La commission consultative chargée de la révision du cadre juridique régissant les associations sportives a démarré ses travaux jeudi dernier à Tunis. Va-t-elle accoucher d’une véritable réforme des lois du sport? L’espoir est permis…  


La commission – composée de dix experts dans le domaine du droit et de la gestion du sport à savoir MM. Akram Zribi (coordinateur), Mohamed Nabil Naccache, Hassan Hedhli, Adel Zeremdini, Samir Annabi, Abderrazak Dali, Sabeur Bouatay, Maher Senoussi, Fathi Jamaa et Abdelkarim Maktouf (membres) – doit plancher sur la révision du cadre juridique des associations, afin de les adapter aux mutations que connaît le secteur du sport en Tunisie et d’assurer l’efficacité et la transparence de ces structures sportives.
Samir Laabidi, ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Education physique, qui a ouvert ses travaux, a souligné l’importance que revêt la révision du cadre juridique des associations, et reconnu que certaines lois actuelles sur les méthodes de gestion des associations sportives «ne sont plus adaptées à la réalité de ces associations et leurs exigences». Ce qui rappelle la triste vérité: la législation sportive tunisienne, aussi bien celle relative aux fédérations que celles des clubs, est aujourd’hui, du reste, archaïque.

Quel droit du sport en Tunisie?
Le sport tunisien est principalement régi par deux textes législatifs: la loi n°59-154 du 7/11/1959 relatives aux associations et la loi organique n°95-11 du 6/2/1995 relative aux structures sportives.
Cette dernière a été modifiée et complétée à 3 reprises, une fois en 2004 et 2e fois en 2006. Elle est composée dans sa dernière version de 28 articles après avoir  démarré avec 24 articles lors de sa première promulgation en 1995.
Et il existe d’autres textes impliqués directement ou indirectement dans la gestion du sport tunisien:
- la loi n° 94-104 du 03/08/1994, portant organisation et développement de l’éduction physique et des activités sportives. Elle est composée de 54 articles dont certains sont devenus caduques à l’instar des dispositions relatives au conseil supérieur du sport qui n’a jamais vu le jour ;
- la loi n°2007-54 du 08/08/2007 relative à la lutte contre le dopage dans le sport. Cette loi est composée de 33 articles qui ne sont qu’une quasi-transposition du droit international (la convention internationale de lutte contre le dopage ;
- la loi n°59-149 du 07/11/1959 relative à la protection des termes et emblèmes olympique ;
- la loi n°76- 92 du 4/11/1976 relative à l’infrastructure sportive et socio-éducative ; - la loi n°2002-6 du 21/01/2002 relative aux centres d’athlétisme ;
- la loi n° 2005-89 du 03 octobre 2005, portant organisation de l’activité de plongée.

Limites de la législation  tunisienne
Le monde du sport en Tunisie se demande de plus en plus si ce cadre juridique est compatible avec la réalité aussi bien du pays que de son sport, notamment le football où règnent des clubs dits professionnels mais à la performance presque nulle et la gestion catastrophique, voire illégale.
Dans l’état actuel des choses, marqué par une «zone grise entre l’amateurisme et le professionnalisme» comme le qualifient des experts, l’on peut constater les défaillances suivantes:
1- L’inadaptation de certaines dispositions avec la réalité de l’environnement socio-économique de l’activité sportive. Les règles relatives au fonctionnement des structures sportives ne sont, en effet, plus adaptées à la réalité des clubs sportifs surtout avec l’émergence de l’exercice de l’activité sportive dans le cadre du professionnalisme.
À cause de ce cadre juridique, les associations sportives souffrent d’insuffisances au niveau du régime adopté dans la gestion des clubs. Cette gestion est caractérisée par un manque flagrant au niveau du respect des règles d’élection ou de désignation des dirigeants des clubs.
La règles qui consiste à élire les présidents et les vice-présidents des clubs par les assemblées générales n’est pas respectée dans la majorité des cas, la «coutume» de plébiscite devient la règle alors que l’élection devient l’exception. Les règles sont donc renversées.
Du côté de la pratique sportive, l’analyse des dispositions législatives en vigueur montre l’absence de statut du sportif voire une fragilité au niveau de ce statut ainsi que la non-distinction entre le statut du joueur amateur et le statut du joueur professionnel.
2- L’Etat a renoncé à ses compétences de législateur au profit du pouvoir fédéral par la technique de délégation. Cependant, si certaines délégations s’avèrent nécessaires à cause de l’incapacité du législateur de s’immiscer dans des affaires intra-sportives, l’analyse de quelques dispositions montre que le législateur a essayé de se débarrasser de sa compétence législative. On peut citer le cas de l’article 24 de la loi n°94-104 du 3/8/1994 qui a ouvert la voie à la pratique du sport dans le cadre du non amateurisme d’où la reconnaissance explicite de cette profession.
Il est communément admis dans notre régime juridique tunisien que chaque profession devait être organisée dans le cadre d’une loi, ce qui n’est pas le cas pour le pratique du football professionnel puisque le législateur a confié la mission de la réglementation de cette profession aux fédérations sportives chacune dans son champ de compétence.
Dans le même cadre des métiers du sport, on constate que le législateur a totalement oublié une profession en liaison directe avec le domaine du sport professionnel à savoir celle d’agent de joueurs, avec l’ensemble d’obligations et de droits qui en découle.
3- Le désengagement, volontaire ou pas, du législateur d’exercer son autorité législative complète sur le domaine sportif. En fait, l’analyse des textes législatifs en vigueur a révélé beaucoup d’omissions pouvant constituer une «zone d’ombre» au sein de la législation sportive dont notamment:
- l’accès à la pratique sportive organisée: aucune disposition à caractère législatif fixant les conditions médicales nécessaires pour accéder à la pratique du sport organisé  n’a été promulguée ;
- les droits de propriété des structures sportives découlant de l’organisation des manifestations sportives. Aucune disposition législative n’a été promulguée afin de reconnaitre les droits des structures sportives dans ce domaine ;
- la cession des droits d’exploitation des manifestations sportives ;
- les garanties de sécurité aux niveaux des équipements sportifs et de l’organisation des manifestations sportives ;
- les conditions et les exigences pour l’organisation des sports extrêmes.
Beau chantier en perspective. Espérons que la construction sera à la hauteur des attentes.

M. T.

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