Les violences qui ont émaillé la rencontre EST-CSHL, jeudi dernier au Stade Olympique d’El-Menzah, devraient alimenter la réflexion, non pas seulement sur l’avenir du sport dans notre pays, mais sur le sort qui y est réservé à la jeunesse. Contribution à un débat urgent… Par Ridha Kéfi


On savait que notre football était malade. Sa maladie ne date pas d’hier. De nombreux experts se sont succédé à son chevet. Ils ont fait des diagnostics et souscrit des remèdes. Mais personne n’a trouvé la panacée miraculeuse. Ni la tutelle ni les dirigeants des clubs et encore moins ces chers analystes sportifs, qui pérorent dans les talk-shows télévisés.
Pour comprendre les véritables causes du mal de notre sport, nous devrions dépasser le cadre purement sportif pour aller au fond du problème. Celui d’une jeunesse livrée à elle-même, à ses frustrations, à ses angoisses… Et qui trouve dans les joutes sportives, le football en particulier, un exutoire, une exaltation, un défoulement ou, disons le mot, une drogue. Pour oublier un mal-être, noyer une amertume, exorciser des démons… Ceux d’une violence patente, qui n’attend qu’une petite étincelle pour exploser. Et c’est à cette explosion que nous avons assisté, jeudi soir, au Stade Olympique d’El Menzah, à l’occasion d’un match de championnat la Ligue 1 de football.


Scènes de violences ordinaires
Au départ, c’était un match (presque) sans enjeu et qui, pour cette raison même, a permis aux deux équipes d’offrir à leurs supporters un spectacle d’une rare intensité couronné par six buts plus beaux les uns que les autres. Tout allait bien. Et la fête devait se terminer comme elle avait commencé, dans l’apothéose d’un jeu d’attaque, ouvert et plaisant, tout en finesse et en prouesses techniques. Rien, en apparence du moins, ne pouvait entacher ce beau tableau. Qu’est-ce qui a donc pu provoquer ces scènes de hooliganisme auxquelles nous eûmes droit, d’abord dans les gradins, puis en dehors du stade ? Un but entaché d’un hors-jeu ? L’erreur d’appréciation d’un arbitre ? La colère injustifiée et inexplicablement ostentatoire d’un entraîneur, Fawzi Benzarti en l’occurrence, celui-là même qui, comble de l’ironie, s’était vu confier, il y a seulement quelques mois, les rennes de la sélection nationale ?
Rien, aucune de ces raisons, et quand bien même on aurait reproché à l’arbitre une partialité par trop évidente – ce qui n’était pas le cas ce soir là –, rien donc ne pouvait justifier ces scènes de violences, ces affrontements entre les supporters et les forces de l’ordre venue les calmer, ces actes de vandalisme d’un autre âge. Ces sièges arrachés et lancés dans l’air, ces installations démolies, ces objets volant dans tous les sens, ces blessures, ce sang… Et puis, cette coupure d’électricité intempestive qui a plongé la plus grande partie du stade dans le noir, ajoutant à la confusion générale…    



Redimensionner le football

Il y aura bien sûr des sanctions, nous n’en doutons pas. Les auteurs des violences, ou ceux d’entre eux qui ont été arrêtés, seront déférés devant la justice et répondront de leurs actes. Les clubs seront sanctionnés et leurs dirigeants rappelés à l’ordre. Les «analystes» ne manqueront pas d’exprimer leur indignation avec des mots forts et, surtout, fort pesés. Mais après avoir fait tout cela, serions-nous quittes avec nos conscience ? Aurions-nous avancé sur la voie d’une solution durable d’un  problème, la violence dans les stades, en passe de devenir endémique ? Non, bien sûr.
A notre humble avis, l’une des solutions consiste dans un redimensionnement du football qui, de simple sport, est en passe de devenir un phénomène de société d’autant plus démesuré qu’il en arrive parfois à échapper à tout contrôle et à devenir carrément ingérable.
Redimensionner le football, cela veut dire offrir aux jeunes d’autres loisirs, d’autres centres d’intérêt, d’autres repères… Leur donner la parole, leur apprendre à discuter, mais aussi, et surtout, écouter leurs doléances, calmer leurs angoisses, atténuer leurs amertumes… Les gradins, où l’ambiance est souvent électrifiée, n’est pas l’espace le mieux indiqué pour les amener à s’exprimer, à exorciser leurs démons et à apprendre les bonnes manières. Bref, à devenir des citoyens adultes et responsables, et surtout respectueux de la loi.