Le refus de la Tunisie d'accorder l'autorisation à une douzaine de croisiéristes israéliens de faire escale au port de La Goulette, dimanche, n'a pas fini de causer des remous. Et des dégâts pour le tourisme et la diplomatie tunisiennes...
Par Marwan Chahla
La compagnie norvégienne Norwegian Cruise Line (NCL), «consternée par les pratiques discriminatoires tunisiennes», a décidé de ne plus inclure la Tunisie dans le circuit de ses escales méditerranéennes. Et le gouvernement canadien, «inquiet», demande aux autorités tunisiennes des explications.
La NCL a publié, hier, un communiqué officiel dans lequel elle annonce qu'«en réponse à cet acte discriminatoire, la Norwegian Cruise Line a décidé d'annuler toutes les escales qu'elle a prévues de faire en Tunisie pour l'actuelle saison et elle ne compte pas revenir là-dessus».
NCL dénonce «une pratique discriminatoire»
Le Pdg de la compagnie, Kevin Sheehan, cité par le ''Seattle Times'', ajoute: «Nous voulons faire parvenir à la Tunisie, et à d'autres ports à travers le monde, le message fort que nous ne tolérerons jamais ce type de pratique discriminatoire fortuite qui porte atteinte à notre clientèle. Nous sommes offusqués par cet acte et par le fait que nous n'avons jamais été informés à l'avance des intentions des autorités tunisiennes. Nous nous en excusons auprès de nos clients lésés et les informons que nous avons pris les mesures qui s'imposent en pareilles circonstances».
En clair, NCL, qui a programmé plusieurs escales pour la saison présente et l'hiver prochain, a donc annulé ces arrêts en Tunisie, les remplacera par d'autres escales dans d'autres pays ou des journées en mer.
Le quotidien canadien ''The National Post'', contacté par des croisiéristes canadiens outragés qui étaient à bord du paquebot Norwegian Jade de la NCL, a vite fait de relayer l'information et provoqué la réaction quasi-instantanée du gouvernement canadien.
Adam Hodge, l'attaché de presse du ministre canadien des Affaires étrangères John Baird, n'y est allé par quatre chemins: «Sélectionner de cette manière des citoyens israéliens (une douzaine parmi les 2.402 passagers du Norwegian Jade, NDLR) est une attitude inquiétante et incohérente en vertu des principes d'ouverture, de tolérance et de liberté du culte qui sont inscrites dans la nouvelle constitution progressiste de la Tunisie».
Le Canada souhaite obtenir très vite des explications officielles. «Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement œuvre sur cet incident en étroite collaboration avec notre ambassade à Tunis pour que la raison de ce refus (d'autoriser des citoyens israéliens de mettre pied à terre en Tunisie, NDLR) soit expliquée. Nous avons contacté à ce sujet les ministères tunisiens des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Et les deux instances ne semblent être au courant d'aucune nouvelle disposition légale tunisienne concernant les touristes israéliens souhaitant entrer en Tunisie», ajoute M. Hodge.
Que peut faire la diplomatie tunisienne?
Donc, l'incident ne serait pas une mince affaire qui pourrait passer facilement sous silence. L'on peut supposer, dans les jours à venir, que d'autres capitales occidentales demanderont elles aussi des comptes aux autorités tunisiennes.
Et l'opinion publique tunisienne, elle-même, est également en droit de connaître toute la vérité sur cet incident de La Goulette, sur la politique que notre pays entend suivre dans ce domaine, sur notre stratégie touristique et sur notre diplomatie.
Il y a ainsi tant d'intérêts qui s'imbriquent et qu'il faudra démêler une bonne fois pour toutes. Et tant d'interrogations auxquelles il faut apporter des réponses. Sommes-nous, par exemple, en mesure de sacrifier d'autres visites de croisiéristes dans notre pays? Avons-nous vraiment tiré bien au clair cette histoire de «criminalisation de la normalisation avec l'Etat d'Israël»? Et Mme Amel Kaboul, notre ministre du Tourisme, a-t-elle son mot à dire sur cette question? Son silence à ce sujet, ainsi que celui du chef du gouvernement Mehdi Jomaa, est assourdissant.