Alors que les ports de Tanger Med, Algesiras, Hambourg et Rotterdam mobilisent des milliards d’euros pour augmenter leur capacité, celui de Radès souffre d’un manque de projet probant pour la modernisation des infrastructures.

Par Maher Gordah


 Le port de Radès a été créé en 1985 dans le but de répondre de manière significative à l’évolution du trafic des marchandises générales du port de Tunis- La Goulette.

Les perspectives d’évolution du trafic portuaire ont mis l’accent sur la croissance prévisible des navires de nouvelles technologies, à savoir les rouliers et les porte-conteneurs, ceci sous l’effet des nouvelles exigences du commerce international et de la migration graduelle du trafic conventionnel vers l’unitarisme motivé par l’accroissement de la productivité et l’efficience des prestations de service de transport.

Ainsi, les installations du port de Radès ont été élaborées sous forme d’estacades pour pouvoir accueillir de nouveaux types de navires transportant des marchandises générales.

Aucun projet significatif de modernisation des infrastructures

De part son infrastructure et ses installations, le port de Radès occupe une place importante dans la chaîne de transport national, par sa spécialisation dans le trafic de conteneurs et unités roulantes (essentiellement le trafic des remorques).

Ainsi, il assure 28% du trafic global, 88% du tonnage des marchandises conteneurisées, 76% du tonnage des marchandises chargées dans des unités roulantes, 91% du trafic de conteneurs, 79% du trafic des unités roulantes et 24% du trafic de navires enregistré dans l’ensemble des ports de commerce tunisiens (Source : Office de la marine marchande et des ports).

Port de Rades a besoin d'entension

Cependant, force est de constater que son développement a été assez limité depuis sa création au milieu des années 80. Aucun projet significatif de modernisation des infrastructures n’a été mené. L’autorité portuaire communique depuis plus de dix ans sur des projets de création de terminaux modernes à conteneurs, d’extension des quais ou encore de création de zones logistiques. Aucun de ces projets n’a été à ce jour concrétisé.

La concurrence pousse son avantage

De plus, les montants alloués par l’autorité portuaire au titre des investissements sont dérisoires à l’échelle de ports européens mais aussi de quelques ports maghrébins. Si les dépenses annuelles de l’Office de la marine marchande et des ports (Ommp) au titre d’investissement au port de Radès ne dépassent pas quelques millions d’euros annuellement et se caractérisent par leur irrégularité, a contrario, le port de Tanger Med mobilise quant à lui plus de 3 milliards d’euros pour l’augmentation de sa capacité au cours des trois prochaines années. Le port d’Algesiras en Espagne a investi plus de 800 millions d’euros au cours des trois dernières années dans le cadre d’un vaste projet d’extension du port qui a englobé la construction de quatre nouveaux terminaux modernes à conteneurs. Le plan quinquennal d’investissement du port de Hambourg se chiffre à plus d’un milliard d’euros et celui de Rotterdam a investi récemment plus de trois milliards d’euros dans le cadre d’une vaste extension de ses installations portuaires.

Ce désengagement de l’autorité portuaire tunisienne relatif aux opérations d’investissement s’explique par une interprétation erronée de l’objectif de la concentration des activités sur les aspects régaliens conçue par la réforme portuaire du début des années 2000. L’autorité portuaire et les pouvoirs publics se sont désengagés de facto de la responsabilité de financer les grands projets de modernisation portuaire en la déléguant totalement au secteur privé dans le cadre de partenariats public/privé fondés sur le modèle Build, Operate and Transfer (Bot).

L’inexplicable désengagement de l’Etat

Cette approche semble incohérente avec ce qui se passe dans la majorité des ports européens où les pouvoirs publics continuent de financer d’une façon significative les grands projets de développement portuaire. Ainsi, en Allemagne, en Espagne, en Italie ainsi qu’aux Pays-Bas, les infrastructures portuaires sont financées à 100% par les pouvoirs publics et la contribution du secteur privé porte essentiellement sur les superstructures (engins d’outillage, bâtiments, automatisation des process, etc.). Par conséquent, il n’est pas étonnant qu’aucun concessionnaire ne se soit encore présenté pour la réalisation des projets d’extension annoncés par l’Ommp.

Ainsi, la gestion portuaire de Radès est pénalisée, d’une part, par une lourde centralisation dans la prise des décisions et un désengagement des responsabilités de contrôle liés à la concession des activités d’exploitation, et d’autre part, par la non implication des acteurs économiques dans l’élaboration des plans de développement du port et la non présence d’un conseil de surveillance.

De plus, aucune stratégie de marketing de l’emplacement portuaire n’est élaborée par l’autorité du port de Radès. Ceci provient essentiellement d’une conception du port comme un simple outil de transit des marchandises qui répond uniquement aux besoins des chargeurs et non pas comme un outil de développement économique qui se doit de stimuler la demande et de renforcer ses parts de marché dans un environnement économique concurrentiel. La majorité des ports européens ainsi que le port de Tanger ont élaboré quant à eux des stratégies commerciales prédatrices.

Pour conclure, un certain nombre de rapports d’études ont spécifié que la construction d’un nouveau port en eau profonde en Tunisie est indispensable. En effet, il s’agira d’un projet vital pour l’économie tunisienne. La minimisation des coûts relatifs au transport maritime dans le but d’améliorer la compétitivité des produits tunisiens sur les marchés internationaux passe inévitablement par le lancement d’un important port de transbordement dans le pays qui se positionnera comme un hub majeur dans la région.