Les Aigles de Carthage se sont fait éliminer dès le 1er tour de la CAN 2013 en Afrique du Sud. La faute n'est ni au coach Sami Trabelsi ni au joueurs, qui ont fait ce qu'ils pouvaient. Les causes de la déroute sont ailleurs...
Par Samir Messali
Je le plains ce sami Trabelsi : il avait à jouer contre les 11 joueurs de l'équipe adverse et contre 11 millions de «nabbars». Lynché en direct sur presque tous les plateaux de télévision et de radio après et même avant les matches. Comme s'il était le seul responsable de notre énième élimination de la CAN.
Les sélectionneurs de salons
Pourtant c'est lui le sélectionneur. Comme son nom l'indique, c'est à lui que revient la sélection de notre Onze national. Pour chaque poste il a à choisir entre deux ou trois joueurs qu'il a préalablement sélectionnés. Il est le mieux placé pour le faire puisque, durant un mois ou plus, c'est lui qui est à côté des joueurs et qui les observe de très près durant les séances d'entrainement et les matches d'application.
Et pourtant il y a toujours ces entraineurs au parcours très peu glorieux qui contestent tél ou tel choix. Certainement beaucoup le font pour défendre les joueurs de leur équipe favorite. Ou parce qu'ils ont le sentiment de pouvoir mieux faire s'ils étaient à la place du sélectionneur. Le comble c'est que Sami Trabelsi n'a pas échappé cette fois-ci aux critiques très virulentes, et sur un aspect très technique, de la gloire de notre foot national et ex-analyste sportif à la chaine Al Jazeera Sport, Tarek Dhiab, l'actuel ministre des Sports. Sauf que, cette fois, c'est lui le premier responsable du sport dans notre pays et qu'il partage une part non négligeable dans cette élimination. Il est à préciser que sa tâche est immense pour hérisser le niveau du sport en Tunisie. Tous les sports et pour tous les Tunisiens.
Le ver est dans le fruit... du football national
Pourquoi responsabiliser le sélectionneur alors que notre palmarès à la CAN se résume à un titre remporté à domicile et deux finales. Nous avons pourtant tout essayé : l'entraineur local, l'entraineur l'étranger, le très cher payé, le vieux, le jeune... Rien à faire, le problème est ailleurs.
D'abord, un championnat ni tout-à-fait professionnel ni tout-à-fait amateur. Des équipes appartenant à des associations, qui gèrent des millions de dinars et sont dirigées par des présidents bénévoles soumis à des pressions de toutes natures et de toutes parts. C'est une structure intenable et qui ne donnera aucun résultat.
Pour cette question, il faut trancher. Soit des clubs professionnels qui appartiennent à des hommes d'affaires et qui soient gérés d'une manière professionnelle et dans un cadre légal bien défini. Et ça serait, comme partout ailleurs dans le monde, organisé sous la forme de société anonyme et à but lucratif. Ou des clubs amateurs, à faible budget et gérés par des bénévoles. Il n'y a pas de mal ça lorsqu'on se rappelle de cette très belle équipe danoise issue d'un championnat amateur qui gagné, et de quelle manière, la coupe d'Europe des nations en 1996.
Ensuite, et à mon sens, il est urgent de reconsidérer la règle de base du jeu. En fait la règle numéro un du football c'est de marquer le maximum de buts dans le camp adverse. Tous ceux qui s'occupent du foot dans notre pays ont tendance à favoriser tous les autres aspects du jeu sauf marquer des buts. Et ça commence dès les catégories de bas âge. On leur apprend à bien défendre, à bloquer le jeu de l'adversaire et à faire circuler le ballon. Le plus important avant de marquer c'est de ne pas encaisser de buts. Ne pas perdre. Beaucoup d'équipes sont très heureuses lorsqu'elles font un matche nul; c'est à l'encontre de l'esprit du jeu parce qu'elles n'ont pas gagné.
Encore du pain sur la planche
Peut-être que cette philosophie du jeu trouve-t-elle son origine dans la personnalité du Tunisien, réservé, sobre, peu entreprenant et gagne-petit. C'est à mon sens ce qui explique la pénurie chronique d'attaquants dans le foot tunisien au point d'être obligé de naturaliser un attaquant brésilien.
Il y a d'autres problèmes insurmontables... Je cite surtout la faible masse athlétique des joueurs tunisiens surtout ceux issus de milieux populaires dont le régime alimentaire est très faible en protéines et ne favorise guère les corps bien musclés. D'ailleurs, à quelques exceptions près, c'est ce qui explique la non réussite de nos joueurs dans les championnats professionnels européens qui passent l'essentiel de leur carrière à se guérir de blessures à répétition.
Pour les autorités actuelles, qui se disent issus de la légitimité électorale, il y a du pain sur la planche pour développer le sport dans ce pays, tâche difficile pour un peuple fainéant qui commence à s'ennuyer de la politique et qui veut renouer avec son championnat de foot, là où il comprend quelque chose et a des choses à dire.