Tarak Arfaoui Au-delà des souffrances des populations démunies du nord-ouest surprises par les aléas climatiques, le vrai drame de la Tunisie actuelle réside dans la qualité douteuse de sa gouvernance.


La situation sociale et économique, vraiment inquiétante, dans laquelle se trouve la Tunisie, a viré dans certaines régions au drame à la suite des récentes intempéries. Le gouvernement, à défaut d’un plan bien structuré, prêt à l’emploi dans ce genre de situation, essaye tant bien que mal de soulager la population sur laquelle le sort semble bien s’acharner. Mais le drame n’est pas dans l’absence d’un plan Orsec, il est dans l’absence de tout plan politique.

De Charybde en Scylla

Cette frange de la population, la plus démunie du pays, a enduré pendant des années le drame de la précarité, du chômage et de l’exclusion de tous les projets socioéconomique des précédents gouvernements. Elle a subi la répression sanglante de Zaba en payant le prix fort de ses martyrs. Et plus d’un an après la révolution, sa situation va de Charybde en Scylla. Le drame vécu par ces populations déshéritées et délaissées n’a d’égal que celui, politique, dans lequel s’est installé le pays.

Je ne m’attarderai pas outre mesure sur l’inertie du gouvernement et sur ses balbutiements inquiétants, mais bien compréhensibles du fait de l’absence jusqu’à ce jour de tout programme politique pertinent permettant d’envoyer des signaux positifs aux acteurs économiques nationaux et étrangers. Je ne reviendrai pas sur l’absence d’une politique sécuritaire faite de fermeté et d’intransigeance vis-à-vis des hors-la-loi.

Le drame se situe aussi au sommet de l’Etat où le président provisoire a l’air d’être tout à fait insensible aux souffrances de ses concitoyens, ne prenant aucune position devant la léthargie du gouvernement, ni devant les dérives graves et la progressive déliquescence des acquis civiques pour lesquels il a, me semble-t-il, tout le temps milité.

Le drame est dans l’agitation tout azimut et improductive de M. Marzouki. Le timing de ses voyages à l’étranger, même s’ils sont programmés d’avance en accord avec ses hôtes, laisse vraiment perplexe, et dans ces moments difficiles où le pays a besoin de l’appui de tous ses amis, engager la Tunisie dans un conflit diplomatique sans précédent avec la Syrie était-il nécessaire ? Assister au sommet de l’Union africaine était-il une urgence vitale pour le pays ? Peut-on résoudre les problèmes du pays, en ce moment crucial, en allant au Maroc, en Mauritanie et en Algérie, même si la relance de l’Union du Maghreb arabe est une nécessité ? Est-ce le moment opportun pour dilapider l’argent du contribuable dans ces pèlerinages africains et maghrébins avec avion privé, escouade sécuritaire, délégation officielle, journalistes et tutti quanti en claquant quelques centaines de millions de dinars ? Cet argent n’aurait-il pas aidé à soulager les souffrances des déshérités ? Peut-être bien que la vente des palais présidentiels lui permettrait-elle de couvrir ces dépenses ?

Au ras des pâquerettes

Le drame se situe bien dans l’égo du personnage qui s’agite en tous sens à l’étranger à la recherche d’un semblant de légitimité internationale inhérente à sa fonction, faute d’une légitimité locale qu’il n’a pas trouvée par les urnes (faut-il rappeler qu’il a eu moins de 10.000 suffrages dans sa circonscription lors des législatives).

Le drame aussi c’est de voir un président, aussi provisoire soit-il, aussi instruit soit-il, faire des dérapages aussi incontrôlés dans ses déclarations à l’étranger, soit en Libye, soit récemment en Mauritanie où il ne s’est pas privé, devant l’assistance ébahie, d’invectiver sans retenue et sans aucune vergogne ses compatriotes respectables et très respectés qu’on ne pourrait même pas qualifier d’adversaires politiques.

Ces élucubrations présidentielles, à défaut de le valoriser, ne font que desservir son image et sa fonction. Le vrai drame de la Tunisie post-révolutionnaire est l’action de la soi-disant élite politique actuelle, à la présidence ou au gouvernement, qui plane vraiment au ras des pâquerettes.