Pour conjurer la menace du retour de la dictature, on doit opposer une logique de droits à faire respecter et à conquérir, dans le cadre du pacte pour les droits et la citoyenneté.

Par Abdelwaheb Kanzari*


De contre-réformes en contre-réformes, d’aucune réforme aucune réalisée, nous avons connu depuis le 14 janvier 2011 une période destructrice pour nos libertés, nos droits, la qualité de notre vivre-ensemble.

Alors que les inégalités explosent, que la fragmentation sociale menace, on voudrait faire payer aujourd’hui la pulsion rigoureuse des intégristes antiques  des années de braise à la masse de celles et ceux qui n’ont jamais vécu que de leur travail, et dans leur misère.

Cette menace est lourde d’injustices, de privations de droit, de dénis démocratiques.

Nous lui opposons une logique de droits à faire respecter, à conquérir.

C’est la seule perspective pour envisager un autre avenir, construire un autre vivre-ensemble, qui n’est pas la vision des intégristes et de leurs alliés, n’est pas aussi leurs principes de fonds et de formes qui s’opposent à la révolution du 14 janvier 2011.

Dans le cadre du pacte pour les droits et la citoyenneté, nous avançons les propositions suivantes:

Démocratie:

N’est- elle la principale base de cette révolution:

- fin de tous clientélismes;

- le travail pour celui qui le mérite et non pas un favoritisme exacerbé;

- désignation non partisane de tous préfets et délégués et des autorités indépendantes;

- rétablissement de l’effectivité parlementaire;

- élection directe des conseils inter municipaux;

- démocratisation de l’élection des conseillers régionaux: la démocratie à l’échelle régionale.

Droits sociaux:

- défense, reconstruction et modernisation des services publics, égalité d’accès entre les territoires et la priorité de développement aux régions extrêmement défavorisées;

- priorité à l’école publique laïque, qui seule accueille tous les enfants sans discrimination sociale et financière;

- quota impératif de logements sociaux dans les villes discriminées jusqu’à aujourd’hui, afin de faire reculer «l’apartheid territorial»;

- établissement de la plénitude de l’assurance maladie et accès aux soins complets en développant les mutualisations nationales et étrangères;

- abrogation des codes d’investissements qui offrent l’exonération à 100/% de tous impôts et taxes et l’exigence de payer un minima fiscal;

- «sécurité sociale professionnelle» avec sécurisation des parcours professionnels;

Discriminations et xénophobies:

- défense de l’égalité face au racisme, au sexisme et aux discriminations et surtout vis-à-vis de la femme;

- interdiction de toute prise en compte dans les fichiers administratifs ou de gestion de toutes données personnelles relatives aux «origines géographiques»;

- engagement pour la «mixité des droits» et sanction des employeurs qui pratiquent la discrimination sexiste à l’embauche ou dans les carrières au sein de la justice et police;

- indépendance du parquet par rapport aux pressions gouvernementales;

- indépendance des juges et leur haut conseil national.

Solution aux martyrs de la révolution:

- suppression de toutes les avancées financières et les privilèges à tous ceux qui ont porté atteinte aux personnes ayant milité pour cette révolution;

- interdiction des «sorties sèches» sans accompagnement des fins de peine en milieu ouvert;

- création d’une police de proximité, au service de la sureté de tous et du respect des citoyens;

- sanction réelle de toute violence policière;

- sanction des «ramassas» devant les établissements publics et/ou parapublics qui réclament l’application des vœux pieux des intégristes en se considérant un remplaçant des juges.

Liberté et vie privée:

- contrôle de l’utilisation des technologies de la surveillance, du fichage et du traçage par des autorités indépendantes;

- «Habeas corpus numérique»: création d’un référé «vie privée et données personnelles»;

- constitutionnalisation du principe de protection des données personnelles;

- compétence exclusive du législateur pour créer des fichiers de police;

- refus des interconnexions et du fichage généralisé, respect des principes de nécessité et de proportionnalité;

- sanction réprimant toute personne qui menace corporellement ou verbalement  la vie privée et professionnelle;

- respect du pouvoir de la presse et non ingérence dans ce secteur;

- élections libres, qui doivent être considérées comme un cinquième pouvoir complètement égal aux autres: législatif, exécutif, judicaire, presse.

Ce n’est pas parce qu’on était militant qu’on doit avoir droit à tous les privilèges sociaux, économiques et politiques.

Pour ceux qui se disent violentés par le passé qu’ils sachent qu’ils l’ont fait pour la «patrie martyre»

On est militant parce qu’on est conscient de faire de la politique au service du pays. Le politique est non religieux ou jamais.

* Manager et ancien professeur universitaire, docteur en économie: «Mutations internationales et adaptations régionales».