Rached Ghannouchi fait-il de l’ombre à son compagnon de combat, Hamadi Jebali ? Est-il devenu encombrant pour le gouvernement ? Et même pour son parti ?
Par Ezzeddine Ben Hamida*
Dans les pays occidentaux, un secrétaire national d’un grand parti politique «équivaut» à un poste de ministre. Sauf que ce dernier fait partie de l’exécutif ; à ce titre il met en place une politique et il suit une orientation gouvernementale. Il est, donc, chapeauté par le chef du gouvernement, en l’occurrence le Premier ministre. En cas de différend, de désaccord, de divergence, de discorde, le ministre peut se voir obligé de présenter sa démission, mais généralement dans les pays civilisés, il démissionne de son propre gré.
La surexposition de Rached Ghannouchi
En revanche, un chef de parti a pour rôle de recenser les besoins du pays et des citoyens, d’être à l’écoute des forces vives de la nation, d’assurer la dynamique créative de son parti et de faire de son mouvement une véritable force de proposition capable d’accéder, par la voix des urnes, au pouvoir et d’assurer ainsi l’alternance politique et l’exercice de la fonction suprême.
La relation donc entre un chef de gouvernement et son premier secrétaire de parti, dont il est issu, est un peu ambiguë, faussée pour ne pas dire incestueuse. Cette ambiguïté ne peut être surmontée, dépassée que par une maturité intellectuelle, une sagesse politique, et un haut niveau de discernement civique.
L’imbrication, l’emboitement observé aujourd’hui en Tunisie entre le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, est évident. On peut comprendre l’origine d’une telle osmose, d’une telle alchimie ! Cependant, la surexposition médiatique de M. Ghannouchi, ses nombreux voyages au nom du gouvernement, son influence directe sur certaines décisions… ne sont-ils pas de nature à semer le doute auprès des autres partis politiques (Ettakatol et le Cpr, tout particulièrement) et alimenter davantage la méfiance d’une partie de la population à l’égard du gouvernement ?
Hamadi Jebali et Rached Ghannouchi
L’épineuse question des Salafistes
M. Jebali (16 ans de prison dont 10 ans d’isolement, il était tout de même sous la menace de la potence puisqu’il était condamné à mort à l’époque de Bourguiba) dont la sagesse, l’intégrité, le sens du consensus et le charisme sont aujourd’hui connus et appréciés de toutes et de tous, devrait s’affirmer davantage en récusant et condamnant fermement les dérives de cette minorité agissante de Salafistes et de leurs pratiques barbares, en l’occurrence l’excision, qu’ils veulent nous importer. Un vieux chnok qui jubilait jeudi dernier sur notre chaîne nationale en parlant d’une opération de beauté. C’était un vrai cauchemar ! C’est immonde !
L’autorité n’est pas l’autoritarisme. L’autorité c’est le droit de commander, de diriger, de condamner, d’interdire et donc de gouverner : un chef de gouvernement ne devrait-il pas aller de l’avant, trancher, rassurer nos mères, nos filles et nos jeunes ?
L’autoritarisme, c’est une forme excessive d’autorité dans le but de tout réglementer, de tout diriger et imposer. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure. M. Jebali est un homme de consensus.
Pour finir cette modeste contribution, je souhaite m’adresser directement au Premier ministre : «Monsieur, votre gouvernement est légitime. Votre autorité, pardonnez ma franchise, repose fondamentalement sur vous, c’est-à-dire sur votre capacité à marquer votre gouvernement par votre empreinte indépendamment de votre parti et de son leader. Vous êtes désormais le Premier ministre de toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens. Vous avez l’adhésion du peuple pour imposer votre autorité sur cette épineuse question des Salafistes et de ramener l’ordre dans notre chère Tunisie, notre chère patrie. Avec mes cordiales salutations».
* Professeur de sciences économiques et sociales.