Comme en France ou en Italie après la chute du nazisme, la Tunisie n’a pas eu droit à sa catharsis que des procès exemplaires d’anciens caciques de l’ancien régime auraient pu représenter.

Par Nizar Chebbi


Il est édifiant de voir à quel point les histoires des colonisés ressemblent aux histoires des colonisateurs, toute proportion gardée, bien sûr, et dans des circonstances bien différentes.

Prenons tout d’abord le couple France-Tunisie. Chez le premier, la libération s’est suivie d’une épuration assez soft si on la compare à celle pratiquée en Italie. Aussi, mis à part quelques noms illustres de la collaboration active condamnés à la peine capitale ou à de lourdes peines de prison, le maréchal Pétain a bénéficié d’une certaine mansuétude de la part du nouveau gouvernement, et nombre d’anciens collaborateurs ont été recyclés par le nouveau régime.

Il semblerait que la Tunisie se dirige vers un destin similaire. Pour preuve: les peines presque hilarantes dont ont écopé, jusque là, de rares emblèmes de l’ancien régime.

Les Tunisiens ont tellement été déçus par le peu de procès et de punitions réelles envers la quasi-mafia autrefois régnante que cette révolution leur laisse un goût d’inachevé. La Tunisie d’aujourd’hui n’a pas eu droit à sa catharsis que des procès exemplaires d’anciens caciques de l’ancien régime auraient pu représenter.
Mais la similitude ne s’arrête pas là. Comme en France, où le Parti communiste, qui a été le plus durement réprimé par les Allemands et par les autorités de Vichy et qui gagna son sobriquet de parti des fusillés, en Tunisie ce sont les islamistes, eux aussi occupant la place du souffre-douleur préféré de l’ancien régime et de son prédécesseur, qui bénéficièrent de l’émoi et de la sympathie populaires qui les porta au pouvoir.
Prenons maintenant le couple Italie-Libye. Dans les deux cas, la libération s’est matérialisée par deux crimes fondateurs si l’on peut dire : ainsi Mussolini comme Kadhafi ont été lynchés, et les exécutions sommaires d’anciens collaborateurs furent beaucoup plus nombreuses en Italie qu’en France, et la proportion est là même si l’on compare la Tunisie et la Libye.

Autre similitude, l’extrême gauche italienne, fer de lance de la résistance italienne au fascisme, qui d’ailleurs est restée l’une des plus fortes d’Europe, a eu la part belle dans la prise de décision dans l’Italie post fasciste, tout comme les islamistes en Libye après la chute de Kadhafi dominent la quasi-totalité de la scène politique libyenne.

Articles du même auteur sur Kapitalis :

Les confessions d’un Tunisien déçu

Bruits de bottes et odeurs de poudre dans le Golfe

Tunisie, ta gauche est-elle à ta droite?