En cet anniversaire de la mort de Zouhair Yahyaoui, nous republions cet hommage qu’‘‘Alternatives citoyennes’’ lui avait rendu le 14 mars 2005. Zouhair est une figure héroïque de notre résistance, si indépendante qu'aucun parti ne saurait honteusement tenter de se l'approprier.


Avec son site TUNeZINE, joyeux donc subversif, lancé en 2001, Zouhair a fait œuvre de pionnier. La même année, ‘‘Alternatives citoyennes’’ était lancé sous forme de véritable journal en ligne mensuel avec sa ligne éditoriale, ses rubriques et son équipe de contributeurs occasionnels ou réguliers ; ses archives témoignent, de 2001 à 2011, de l’expression et du positionnement de l’ensemble de l’opposition de gauche, partis, syndicat et société civile confondus. ‘‘TunisNews’’, panorama de presse exhaustif et quotidien, nous avait précédés dès 2000, puis ont été créés ‘‘Réveil Tunisien’’ en 2002, et ‘‘Nawaat’’, blog collectif lancé en 2004.

Bien d’autres sites, listes de diffusion, forums de discussion, blogs ont fleuri plus tard. Tous ceux qui ont eu le courage de s’exprimer et d’agir, pendant les temps difficiles, doivent afficher le même sourire ironique aujourd’hui, alors que l’histoire se refait et se réécrit aujourd’hui, au gré des opportunismes invitant et invités.

Zouhair Yahyaoui, la figure de l’éclaireur (14 mars 2005)

Par Nadia Omrane et Meryem Marzouki

À tous nos lecteurs,

Très affectée par la disparition subite de Zouhair Yahyaoui, la rédaction d’‘‘Alternatives Citoyennes’’ présente à sa mère, à son oncle Si Mokhtar Yahyaoui, à toute sa famille et à sa compagne Sophie ses condoléances et les assure de sa vive sympathie.

Inscrit dès sa reparution sous les auspices du SMSI, le magazine en ligne ‘‘Alternatives Citoyennes’’ reconnaît en Zouhair Yahyaoui la figure emblématique de l’éclaireur. Les jeunes qui le pleurent sur les forums interdits et sur ceux qu’on tolère en Tunisie, ne s’y sont pas trompés non plus. Ils perdent leur ami et leur alter ego en ce jeune homme frondeur et irrévérencieux dont la gouaille courageuse fit trembler le régime. Il parlait le langage frais et vert de la jeunesse rebelle, avec une audace sans calcul et une spontanéité sans concession. Il n’était ni un intellectuel supérieur, ni un salonnard complaisant, ni un officiel d’une opposition établie, trop vieillie pour avoir sa netteté et son punch.

Il était le résistant véridique glissant sur le web avec l’aisance d’une jeunesse qui d’instinct sait manier la nouvelle technologie comme l’arme inédite de la liberté.

Il le faisait avec une espièglerie qui décapait la bêtise du pouvoir et des ronds de cuirs de l’Agence tunisienne de l’Internet (Ati) dont il déjouait les verrous par ses «proxy». En mettant son humour en prison, c’est le régime tunisien qui se couvrit de ridicule. La mort de Zouhair est aussi naturelle que la répression policière et la destruction carcérale sont naturelles en Tunisie depuis des décennies. Si le coeur de Zouhair l’a lâché, c’est qu’il l’a mis tout entier dans son combat pour notre liberté. Pour lui nous rebaptiserons le SMSI «Sommet Mondial Zouhair Yahyaoui», SMZY. Prolongeons sa cyber-dissidence au côté de toute une jeunesse dont il est l’icône : «Tu rêvais d’être libre et je te continue».

Pour la rédaction d'Alternatives citoyennes,

Tunis, Paris, le 14 mars 2005

Source : ‘‘Alternatives Citoyennes’’.