Le dangereux deal entre l’Occident et les pétromonarchies du Golfe: les premiers importent les hydrocarbures des monarques, et les seconds exportent leur modèle sociétal et leur wahhabisme à travers le monde!
Par Rachid Barnat
Il en est des pays sans ressources naturelles qui ont su exploiter la matière grise de leur peuple comme certains pays d’Asie: Japon, Corée du Sud, Taiwan… Pour cela, ils ont investi dans la formation de leurs enfants, de manière à développer chez eux l’esprit d’initiative et de créativité dans tous les domaines. Ces pays sont devenus des leaders dans la technologie moderne et exportent leur savoir-faire et leurs produits manufacturés de haute technologie dans le monde entier.
D’autres, pourtant bien dotés de richesse naturelles comme l’or noir, ont préféré investir dans le béton et surenchérir dans l’érection de tours les plus hautes, signe phallique de leur puissance pour épater leurs voisins. Comportement qui dénote une mégalomanie infantile. C’est le cas des monarchies du Golfe et de l’Arabie saoudite.
Bien-sûr, toutes les commandes pour ces tours délirantes se font «clef en main» auprès des pays fournisseurs des technologies et du savoir-faire, généralement occidentaux, qu’ils méprisent, par ailleurs, parce qu’ils les considèrent mécréants. Quelle hypocrisie!
Occident, je t’aime, moi non plus !
De même que ces pays investissent en Occident dans des palais et des demeures somptueuses pour épater les nouveaux riches comme eux. Et placent les revenus des hydrocarbures dans les banques occidentales, ne dépensant dans leur pays que le minimum, mais surtout pas pour instruire et former leur jeunesse aux technologies modernes. Mais pas idiots, ces monarques et leurs proches, envoient leurs enfants étudier dans les meilleures écoles et dans les plus célèbres universités du monde occidentale. Quelle hypocrisie!
Ce qui est étonne, c’est qu’au nom du «panarabisme» de certains et du «panislamisme» des autres, les islamistes tunisiens, égyptiens, libyens… veulent se rapprocher de leurs «frères» du Golfe et d’Arabie pour affirmer leur soi-disant «identité arabo-musulmane»; alors que ces monarques préfèrent traiter avec les pays occidentaux et y investir leurs revenus, profitant des taux usuriers en cours! Ces pays sont sans doute plus rentables.
Ce tropisme occidental n’empêche pas ces monarques d’investir dans le soutien des extrémistes islamistes dans le monde dit arabo-musulman, pour s’assurer, via leurs protégés, une hégémonie sur les pays en révolte, afin d’avorter leurs révolutions dont ils craignent la contagion jusque chez eux! Et pour faire bonne mesure et leur préparer le terrain, ils investissent dans la propagation du wahhabisme par les médias mais aussi par l’envoi de prédicateurs.
Ainsi l’émir du Qatar a financé et soutenu les opposants aux régimes en place dans la région, tel que Rached Ghannouchi en Tunisie, mais aussi les islamistes en Libye, en Egypte, etc. Alors que ceux-ci, ne jurant désormais que par leurs frères arabes (du Golfe et d’Arabie), se détournent du monde occidental, monde de mécréance plaident-ils, pour affirmer leur identité arabo-musulmane!. Quelle naïveté!
Le wahhabisme, un schisme qui prône la soumission aux despotes
Faut-il rappeler que l’émir du Qatar a consenti un prêt à la Tunisie à un taux plus fort que le taux du marché en cours! Elle est belle la prétendue solidarité entre pays «frères», rêvée par les utopistes islamistes aveuglés par la richesse de leurs protecteurs.
Même les hydrocarbures que les monarques exportent à l’état brut, il ne leur vient pas à l’idée de les transformer sur place, laissant la tâche à d’autres pays qui les raffineront, pour en tirer plus de bénéfice. Ce qui dénote leur stupide cupidité et, surtout, leur paresse.
Les monarques de ces pays préfèrent investir dans des sociétés occidentales et spéculer sur le marché international pour échapper sans doute à leur «banques islamiques» interdisant le «riba» (l’usure). Comme c’est le cas de l’émir du Qatar, qui a pris des parts dans de nombreuses sociétés occidentales comme l’entreprise d’armement française de Lagardère.
Est-ce là «la finance islamique» dont se gargarisent les Arabo-musulmans du Golfe et d’Arabie? Quelle hypocrisie !
Ces pays sont importateurs de tout ce qu’ils consomment et dans tous les domaines. Hormis leurs hydrocarbures, dont ils n’assurent même pas eux-mêmes le raffinage, on ne leur connaît pas d’industries propres produisant ou exportant dans le monde quelque innovations technologiques.
Leurs chefs se sont appropriés les richesses du pays pour les dilapider égoïstement dans un train de vie choquant et contraire aux préceptes coraniques. Ce qui ne les empêche pas de s’appuyer sur la religion pour se maintenir au pouvoir, puisque le wahhabisme assimile toutes critiques ou contestation du monarque à une «fitna» (zizanie), punissable comme telle, et prône donc ainsi la soumission aux despotes. Ce qui met ces derniers au-dessus des lois et donc de la chariâ qu’ils font appliquer dans toute sa rigueur par le peuple; et les dispense du devoir de rendre des comptes!
Un peuple peu instruit est plus facile à dominer
Pour cela, ces chefs disposent tous de leurs chaînes de télévision personnelles, chargées entre autre d’abreuver jusqu’à l’abrutissement les masses arabophones de «religiosité» dans des émissions quasi quotidiennes animées par des pseudos cheikhs «starisés» et payés comme tels pour maintenir les téléspectateurs dans la soumission à «ouli’y el amr», c’est-à-dire à leurs dirigeants!
Plutôt que de former leur peuple au savoir, ils ont choisi délibérément de négliger son éducation et de restreindre son savoir, car un peuple peu ou pas instruit est plus facile à diriger et à dominer.
Quant aux techniciens, ingénieurs et autres ouvriers qualifiés dont ils ont besoin, ils préfèrent embaucher des étrangers souvent occidentaux pour les cadres, ou miséreux pour la main d’œuvre en provenance souvent d’Asie (Philippine, Pakistan, Indonésie…), plutôt que de recourir aux enfants de leur pays. C’est le cas du Qatar, de l’Arabie, du Bahreïn, du Koweït…
Ce qui donnera des idées à des républiques dont les présidents se rêvent monarque (Libye, Egypte, Syrie, Yémen, Algérie…). Ces derniers ont compris que pour se maintenir au pouvoir, il n’est pas dans leur intérêt que leur peuple soit instruit. Car s’il l’était, il les contestera et contestera leur mainmise sur les richesses du pays. D’où le niveau scolaire dégradé aussi bien en Tunisie qu’en Algérie ou en Libye…
Ce qui est choquant, c’est le développement de la paupérisation ainsi que de la mendicité dans les villes saoudiennes, révélées récemment par les médias.
«Evidemment, avec les 28 épouses du roi, chacune ayant son propre palais et tous les moyens qu’il met à sa disposition pour assurer son train de vie royal; et les princes chacun possédant son avion personnel… cela fait un budget qui engloutit les revenus du pétrole pour entretenir toute la tribu des Ibn Saoud!», disait un opposant saoudien sur la chaîne Al Hiwar. Voilà un roi qui se dit gardien des lieux saints… mais qui possède un palais à Marbella, lieu de perdition en tout genre (sexe, alcool, casino, drogue…)!
Il est scandaleux que les pétrodollars n’aient pas servi à créer d’autres richesses dans ces pays, qui les exporteraient à leur tour. Puisque ces monarques importent TOUT. Ils sont consommateur de tout ce que produit le monde. Leurs uniques exportations restent les hydrocarbures dont l’extraction est confiée souvent à des compagnies étrangères.
L’exportation à fond perdu du salafisme wahhabite
Mais il est une exportation dont les monarques se disputent le monopole, c’est celle du salafisme dans sa version wahhabite dont ils inondent le monde dit «arabo-musulman» mais aussi l’Occident. Par le financement des écoles coraniques, les centres «culturels» (ou cultuels ?), la formation des imams pour les encadrer, l’envoi de prédicateurs; et surtout par la télévision, moyen qui ne connaît pas les frontières et qui pénètre tous les foyers les plus reculés, pour bien formater les esprits des téléspectateurs et les «ramener sur le droit chemin», c’est-à-dire le leur; pour inculquer leur wahhabisme!
Ainsi l’esprit des hommes sera occupé par des questions relatives aux nombreux interdits («haram» = illicite) touchant tous les domaines et qu’accompagnent des «fatwas» (jurisprudences) à propos de tout et de rien!
«Occupés» à plaire à Allah et au roi, celui-ci peut gérer en toute quiétude le pays et ses richesses!
Pour implanter le wahhabisme, en bons salafistes, ces monarques soutiennent financièrement et militairement les groupes salafistes de par le monde pour imposer la chariâa par la violence.
Avec les révolutions du printemps arabe, une panique a saisit ces monarque qui feront tout pour étouffer toute velléité de démocratie et avorter ces révolution qui pourraient devenir contagieuse pour leur peuple!
On leur doit les drames que vivent les Pakistanais, les Afghans, les Somaliens, les Soudanais…, et récemment d’autres pays de l’Afrique de l’ouest; ou encore la Syrie devenue un terrain de jeu avec une course à l’hégémonie des deux rivaux que sont le roi d’Arabie Saoudite et l’émir du Qatar.
Où s’arrêteront-ils? Pourtant les Etats-Unis qui veulent imposer la démocratie par les armes aux Irakiens, continuent de fermer les yeux sur un des régimes des plus dangereux, formateur de salafistes wahhabites et exportateurs de terroristes islamistes (talibans au Pakistan, chabab en Somalie...) et qui n’est pas connu pour être démocrate! Accords «Protection contre Pétrole» oblige?
Selon France Info, certains attentats en Syrie sont imputables au roi Ibn Saoud, et le dernier, qui a fait 55 morts à Damas, serait imputable à son rival l’émir du Qatar. Les deux monarques finançant et soutenants des extrémistes islamistes.
Sont-ce ces pays qui fascinent tant les islamistes tunisiens, pour les prendre en modèle à vouloir convertir les Tunisiens au salafisme wahhabite et leur imposer le modèle sociétal saoudien ou qatari, jusqu’au déguisement qui va avec: burqa pour les femmes et kamis et barbe pour les hommes?
Pour dominer un peuple, ils ont recours à la plus vieille recette: la religion! Opium des peuples par excellence disait déjà Karl Max.
Les monarques de la péninsule et du Golfe arabiques s’appuient sur une obédience faite sur mesure pour les Ibn Saoud: le wahhabisme, qui s’est propagée dans toute la région. Pour bien faire, ils forment les imams dans des universités religieuses hyper modernes pour attirer les étudiants, en les abrutissant de savoir moyenâgeux puisqu’ils n’y étudient que la chariâa des «salafyoun» (somme de commentaires des «sahaba», compagnons du prophète) et des premiers califes de l’islam. C’est-à-dire une jurisprudence élaborée durant les deux premiers siècles de l’islam.
Leur but: convertir le monde entier au salafisme saoudien, c’est-à-dire au wahhabisme.
Leur dictature et leur gestion des richesses du pays vont inspirer des républiques dont les présidents se rêvent monarques; et comme tels, veulent instaurer un régime héréditaire. C’est le cas de la Tunisie de Ben Ali, de la Libye de Kadhafi, de l’Egypte de Moubarak et de la Syrie d’El Assad.
L’Algérie des militaires trouvera une autre parade. Ils prévoyaient au président fantoche Abdelaziz Bouteflika, comme successeur, son frère Nacer Bouteflika.
Pour le Yémen, le président Ali Abdallah Saleh prévoyait d’installer son neveu Tarek Mohamed Abdallah Saleh. Ainsi des dynasties se mettaient en place dans les républiques, jusqu’à ce que les peuples décident de les dégager.
Condorcet disait: «On favorise la démocratie, en élevant le niveau intellectuel des peuples». Est-ce la raison pour laquelle les monarques arabes ont choisi d’abrutir les leurs par la religion, pour mieux durer au pouvoir? L’arme absolue restant la «fatwa» au service du monarque, promulguée par des imams à leur solde. Mais loi tout-à-fait arbitraire et contre laquelle il n’y a aucun recours possible!
C’est ainsi que les Ibn Saoud se maintiennent au pouvoir. Certains ministres saoudiens pouvant occuper le même poste ministériel 25 ans durant! Ce qui explique que tout soit figé dans l’unique pays qui porte le nom de celui qui se l’est approprié: l’Arabie Saoudite !
Sarkozy reproduisant en Libye l’erreur de Bush en Afghanistan
La real politik (ou l’inconscience?) des Américains a permis le développement de l’islamisme. Comment?
Ils se sont appuyés sur les islamistes avec l’aide des Saoudiens pour débouter les russes hors de l’Afghanistan. Leur but atteint, ils s’en lavèrent les mains abandonnant les Afghans aux islamistes que continue à soutenir le roi d’Arabie. Faisant de l’islamisme la dernière séquelle de la guerre froide.
Or les Européens refont la même erreur. Puisqu’en Libye, la France à la tête de la coalition de l’Otan, fera de même. Sarkozy acceptera de s’appuyer sur les islamistes dont beaucoup ont servi dans les rangs d’Al Qaïda en Afghanistan. Et dès la mort annoncée de Kadhafi, lui et l’Otan se retirent laissant le champ libre à l’émir du Qatar pour installer son protégé, un islamiste qui a servi dans Al Qaïda.
Il est curieux de constater que la leçon n’ait pas été retenue: Sarkozy reproduisant l’erreur de Bush! Ou ferment-ils les yeux sur les ambitions d’hégémonie de leurs amis rivaux: l’émir et le roi?! Persuadés que le problème que posent les islamistes ne touchera que les pays qu’ils disent arabo-musulmans mais jamais les leurs ?
Il faut reconnaître que ces deux monarques sont riches en hydrocarbures et en pétrodollars. Et les affaires sont les affaires: elles priment sur le reste. Ils importent les hydrocarbures des monarques, et ceux-ci exportent leur modèle sociétal et leur wahhabisme!
Mais la real politik doit avoir des limites: la sécurité des peuples. Car, tôt ou tard, cet islamisme s’installera aussi en Occident. Telle est l’ambition du roi Ibn Saoud et de son rival l’émir du Qatar. Ce qui est en train de se faire dans beaucoup de pays d’Europe et d’Amérique.
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