Lorsque j’étais enfant, je ne me sentais bien, puissante, capable qu’en portant le pantalon. C'était durant ces années ténèbres où la femme était une esclave, un piètre statut, un torchon où il restait permis, légitime de rabaisser, de malmener, d’en disposer puis de s’en défaire comme d’un sale et vil objet.
Par Dr Lilia Bouguira
C’était et cela l’est encore comme dans toute société arabo-musulmane, une société sexiste macho qui cultive en nous le sexe féminin cette tendance à vouloir ressembler aux hommes surtout dans le jeune âge parce que tout revient de droit au mâle: la force, la puissance, le courage, l’intelligence, les jeux, le dernier mot…
Cela n’a pas beaucoup changé depuis, enfin si mais sous des formes plus insidieuses. Les conjonctures de la scène politique actuelle font revenir dans nos têtes un peu ce débat.
Hier encore j’avais peur pour ma fille, mes femmes et moi même et je me redemandais en murmurant s’il n’était pas plus confortable de n’avoir que des garçons. Cela serait moins compliqué, plus facile, plus gérable, moins d’ennui, moins de peur, moins d’angoisse et d’anxiété.
Un échange sur Facebook à propos de mon statut d’hier sur nos blessés de la révolution m’a crevé le cœur à ses débuts. Il m’a fait revenir à ces années ténèbres où la femme était une esclave, un piètre statut, un torchon où il restait permis, légitime de rabaisser, de malmener, d’en disposer puis de s’en défaire comme d’un sale et vil objet.
J’ai répondu sagement à l’attaque en comprenant que derrière se terraient de l’injustice certes mais surtout des millions d’incompris, de faux-pas, de préjugés, de non dits et surtout de malentendus. Je n’ai pas déclaré de guerre facebookienne ni de faux débat ni de polémique narcissique où chacun serait resté encore plus ancré dans ses positions pour se déchirer encore un peu plus.
Il faut dire que mon interlocuteur a été d’un courage et d’une humilité hors-pair. Il nous a suffi de dialoguer pour l’amener à revenir sur ces positions et surtout à formuler des excuses. Il a été sincère; depuis nous devenons amis. Un projet de travail sur le même sujet a été formulé parce digne monsieur.
Pourquoi digne?
Parce qu’en moins d’un échange, il est revenu avec beaucoup d’humilité sur sa position en se désavouant et cela n’est pas facile dans une société aussi macho.
Parce qu’en moins d’une heure, nous avons été capables même virtuellement de changer de camp, de nous rencontrer sans se fondre, sans avoir été obligés d’être du même parti pour penser à construire cette Tunisie nouvelle main dans la main malgré nos différences.
Mon interlocuteur est un nahdhaoui pur sang et cela ne me dérange aucunement.
Il aurait pu être un salafiste, un gauchiste ou je ne sais, cela aurait eu le même effet.
Ce qui m’aurait chiffonnée, blessée, traumatisée, fait sortir de mes gonds, c’est l’esprit obtus de non échange et d’exclusion. Cela aurait été l’esprit dangereusement fermé où chacun croit et pense que le droit est de son côté, que la vérité est seulement la sienne et que l’autre n’a pas le droit d’exister, n’a pas lieu d’être.
Je pense de plus en plus qu’il est des plus urgent que notre société civile se ramasse, sorte de son terroir pour ouvrir le dialogue sans animosité ni guerre, pour construire sur des bases fermes des rencontres de tout parti de toute tendance à toute échelle.
Je ne promets rien.
Je ne suis ni politicienne ni psy, mais ce dont je suis sûre c’est que le rapprochement des berges ne se fera et ne pourra avoir lieu que dans la non violence, c’est-à-dire maintenant, avant que les dés ne soient complètement jetés et que nous commencions à comptabiliser uniquement deux possibilités, deux rives et rien que deux fossés: des droites et des gauches, des athées ou religieux, des fanatiques que de ses seules convictions.
En revenant sur sa position, attitude des plus louables je trouve, non pas parce qu’elle chatouille mon égo mais parce que cet homme m’a ramenée à mes pensées, à ma décision de mettre la main avec tous ceux qui aiment ce pays dont je vis pour le construire, pour chasser le mal qui essaie de percer, pour annihiler la gangrène et dire non à toutes formes d’exclusion, en particulier celle des femmes comme à mes tous débuts comme dans mon enfance.
Ce monsieur, dont l’identité nous importe peu, m’a fait réaliser par son geste combien il serait facile de créer si nous arrivons à laisser nos égos de côtés et que nous parvenions à nous écouter dans la modestie.
Ce monsieur n’a pas daigné un instant pour se secouer et me dire tout haut «Fier de vous, de nos femmes» d’il y a une minute, il descendait.
Il a été sidéré et avoué en être fier parce que cette même femme a été capable de le porter et d’en faire un homme destiné à être bien. Cette femme c’est aussi l’épouse, la compagne, l’amie, la sœur qui a toujours répondu présente lors des petits et grands soucis, qui a soigné les petits et les grands maux, qui a fait les courtes et les longues files lors des arrestations du führer dans les prisons et lors des convois.
EN AUCUN CAS, cette femme n’a démissionné de lui surtout pas aujourd’hui.
Il se lève alors baise le front de ses femmes et marche depuis à nos côtés.
Ps: en pensant à Femmes, je salue tendrement nos citoyennes qui ont fait tout cela mais en particulier celles qui depuis un an se démènent au loin avec nous pour traiter la cause de nos blessés de la révolution loin du chahut politique dont certains font leur fond de commerce.
Je dis merci à cette dame honorable qui n’aimerait pas que je cite madame @souad khouildi qui n’a jamais hésité à se mettre au service de cette cause depuis l’émirat et qui, encore aujourd’hui, lors de la publication de mon statut, promet de partir dans la semaine au Qatar suivre nos gosses pour les booster. Chose qu’elle fera, je le sais !
Je remercie aussi tendrement madame Zohra Abidi, une femme de fer et qui ne daigne pas un instant à nous aider pour cette noble cause depuis des mois déjà. Elle se rallie à sa sœur pour y aller aussi dans la semaine rendre visite à Nabil et les autres…
Je remercie chacune qui a tendu la main aidé n’a plus eu de vie réelle que cette cause depuis des mois.
Je remercie particulièrement @TITE SOURIS qui est ma plus belle des «ana» mais qui est d’une incomparable humanité et qui a été la première avec son frère @Winston smith pour attirer mon attention un mois de février 2011 qu’il y avaient des OUBLIES DE LA REVOLUTION: nos blessés!
Je remercie nos femmes et encore nos femmes madame @RADHIA NASRAOUI qui accourt à chaque appel pour dire non à la répression et la violence, qui a récemment touché nos blessés pour faire crapuleusement le gagne-pain de certains et bon dos pour d’autres.
Je remercie également madame @SAIDA AKREMI qui accourt aussi chaque fois que cela lui est donné pour dire non à la répression et à l’injustice. Une femme intelligente qui ne s’encombre pas du détail, vomit les interdits et s’accorde la liberté.
Je remercie @FAIZA MEJRI qui, malgré ce qu’elle endure, nous prête dès le début sa station radio avec beaucoup d’amour et de générosité.
Je remercie également @Imen Ben Ghozzi qui, malgré nos différends, s’est se prêter comme une lionne pour nos blessés.
SAHA W FLOUSS: CES FEMMES MERITENT LE RESPECT!
Je n’appellerai pas nos femmes politiques quoiqu’elles restent louables mais j’estime que cela est leur choix et qu’elles se doivent d’assumer sans éloge ni mérite.
Articles du même auteur dans Kapitalis :
Prenez ma vie mais ne prenez pas mon fils !
«Dinar dinar, Hata ndéwi ethouwar»
Les Tunisiens ont réussi là où leur Etat a échoué !
Pour Gilbert Naccache: «Ecris encore pour nous les enfants de ton pays, la Tunisie»