Salah Oueslati* écrit – Sommes-nous condamnés à suivre des modèles venus d’ailleurs, qui nous ont apporté les dictatures du parti unique et qui font tout pour nous imposer une dictature religieuse demain ?
C’est une insulte à notre histoire, à notre culture, à nos ancêtres, à nos grands parents, à nos parents et à nous mêmes que de faire croire qu’on a besoin de mercenaires financés par les monarchies du Golfe pour nous apprendre à être de bons musulmans. Des pays qui cherchent avant tout à faire échouer la première révolution démocratique arabe car celle-ci constitue une menace pour ces régimes autocratiques et moyenâgeux.
Diversion des vrais problèmes des Tunisiens
Pourquoi est-ce que les pages Facebook sont saturées de documents contenant des messages de prédicateurs haineux, incultes et obscurantistes ? Qui est derrière cette campagne ? A qui profite cette diversion des vrais problèmes des Tunisiens ? Ne sommes-nous pas capables de bâtir une démocratie authentique et ouverte sur le monde sans ingérence étrangère d’où qu’elle vienne ?
N’avons-nous pas compris que le problème principal du monde arabo-musulman n’est pas la religion, mais le sous-développement, l’absence de perspective, l’analphabétisme, la pauvreté, la corruption, la dictature ? N’avons-nous pas compris que depuis plus treize siècles, le monde arabo-musulman est sorti de l’histoire malgré ses richesses humaines et naturelles ?
En déclenchant la première révolution populaire et démocratique dans le monde arabe, la Tunisie n’est-elle pas devenue un modèle, non seulement pour la région mais aussi dans le monde musulman et au-delà ? Ce sont les autres pays arabes qui devraient nous suivre et non l’inverse.
Pensez-vous que des pays disposant de richesses colossales depuis des décennies, et qui n’ont jamais été capables de former des élites compétentes, constituent un modèle pour nous ? Comment peut-on demander de l’aide à des pays qui offrent l’asile à l’ex-dictateur et à sa famille ?
Ces pays recrutent des mercenaires rompus aux techniques de la communication les plus sophistiquées à l’instar des télévangélistes américains pour endoctriner nos jeunes, pour semer la zizanie, installer la «fitna», la discorde et la division dans le pays.
Qui n’a pas intérêt à l’émergence d’une démocratie en Tunisie ?
A qui profitent ce crime, sinon à ceux qui n’ont aucun intérêt de voir émerger la première démocratie dans le monde arabe ? Est-ce que les Tunisiens ont besoin des prédicateurs à la solde des pays étrangers ? Ne nous revient-il pas de leur envoyer nos oulémas pour leur apprendre les vraies valeurs de l’islam et de la civilisation musulmane et les sortir de l’obscurantisme, comme nous l’avons toujours fait avec nos enseignants ? Avons-nous oublié que la civilisation musulmane a apporté à l’Humanité des contributions majeures dans des domaines aussi divers que la philosophie, la science, la médecine, l’astrologie ? Qui a intérêt à nous détourner de la science et du savoir pour nous focaliser sur des questions portant sur l’aspect vestimentaire, la longueur de la barbe ou l’excision des jeunes filles ?
Sommes-nous condamnés à suivre des modèles venus d’ailleurs qui ne nous ont apportés que les malheurs des dictatures du parti unique dans le passé et qui font tout pour nous imposer une dictature religieuse demain ? S’il existe en Tunisie des islamistes démocrates, sincères et patriotes qui refusent toute ingérence étrangère dans les affaires de notre pays, qu’ils crient haut et fort leur refus de la dérive sectaire, qu’ils affirment leur adhésion aux principe de la démocratie, des liberté individuelles, des droits de l’Homme et du pluralisme et qu’ils joignent leurs paroles à leurs gestes.
* - Maître de conférences, Université de Poitiers, France.