels faussaires’’ – un livre, tenez-vous bien, dont quatorze maisons d’éditions ont refusé la publication ! Il a fallu le courage de Jean-Claude Gawsewitch qui l’a sorti dans sa collection «Coup de gueule» – comment les «superstars médiatiques» (très majoritairement des juifs sionistes) de la politique internationale française profèrent, délibérément, jour après jour, des mensonges avérés et répétés contre l’islam. L’islam étant le mal, le nouveau «galeux d’où viendrait tout le mal» du monde moderne.

Le refus du droit d’édifier des moquées

Pourquoi autant de crispation, voire de schizophrénie quand on parle de l’islam en France ?

La France, où les droits de l’homme et du citoyen ont pris naissance, refusent donc à ses propres citoyens le droit d’édifier des moquées pour qu’ils puissent exercer dignement leur culte. En fait, il s’agit d’un refus implicite maquillé par d'interminables tracasseries administratives. Non seulement, les rues qui entourent le peu de moquées sont bondées les vendredis de fidèles – ce qui est d’ailleurs inadmissible et de plus en plus intolérable – mais aussi même pour que les musulmans enterrent leurs morts, parfois, leurs prières se font dans des endroits improvisés pour ne pas dire devant des garages.

Evidemment, le sacro-saint principe de séparation de l’Etat et de l’église est mis immédiatement en exergue par les autorités publiques – d’ailleurs, il s’agit d’un excellent principe car il protège en premier lieu les minorités –.

En réalité, il s’agit d’un faux argument dans la mesure où le financement est assuré par les dons des fidèles ; le rôle de l’Etat se contente seulement à attribuer les autorisations administratives (faisabilité du projet, sécurité, conformité aux règles en vigueur). Le sacro-saint principe est, donc, bel et bien respecté.

Pire encore, même l’enseignement de l’arabe est amputé. En 2005, le ministre de l’Education nationale, l’actuel Premier ministre François Fillon, avait supprimé, pour des considérations budgétaires a-t-il dit, le Capes arabe tout en attribuant, dans le même temps, une aide de 320 millions d’euros au gouvernement marocain pour renforcer l’enseignement du français ! C’est curieux et intriguant, n’est-ce pas ?

Citoyenneté française et conscience morale

Les musulmans de France, en partie, ont choisi cette vieille nation parce qu’ils partagent pleinement son Histoire avec ses phases de gloire et de regret. Et ils aspirent à un avenir commun avec leurs compatriotes français. Ils considèrent la citoyenneté française comme étant une véritable conscience morale. Une conscience qui «(…) prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté (…)» (E. Renan, ‘‘Qu’est-ce qu’une Nation ?’’, conférence faite à la Sorbonne en 1882).

Et pourtant, en attribuant aux musulmans le droit d’édifier quelques lieux de culte, la France gagnerait en grandeur et ceci au moins sur 3 plans :

1/ Dépassionner le débat sur l’islam pour mieux stimuler l’intégration – contrairement à l’assimilation, l’intégration est un processus interactif de transmission et d’intériorisation de richesses culturelles, intellectuelles, etc. – et lutter ainsi efficacement contre la montée de l’extrême droite qui gangrène le débat politique et ampute la conceptualisation (réfléchir sur…) des vraies solutions aux problèmes qui secouent la France.

2/ Donner ainsi l’exemple au reste du monde et particulièrement aux européens que l’Islam est compatible avec les valeurs occidentales, qui sont d’ailleurs des valeurs universelles.

3/ Il découlera de ces deux avantages un troisième et non le moindre : une place de choix dans le monde musulman en général et le monde arabe en particulier. Ces nations sauront reconnaître en effet à la France ses vertus intégratrices : la multiplication des accords économiques, par ces temps de crise et de perte de rôle majeur dans le nouvel ordre mondiale qui s’érige, sera sans doute à la hauteur des attentes de l’hexagone.

* Professeur de Sciences économiques et sociales.