Fatah Mami écrit – Il faut choisir entre la création d’emploi et le droit constitutionnel à l’emploi, car ces deux objectifs sont mutuellement exclusifs : il est impossible d’avoir les deux.
A l’occasion de la célébration du 1er anniversaire de la Révolution, le Congrès pour la République (Cpr) a organisé, à Sfax, une réunion présidée par les membres de son bureau politique, Mohamed Abbou, ministre chargé de la Réforme administrative, et Abdelwaheb Maâttar, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi.
Discours de bonne intention et du politiquement correct
M. Abbou a indiqué : «Le gouvernement a préparé un programme pour l’année 2012, visant le recrutement, dans la fonction publique, de 25.000 chômeurs, sur un total de 800.000 sans-emploi. L’initiative privée demeure la meilleure solution au problème du chômage.»
Relativement à l’initiative privée, la déclaration de M. Abbou est avérée. Je rajouterai que l’initiative privée est la meilleure solution pour le développement, la création de richesse, l’élévation du niveau de vie... tout simplement, la sortie de la crise et de l’impasse. Mais que proposent le Cpr et le gouvernement dont il fait partie pour rassurer, débloquer, libérer, relancer et renforcer l’initiative privée ? Quelles mesures concrètes et pratiques sont prévues ? Les discours de bonne intention et du politiquement correct ne suffisent pas ; il faut des mesures et des programmes concrets.
M. Abbou a aussi reconnu que la coalition gouvernementale est «appelée aujourd’hui à imposer le respect de la loi et la souveraineté de l’État». Je rajouterai que c’est sa mission première et son devoir principal, non-négociables, ni susceptibles d’être modérés ou reportés.
Chercher un emploi ou réclamer son «droit à l’emploi» ?
Le débat a porté également sur l’inscription du droit à l’emploi dans la future Constitution, la révision de la législation fiscale, le recouvrement des biens pillés, ainsi que sur la prime à accorder aux chômeurs et le stage d’initiation à la vie professionnelle.
Quel est le but de l’inscription du droit à l’emploi dans la future Constitution ? Quelle serait son utilité ? Comment serait-il mis en œuvre ? Quelle serait l’implication et le coût de ladite inscription ? Quels sont les pays qui ont inscrit le droit à l’emploi dans la Constitution ? Dans le cas où ce droit est inscrit dans une quelconque Constitution, comment est-il mis en œuvre ?
L’inscription du droit à l’emploi dans la Constitution équivaut à une obligation de la collectivité, représentée par son gouvernement, à fournir un emploi convenable, qui assure un minimum vital et un minimum de dignité, à quiconque qui le réclame. Ainsi, un chômeur aura l’option de chercher un emploi, par ses moyens, ou de se simplifier la tâche, en se présentant à un bureau gouvernemental de l’emploi, pour réclamer son «droit à l’emploi». Cet emploi devrait être en adéquation avec ses qualifications, pour ne pas porter atteinte à sa dignité et son statut social ; il devrait également fournir un revenu convenable (pas simplement suffisant) au chômeur et à ses dépendants.
Par exemple, un chômeur détenteur d’un master aurait droit à un poste de cadre, avec un revenu en adéquation. S’il est marié, avec deux enfants et un parent à charge, le revenu devrait être d’environ 27.000 dinars tunisiens (DT)/an, soit 2.250DT/mois.
C’est quoi cette mascarade ? Et bien, il ne s’agit d’aucune mascarade, mais simplement de l’application d’un droit constitutionnel !
Un droit sans substance, vain et futile
En effet, l’emploi devrait être convenable, donc, au moins en conformité avec les qualifications du chômeur. Deuxièmement, il devrait assurer un revenu convenable au chômeur et à ses dépendants. Un tel revenu serait, surtout pour un cadre, au moins égal au revenu moyen/habitant, pour chaque personne à charge, soit environ 5.400DT/personne/an.
Si l’État (le représentant de la collectivité) était dans l’impossibilité de fournir l’emploi convoité, ce qui serait le cas la plupart du temps, il serait dans l’obligation de payer le revenu correspondant. Autrement, le droit constitutionnel serait sans substance, vain et futile.
En fait, la plupart de nos cadres auront tout intérêt à quitter leurs postes ou à se faire virer pour rejoindre le pool des chômeurs et profiter du droit constitutionnel à l’emploi qui leur permettrait d’accéder à de meilleurs postes et des revenus supérieurs.
Si tout ça paraît invraisemblable et déconnecté de la réalité, sans parler du fait qu’il est tout à fait au-delà des moyens de notre pays, ça n’empêche pas que ça soit ce type de solution et d’institutions qu’une partie de nos élus et de nos gouvernants se vante de défendre et propose de nous en faire cadeau.
D’ailleurs, comme susmentionné, le débat n’a pas abordé la question du droit constitutionnel à l’emploi, en passant ; il l’a consolidée à l’aide de celle «sur la prime à accorder aux chômeurs». Comme si l’inscription du droit à l’emploi dans la Constitution et la prime de chômage résolvaient le problème du chômage. Est-ce que les chômeurs veulent des emplois, et la dignité qui va avec, ou bien des primes de chômage ?
Avec un taux de chômage avoisinant les 20% et une économie en régression, disposons-nous de ressources adéquates pour honorer les primes de chômage – sans oublier le droit constitutionnel au travail ?
Au fait, est-ce que Abdelwaheb Maâttar est ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi ou bien du chômage ? Le ministre de l’emploi devrait proposer des solutions qui renforcent le secteur privé et créent, donc, des emplois, non pas des solutions qui augmenteraient le déficit et les dettes de l’État, ainsi que les charges sociales et les impôts, minant la compétitivité des entreprises et détruisant des emplois.
Vu les propositions concrètes, constitutionnelles, que le Cpr propose au problème du chômage, et à la lumière de leur signification et de leur implication, je ne peux que conclure que la louange de «l’initiative privée [en tant que] la meilleure solution au problème du chômage» déverse simplement dans le politiquement correct, mais elle est dépourvue de substance et de conviction.
En ce qui me concerne, il faudrait choisir entre la création d’emploi et le droit constitutionnel à l’emploi, car ces deux objectifs sont mutuellement exclusifs : il est impossible d’avoir les deux. La création d’emploi est possible, avec une vision et une politique appropriées; en revanche, le droit constitutionnel à l’emploi serait impossible à honorer et serait destructif d’emplois.
Afin d’éviter tout malentendu, je mentionnerais que je n’ai rien contre le Cpr ou ses personnalités. Je réagis simplement à certaines positions et orientations politiques de ce parti. Par souci d’équité, reconnaissons que le Cpr n’est pas le seul à appeler à l’inclusion du droit du travail dans la Constitution et à l’introduction d’une indemnité de chômage. Entre autres, tous les partis de la coalition gouvernementale ont inscrit ses objectifs dans leurs programmes électoraux.
* Les informations citée, ci-dessus, ont été rapportée par le journal ‘‘La Presse’’ du 16 janvier 2012, p. 4, sous le titre: ‘‘Vie des Partis - Meeting du Cpr à Sfax.