Fairouz Boudali* écrit – Il n’est pas question de les laisser fonder un Etat islamique, insidieusement, et les wahhabites n’ont pas le droit de nous imposer leur fanatisme.


Nombreux furent les commentaires et critiques de l’article 10 du projet officieux de la constitution proposée par Ennahdha, article visant à instituer la charia. Toutefois, une analyse plus minutieuse de ce projet de constitution révèle un article bien plus dangereux que l’article 10 : il s’agit de l’article 126 qui projette la création d’un haut conseil islamique indépendant, qui n’obéit à aucun pouvoir, que ce soit exécutif, législatif, ou judiciaire. Comme il serait indépendant et édicterait des fatwas en toute liberté, ce haut conseil islamique serait au-dessus de la loi. Autrement dit, ce serait la fin de l’Etat de droit, et le vrai pouvoir et contrôle du pays serait détenu par le président de ce conseil ; président qui serait élu par les autres membres dudit conseil, et qui serait un «ayatollah» en quelque sorte ; d’où une question persistante : serait-ce pour cela que Rached Ghannouchi n’a pas présenté sa candidature à la présidence ?

La charia dans la constitution  

Sachant pertinemment que ces deux articles ne pourraient pas être votés par la constituante, parce qu’ils ne pourraient pas avoir les deux tiers des voix, les membres d’Ennahdha sont conscients, que la constitution finale devrait passer au référendum pour être adoptée ; d’où la nécessité de prolonger la période transitoire pour avoir suffisamment de temps pour endoctriner la population. Ayant réclamé 3 ans et devant le refus catégorique de la société civile, le gouvernement a cédé et affirmé son intention de tenir des élections dans les 18 mois. Mais rien ne l’empêcherait d’arriver au bout de cette période, et d’affirmer la nécessité de retarder ces élections pour une raison ou une autre. Ce qui signifie qu’au bout du compte, les membres d’Ennahdha auraient quand même eu leurs 3 ans pour nous influencer, vu qu’ils ont déjà disposé de quelques mois.

Pendant ce temps, les prédicateurs soi-disant musulmans se succèderont à la fois pour radicaliser le peuple, faire diversion, et occuper la société civile.

Néanmoins, quand on veut faire un lavage de cerveau systématique, l’invitation de prédicateurs wahhabites ne serait pas suffisante. Le gouvernement a besoin de moyens de propagande à plus grande échelle : les mass médias. Si radio Zitouna a enfin été arrachée à sa directrice légitime, c’est au tour de la chaîne nationale tunisienne de craindre pour son indépendance.

Ces médias qu’on voudrait faire taire

En effet, après avoir convenu des modalités des élections des présidents de la rédaction le 12 janvier passé, tout a été chamboulé, et des candidats ont été imposés au comité responsable du choix selon des critères bien précis. A noter que parmi ces 5 candidats parachutés figure Said El Khezami dont la nomination à la tête de la rédaction de la chaîne nationale a provoqué un tollé dans le milieu médiatique, et la protestation des journalistes et de la société civile qui ont tenu plusieurs manifestations en janvier dernier.

D’autre part, les libertés individuelles ont été piétinées depuis longtemps. Des femmes ont été battues parce qu’elles ne portent pas le voile ; comme dimanche avant-dernier, à la cité Ettadhamen, lorsque des salafistes entassés dans des estafettes et armés de bâtons se sont acharnés sur des femmes non voilées.

Malheureusement, aucun juge ou dignitaire de l’Etat n’a levé le petit doigt pour protéger le droit de ces femmes : ni le président qui a promis de protéger les «sefirates» (femmes non voilées), ni le gouvernement qui a tous les pouvoirs, mais qui, bizarrement, n’est jamais au courant quand cela l’arrange. Mais que ne fut la surprise de tout le monde quand, en un temps record, et presqu’en même temps que l’apparition du journal, le directeur et des journalistes d’‘‘Attounissia’’ ont été arrêtés et jetés en prison pour une photo de femme les seins nus.

Occuper la société civile et la neutraliser

La virulence de cette réaction est clairement destinée à faire un acte exemplaire suffisamment sévère pour terroriser les journalistes et museler la presse, acte qui se révèle une fausse manœuvre, car les journalistes ne sont pas effrayés, mais en colère.

Jusque-là, on pensait tous que la succession de ces prédicateurs fanatiques était destinée à nous empêcher de voir la diplomatie tunisienne qui exécute la volonté du Qatar en complotant contre la Syrie, ou ces navires de guerre de l’Otan, et ces exercices suspects avec notre marine ; ou peut-être encore pour masquer cet appel de l’armée pour une aide américaine au sud du territoire.

Le plus bizarre dans tout cela, c’est que les Américains se sont engagés à améliorer l’infrastructure sanitaire, et les hôpitaux du sud bien avant cet appel, comme s’ils anticipaient leur arrivée.

Enfin, il est clair maintenant que ces prédicateurs wahhabites sont destinés à occuper la société civile pour l’écarter du bras de fer que les autorités comptent engager avec la presse, dans le but de venir à bout de la liberté d’expression, et de l’indépendance de l’audiovisuel.

C’est pour cette raison qu’il faut se mobiliser, avec tous les membres et syndicat de la presse, pour lutter et préserver nos droits. Il n’est pas question de les laisser fonder un Etat islamique, insidieusement, et les fanatiques n’ont pas le droit de nous imposer leur fanatisme.

Notre islam est bien plus proche de la vérité que celui préconisé par cette secte wahhabite que certains tunisiens semblent préférer. Comment peuvent-ils oublier que la charia des wahhabites a été conçue par des gens qui enterraient les filles vivantes et qui, par conséquent, utiliseraient la charia pour continuer à les enterrer d’une façon ou d’une autre ?

* - Universitaire.