Mongi Karrit* écrit - Le pays ne peut plus tolérer davantage de chaos, de perturbations sociales, de caprices, de vandalisme et surtout de conflits idéologiques. Tout n’est pas permis au nom de révolution.
Le drapeau est le symbole représentant une nation. Il représente toute l'histoire d'un pays : ses guerres, ses périodes de conflits, ses transformations, ses combats, ses martyrs, etc. Il est hissé lorsque des sportifs remportent des médailles aux différents jeux internationaux. Ce qui renforce le moment d’émotion lorsqu’il est accompagné de l’hymne national. Un bonheur immense nous submerge et une sensation de fierté inégalée nous envahit. C’est l’un des rares moments dans la vie où une personne laisse couler des larmes incontrôlées.
Les couleurs qui rassemblent
Les couleurs nationales rassemblent les citoyens beaucoup plus que la religion. Les citoyens d’un pays peuvent avoir plusieurs religions, langues, cultures, mais ce qu’ils ont en commun c’est la nationalité.
Le fait de déchirer le drapeau de son pays c’est renier son appartenance à un collectif, faire montre d’un antipatriotisme, renier son identité et son passé. C’est faire preuve d’un manque de civisme et d’un irrespect envers ses compatriotes.
Le drapeau d’un pays mérite beaucoup de respect. Ce respect s’illustre par divers moyens et lors de diverses manifestations : salut du drapeau lors des visites de chefs d’Etat, le décernement de médailles, salut du drapeau par les militaires, les scouts et les écoliers, organisation d’événements internationaux, etc.
Le drapeau est également respecté par les pays étrangers. Par exemple, lors d’un voyage en Angleterre en 1975 pour y faire des études universitaires, je me suis porté volontaire pour faire, pendant une dizaine de jours, des travaux de volontariat dans le site de camping Gilwell Park : maintenance d’équipements, préservation du site. Le lendemain de mon arrivée au camping, ma surprise fut grande lorsque j’ai remarqué le drapeau tunisien flotter à côté des drapeaux d’autres nations : une manière à l’anglaise d’apprécier les actions de volontariat de personnes de nationalités différentes.
Le sang des martyrs et la sérénité des cœurs
En Tunisie, les actes enregistrés dernièrement lors des diverses manifestations des salafistes : brandissage de drapeaux noirs, atteinte au drapeau national, etc. sont choquants et inacceptables. Remplacer le drapeau tunisien par le drapeau noir, au nom de la religion selon eux, ne peut être toléré. Il y a dans le drapeau tunisien, pour ceux qui ne le savent pas encore ou qui prétendent ne pas le savoir, les symboles de la paix et de l’islam. Les couleurs rouge et blanc représentent respectivement le sang des martyrs et la sérénité des cœurs. Le croissant et l’étoile font référence à la propagation et aux préceptes de notre religion. Il n’est pas question de le changer ni de changer l’hymne national comme l’a proposé un de nos représentants à l’Assemblée nationale constituante (Anc).
Pour ce qui est du port du niqab à la Faculté de Manouba, les avis divergent. Le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer dans sa dernière intervention sur les chaînes de télévision que les droits des étudiantes niqabées et des étudiants salafistes «sont légitimes» du point de vue de la liberté vestimentaire.
Doit-on par conséquent obliger toutes les sociétés, organisations et entreprises à prévoir un espace de prière dans leurs locaux ? Doit-on accorder aux prieurs du temps pour faire les prières du Dhohr, du Aâsr et du Maghreb ? Il y a des prieurs qui sont disposés à déserter les lieux de travail toute l’après-midi soi-disant pour faire la prière des Nawafel. Doit-on affecter des salles, initialement prévues pour les cours, aux prières ? Les facultés, aux budgets compressés, peuvent-elles se le permettre ?
Tout n’est pas permis au nom de révolution
Il n’est pas dans les attributions des universités de réserver des lieux de culte. La mosquée c’est le lieu de la prière pour tout le monde. Avant de faire sa prière, un vrai croyant est censé accomplir son boulot et faire son devoir vis-à-vis de son employeur/pays. Doit-on permettre à l’avenir la séparation des deux sexes à l’université au nom de la religion ? Aurons-nous suffisamment de classes et de professeurs de sexes mâle et femelle pour assurer cette séparation ? Qui va fournir les fonds nécessaires pour réussir cette séparation/discrimination ? Est-ce que tous les contribuables sont disposés à payer le prix de cette séparation et en subir les conséquences sur la société ? La création de lieux de prière est-elle une priorité ?
Pour ce qui est de la liberté de s’habiller, peut-on exonérer les fonctionnaires de banque de mettre des cravates, les laborantins de mettre des blouses protectrices, les écoliers de porter des tabliers, les policiers et militaires de mettre des uniformes, les pompiers de porter des combinaisons anti-feu, etc. Le cas s’applique aux étudiantes niqabées. Pour des raisons pédagogiques, de communication et d’identification visuelle, elles sont appelées à mettre des tenues appropriées à l’apprentissage. L’enseignement est public et tout ceux qui en bénéficient doivent respecter les règlements internes des institutions éducatives.
Donc, est-ce que les droits des étudiants salafistes et des étudiantes niqabées sont légitimes ?
Apparemment, il y a des tranches de notre société qui, à la faveur de la révolution du 14 janvier et du vent de liberté qui a soufflé sur la Tunisie, cherchent à tout prix à effacer nos acquis et à faire retourner le pays à des époques révolues.
La Tunisie est musulmane mais moderniste. Il faut qu’on apprenne à se respecter et respecter les autres. La tolérance et l’entente sont en ce moment nécessaires pour faire avancer le processus de transition démocratique. Pour ceux qui veulent dévier et nuire à la société et à ses acquis il faut appliquer la loi et sévèrement. Le pays ne peut plus tolérer davantage de chaos, de perturbations sociales, de caprices, de vandalisme et surtout de conflits idéologiques. Tout n’est pas permis au nom de révolution. Il y a risque de guerre civile.
* Citoyen.