Face aux dérives médiatiques entourant le football en Tunisie, les autorités sportives et les clubs devraient élaborer une stratégie de communication qui mette en valeur d’abord, et surtout, le jeu, les joueurs et les équipes.
Le football est le sport numéro un en Tunisie. Avec le développement de l’espace médiatique, le championnat de football devient l’événement national le plus couvert. Avec pas moins de quatre chaînes télé et 13 stations radio entre nationales, régionales et privées, rien de ce qui concerne les clubs de près ou de loin n’échappe désormais aux journalistes, sans cesse à la recherche de l’information, du scoop et surtout du nouvelle «affaire».
Haro sur les erreurs arbitrales
Il est vrai que le niveau sportif moyen du championnat et le spectacle médiocre qu’il offre chaque semaine ne laissent pas beaucoup de choix. Il faut bien meubler des émissions radiophoniques et télévisées quotidiennes. Du coup, lors de la couverture d’un matche, on parle beaucoup plus des à-côtés: le comportement des spectateurs, les ratés de l’organisation, et surtout les erreurs arbitrales, et tout cela au détriment du jeu et des joueurs.
Il faut dire aussi que les responsables des clubs tendent eux aussi à mettre l’accent sur les erreurs des arbitres pour occulter la faiblesse de leur club. Comme si, sur le terrain, il n’y a que l’arbitre qui se trompe, jamais les joueurs. Pourtant… Il suffit de revoir l’action du but de l’Argentin Maradonna marqué par la main lors de Coupe du monde de 1986 contre l’Angleterre pour remarquer que, sur cette action, le joueur a été magistralement servi, non pas par son coéquipier, mais par un défenseur anglais. Mais, bien sûr, tous le monde n’a retenu qu’un seul fautif, notre arbitre international Ali Bennaceur qui avait sifflé ce fameux matche.
Et là où l’on touche le fond de la question des erreurs arbitrales, c’est lorsque, au cours de la demi-finale de la dernière coupe de Tunisie, le commentateur télé du matche s’est vu assister non pas par un ancien entraîneur ou un ex-joueur en guise d’analyste sportif, mais par un ancien arbitre, qui commentait en direct les erreurs de l’arbitre.
Côté foot italien, on a compris cette année que se focaliser sur les erreurs arbitrales ne peut que nuire au Calcio. Et on a admis que les erreurs des arbitres font partie du jeu. C’est ainsi que la Rai a décidé, cette saison, d’arrêter sa fameuse émission de Moviola, la machine diabolique qui passe et repasse indéfiniment les séquences au ralenti, démasquant les erreurs des arbitres et les forfaits des joueurs.
Les présidents des clubs super stars
Les conséquences de cette sur-médiatisation créent des situations quelque peu saugrenues. D’abord, les présidents des clubs se comportent parfois comme des stars, rivalisant en cela avec les joueurs. La preuve: rares sont les personnes qui peuvent citer trois noms de joueurs évoluant au Club sportif d’Hammam-Lif, alors que tout le monde (ou presque) attend, chaque dimanche, les interventions sympathiques et par moment comiques du président de ce club, Mongi Bhar.
Outre les présidents des clubs, ce sont les membres de la Fédération tunisienne de football (Ftf) et leur président qui jouent eux aussi aux stars. Ils ont même eu droit à leurs «marionnettes» dans les émissions satiriques télévisées ou radiophoniques.
Cette dérive médiatique n’est pas sans conséquences néfastes. D’abord pour notre équipe nationale. Plus les médias se focalisent sur les imperfections de notre onze national, plus le public se réduit d’un matche à l’autre. Pis: le peu de supporters qui assistent désormais aux matches sont si conditionnés qu’ils se permettent de siffler la moindre faute d’un joueur avec les tristes conséquences que l’on a pu constater lors de la dernière sortie de l’Equipe Tunisie.
Théorie du complot et violence dans les gradins
Idem pour les matches du championnat. Le public ne peut plus admettre la faiblisse de son club et adhère facilement à la théorie du complot ourdi contre celui-ci par la fédération ou d’autres instances occultes, ce qui contribue d’ailleurs à la montée de la violence sur les gradins.
Il est nécessaire voire urgent que la Ftf et les clubs se mettent d’accord sur une stratégie de communication qui mette en valeur d’abord et surtout le jeu, les joueurs et les équipes. Quitte à recourir au service d’une agence spécialisée. Encore faut-il aussi que les médias jouent le jeu et adhérent à cette stratégie. Cela va de l’avenir de notre sport national numéro un, deux et trois.
Bouzid