Les victimes de la dictature benalienne ont-ils décidé, aujourd’hui, de recourir au monopole de la violence légitime pour museler le peuple tunisien? Il est temps d’agir! Nul ne peut dire: «Je ne savais pas»! Il paraît qu’il faut résister!

Par Houda Zekri*


Il paraît que c’est un jour de commémoration, un jour de recueillement, un jour où les vivants rendent hommage aux morts, en souvenir d’un jour de lutte et de combat pour l’indépendance de la Tunisie!

Il paraît que c’est un 9 avril 2012, dans la Tunisie post-révolutionnaire, sous l’ère des Bien Guidés Nahdhaouistes! Un 9 avril que seuls les officiels et les «Bleutés» ont le droit de commémorer devant des caméras bien sages et des journalistes taiseux!

Il paraît que ça continue…

Il paraît que ça commence par des petites choses infimes, microscopiques, des bactéries colonisatrices qui s’emparent du moindre interstice libre: et si on minait le Code du statut personnel (Csp), et si on inoculait le virus de la polygamie, et si on enterrait l’adoption, qu’on remplacerait par la «kafala», et si on excommuniait les binationaux, et si on enterrait, vivants, les bâtards, et si on fouettait les mères célibataires, et puis, si on remplaçait le drapeau rouge et blanc par un tissu endeuillé…

Il paraît que ça continue, que ça se métastase et que ça se gangrène et nous constatons l’apparition de ganglions pustuleux qui infestent toute la fragile pellicule démocratique: des Salafistes belliqueux et hargneux, talionneurs et hadithiens qui font régner la terreur au nom de Dieu, du wahhabisme et de fatwas quotidiennes qui légitiment le meurtre d’apostats et de libres penseurs, une constitution fortement inspirée par la chariâ, des «blasphémateurs» condamnés à des peines de prison de cinq ans, des directeurs de journaux gardés à vue, des postes distribués aux amis et aux partisans…

Il paraît que ça finit par une interdiction, rectiligne, qui va de bas en haut, une interdiction – verdict qui tombe comme un couperet: IL EST INTERDIT DE FROLER L’ASPHALTE DE L’AVENUE HABIB BOURGUIBA!

Il paraît qu’il est interdit de manifester!

Il paraît qu’il est interdit de célébrer «la Fête des Martyrs»!

Gommez 1938 de vos mémoires; effacez 1956 de vos cœurs et soumettez-vous aux lois d’urgence, quant au 14 Janvier, ce ne fut qu’une pause, une toute petite pause, sur la route de la théocratie! Il paraît que ça rappelle étrangement un certain Ben Ali!

Nul ne peut dire: «Je ne savais pas»!

Il paraît que les chiens-sbires de l’ex-président se sont redéployés, épaulés dans leur mission purificatrice de milices cagoulées et bien armées… Les armes sont préhistoriques, les coups portés, fatidiques… Il paraît qu’on vise les têtes; il paraît qu’on vise l’intelligence et la pensée; il paraît qu’on vise les femmes…

Comme des meutes de chiens carnassiers aux crocs acérés, ils s’acharnent; ils font mal; ils se vengent; ils font pleurer; ils lancent leurs bombes lacrymogènes comme des missiles aveuglants et asphyxiants, au nom de quoi, au nom de qui?

Les chiens grillagés et cuirassés ne font-ils qu’obéir aux ordres, comme ils ont obéi aux ordres du dictateur, quand il leur a demandé de se débarrasser des islamistes, quand il leur a intimé l’ordre de les torturer sauvagement? Les victimes de la dictature benalienne ont-ils décidé, aujourd’hui, de recourir au monopole de la violence légitime pour museler le peuple tunisien?

Il paraît qu’il y a eu le Collectif du 18 octobre (2005), où côte-à-côte, Hamma Hammami (Poct), Ahmed Nejib Chebbi (Pdp) et Samir Dilou (Ennahdha) ont entamé une grève de la faim de plus d’un mois pour dénoncer les dérives du régime autoritaire de Zaba. Mais il paraît que le 9 avril 2012, sur l’avenue Habib Bourguiba, le même Hamma n’a guère été épargné… Il paraît que certaines amitiés s’effilochent avec le temps et les changements de régime…

Il paraît…

Mais c’est certain, il est temps d’agir! Nul ne peut dire: «Je ne savais pas»! Il paraît qu’il faut résister !

* Collectif 3C.