Un vieil adage dit: «On ne peut pas plaire à Dieu et à son père!» Le gouvernement de la «troïka» fait de son mieux. Mais gare à la contre-révolution. L’Histoire nous en a laissée des exemples… sanglants.

Par Farouk Ben Ammar*

1- Les enseignements de l’Histoire : cas de la France

Après celle de juillet 1830, la révolution de février 1848 est la deuxième vraie Révolution qu’ait connue la France du XIXe siècle. Mais qui instaura, paradoxalement, une nouvelle dictature!

Cette révolution fut déclenchée en janvier 1848 à Paris, suite à l’interdiction d’une manifestation appelant pour des réformes sociales et économiques.

Cette fois, ce fut sous l’impulsion de libéraux et de militants républicains en soutien aux ouvriers dont les revendications sont restées lettre morte, et accablés par la famine et le chômage qui régnaient en maitres dans la France de la première moitié du XIXe siècle.

En guise de représailles, le gouvernement commit la fatale erreur de fermer les «atelier nationaux» créés par ce même gouvernement pour garantir un minimum de revenus aux chômeurs, ressemblant, dans un sens, au fameux et tant contesté «Programme Amel» mis en place par le gouvernement transitoire en 2011!

L’insurrection prit de l’ampleur, et les insurgés réussirent à prendre le contrôle de Paris, ce qui aboutit à l’abdication du roi Louis Philippe, et à la proclamation de la IIe République.

Un gouvernement provisoire républicain fut mis en place, composé essentiellement par des francs-maçons très hostiles à la monarchie de juillet.

Le suffrage universel masculin est proclamé en mars 1848 pour élire une Assemblée nationale constituante (mars 2011 pour la Tunisie: cf. décret-loi n° 2011-14 du 23 mars 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics).

L’élection au suffrage universel de l’Assemblée constituante eut lieu le 23 avril  de 1848 (Tunisie, le 23 octobre 2011).

Louis-Napoléon Bonaparte fut élu président de la IIe république à 75% des suffrages, l’empotant sur six (6) candidats parmi lesquels le poète Alphonse Lamartine. Il fut élu bien que pratiquement absent de la scène politique, mais l’illustre nom de son oncle a bien séduit la plèbe. Il fera, quand même, son coup d’Etat en décembre 1851 avant de rétablir l’Empire et devint Napoléon III… soit une dictature… et à bon entendeur demi-mot !

Victor Hugo a bien résumé ces révolutions, dans son chef d’œuvre ‘‘Les Misérables’’, avec son vaillant Jean Valjean, son révolutionnaire Marius, son indomptable Gavroche, sa misérable Fantine, et sa candide Cosette…

La Tunisie d’aujourd’hui en compte des dizaines de milliers… mais qui soutiennent leur gouvernement contre vents et marées, un gouvernement issu du peuple et non de la «bourgeoisie néo-bourguibienne».

2- Que reproche-t-on au gouvernement provisoire tunisien?

Un vieil adage disait: «On ne peut pas plaire à Dieu et à son père!»

Ces derniers temps, on a quand même remarqué une certaine effervescence dans les activités du gouvernement provisoire, cherchant un effet plutôt réformateur que tapageur (le gouvernement de transition de 2011 aspirait plutôt à un effet inverse) menant à des actions et des décisions aussi légitimes que nécessaires.

Mais comment concrétiser des décisions avec une administration quasi-paralysante mise en place par le gouvernement de 2011?

On reproche au gouvernement d’être hétéronome, travaillant en sous-main pour des puissances étrangères, le gouvernement de 2011 l’était encore plus, un gouvernement qui qualifiait toutes ses décisions d’historiques, au risque fort de confondre allégrement l’essentiel et l’accessoire: mais que faire, dans un petit pays?

Les anciens philosophes de l’antiquité le savaient bien: «Un petit pays ne peut jamais être à l’abri de l’influence des puissantes nations qui l’entourent…»

Il est aussi vrai que les caciques de l’ancien régime restent, encore, tapis dans des réservoirs dont à ce jour on n'a pas trouvé les moyens de les déloger, mais il faut du temps, beaucoup de temps. Sans oublier encore que le gouvernement transitoire de 2011 les avait protégés et même placés dans des postes clés de l’administration!

Des inconnus se retrouvent au rang de «hauts responsables», dit-on, nommés soit pour leur allégeance ostensiblement déclarée au parti dominant soit pour avoir végété des années dans les geôles de l’ancienne dictature, oubliant ceux qui ont subi toutes les exactions sans toutes fois faire de la prison! Et alors, ils ont bien mérité le droit à une chance de s’affirmer!

Rappelez-vous des gouvernements de l’après indépendance: n’avons nous pas eu droit à un ministre postier de son état! Cela va sans dire que le gouvernement de 2011 était également composé d’illustres inconnus venus d’outre-mer, des technocrates, disait-on!

Il est sans doute vrai que des compétences nationales demeurent encore cantonnées dans des postes non stratégiques, alors que des cadres limogés pour incompétence et gestion frauduleuse, à l’époque de l’ancienne dictature, se retrouvent, en 2011, à la tête d’institutions nationales suite à un jeu macabre d’alliances, prétendant être des victimes du régime déchu et qui paralysent, sournoisement, l’administration. Patience, là aussi il faut du temps pour les démasquer!

Le paysage médiatique dévoile une presse écrite rampante, mais qui œuvre pour des mouvements s’autoproclamant progressistes ou libéraux voire encore fidèles au régime déchu, mais d’obédiences partisanes en aparté. Heureusement que la presse électronique, vrai espace de libre expression, sauve la face du monde de l’information!

Que d’affaires insignifiantes ont étés reprises par la presse qui en a fait ses choux gras. Sans omettre le laisser-aller des animateurs-bonimenteurs en vogue sur les médias de l’audio-visuel, vautrés dans les séquences nauséeuses de l’actualité. Mais n’a-t-on pas tant réclamé la liberté d’expression?

On parle d’élections municipales renvoyées aux calendes grecques. Mais qui détient ces municipalités? Ce ne sont guère les partisans du parti au pouvoir !

Pour enfoncer le clou, le commandant des forces armées, pourtant soumis à une obligation de réserve, annonce non sans fracas, ces propos: «Bientôt, je vais siffler la fin de la récréation» (le ministère de la Défense a démenti cette information, Ndlr). Est-ce une déclaration liminaire, un signe précurseur d’une éventuelle intervention musclée pour freiner, manu militari, les ardeurs de certains? Y a-t-il là matière à inquiétude? On ne se lance pas avec des propos comme ça sans biscuit. Une intervention pareille avait conduit la France vers sa IIe Révolution pour réinstaurer le IIe empire avec le sang des ouvriers (6.000 morts) ingénieusement manipulés par les libéraux. Une dictature que Victor Hugo fustigea avec toute sa verve ce qui l’obligea à s’exiler !

La masse ouvrière et les syndicaux, sont sournoisement manipulés par des soi-disant progressiste-libéraux, les utilisant comme chair à canon (France 1848) pour paralyser le gouvernement et rétablir derechef une dictature de «technocrates» qui se sont avérés être des assoiffés de pourvoir. «Laissez notre prolétariat tranquille cher libéraux!», s’esclaffa un syndicaliste averti.

On observe une montée, désespérée, d’un courant déviationniste qui risque de diviser le pays et qui se cache derrière des personnalités plus ou moins populaires au passé douteux.

Force est de constater, que certains groupuscules, qui ont érigé le mensonge en principe existentiel, veulent creuser un hiatus entre les dires et les actions du gouvernement, faisant flèche de tout bois, usant rumeurs et informations mensongères. Mais, ce dernier garde toujours sa force de conviction, bien que l’opposition encore embryonnaire et atomisée soit aux aguets pour jeter le discrédit sur le parti dominant à la moindre incartade.

Que peut-on en conclure?

Est-ce qu’un coup d’Etat, ou une deuxième révolution se trame, pour instaurer une dictature?

Non: le gouvernement fait tout pour renverser la vapeur, en étant plus près du peuple et de ses composantes civiles et syndicales, et non seulement les entendre mais aussi les écouter pour par la suite s’atteler à la lourde tâche de réagir à l’immédiateté de leurs besoins et assouvir leurs aspirations à la dignité et aux libertés.

Le pouvoir assagit: le gouvernement est en train de prendre des décisions de bon aloi et de faire des choix éclairés pour le salut du pays. On ne redresse pas l’économie d’un pays exsangue en six mois!

C’est à l’aune de ses actions que le gouvernement sera jugé et il le sait. Un gouvernement qui devise sur la compatibilité de l’islam avec les valeurs de la République et de la modernité: «La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain: sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république…

Quant aux modes des élections, je crois dur comme fer que le suffrage universel non censitaire est anti-démocratique pour le cas de la Tunisie, on en connait les résultats.

Pour la Tunisie, le suffrage conditionnel serait plus juste car basé sur la contribution de l’électeur, donc sa citoyenneté. Un suffrage conditionnel qui permet au citoyen de voter, en se basant sur des critères d’imposition (paiement des impôts), de scolarisation, ou d’éducation…

«La souveraineté revient incontestablement au peuple, mais celle-ci revient au peuple qui paie ses impôts, est éduqué et s’acquitte de ses devoirs envers son pays».

* Ph.D.