La gabegie sécuritaire actuelle est le résultat de l’incompétence manifeste du ministre de l’Intérieur, ou de la duplicité inhérente à la stratégie de son mouvement : Ennahdha.
Par Tarak Arfaoui
Révolution oblige, il ne se passe pas un jour sans que l’on assiste à des manifestations sur la voie publique avec leurs dépassements et dérives en tout genre, mettant à jour les multiples tergiversations du gouvernement actuel dans la conduite du dossier sécuritaire.
Ali Lârayedh, le ministre de l’Intérieur semble manier avec dextérité la politique des deux poids deux mesures selon les circonstances en tenant en même temps un discours républicain, pragmatique, intransigeant et réconfortant pour tous les médias, mais contrastant largement avec un laxisme et une tolérance sécuritaire sur le terrain vis-à-vis de certains activistes politiques.
Cette discordance manifeste entre le discours et l’action du ministre le discrédite manifestement dans l’opinion publique chaque fois qu’il oublie, pour des considérations électoralistes, qu’il est au service de tous les Tunisiens et non pas au service de son parti et de ses sympathisants.
L’inexplicable impunité des agresseurs
Les exactions répétées des salafistes sur la voie publique et l’étrange passivité de forces de l’ordre pour les réprimander me laissent perplexe. La célérité proverbiale du système sécuritaire tunisien est à géométrie variable. On tabasse promptement et sans hésiter les journalistes badgés au cours des manifestations, et pour une photo d’un demi nu dans un journal, le directeur est passé par les geôles du centre de détention de Gorjani dans les 24 heures qui suivent la publication. Mais force est de constater que nos fins limiers du ministère de l’Intérieur sont aux abonnés absents quant il s’agit des extrémistes religieux.
Les agresseurs des citoyens, quand ils sont barbus, sont quasiment introuvables que ce soit dans l’affaire de Nessma TV ou de l’agression du journaliste Zyed Krichen et de l’universitaire Hamadi Redissi.
Le profanateur du drapeau national à la faculté de Manouba, bien que photographié, fiché et localisé, n’a toujours pas été interpellé et il manifeste de nouveau dans la rue au nez des policiers et à la barbe de ses congénères.
Les prédicateurs professant un islam extrémiste et violent, et appelant à la haine, sont même protégés dans les espaces publics par des cordons de policiers.
Ali Lârayedh et gabegie sécuritaire
Les harangueurs en transe appelant ouvertement par mégaphone, sous les fenêtres des bureaux de Ali Lârayedh, ministre de l’Intérieur, à l’avenue Bourguiba, à l’assassinat de leurs concitoyens ne sont nullement inquiétés. Le mouvement salafiste, qui n’a pas de visa officiel, organise des conférences, des meetings et des marches publiques dans l’illégalité la plus totale avec la bénédiction du ministre de l’Intérieur. Ce dernier, avec une légèreté (et une duplicité ?) invraisemblable, permet aux membres de ce mouvement, qui ne fait pas mystère de sa haine de l’art et des artistes, de manifester au même moment et au même endroit que des associations… artistiques !
Sans jouer sur les mots, ce laxisme de M. Lârayedh dans la gestion du dossier de l’ordre public n’augure rien de bon. Cette gabegie sécuritaire est soit le résultat d’une incompétence manifeste du responsable qui, malgré son militantisme passé, n’est pas apte à occuper la délicate fonction inhérente à son poste actuel, soit le résultat des directives politiques dictées par son mouvement, qui n’arrive malheureusement pas à se débarrasser de ce boulet de canon lestant son action : la traditionnelle duplicité des dirigeants de son parti, Ennahdha en l’occurrence.