Nous avons présenté dans le précédent article le cadre juridique du sport tunisien et les ressources publiques et privées dont il dispose aujourd’hui et qui, de l’avis de tous les experts, ne permettent pas à nos élites sportives de briller sur le plan international. Nous donnons aujourd’hui la parole à certains de ces experts que nous avons invités à explorer de nouvelles pistes pour assurer un financement plus pérenne du sport tunisien.
«Malgré un réservoir extraordinaire de compétences sportives et managériales, malgré un intérêt manifeste des pouvoirs publics et un fort engouement du public sportif tunisien, le sport tunisien demeure en deçà de ce à quoi il pourrait aspirer légitimement», pense Hassen Zargouni, Statisticien économiste, directeur général de Sigma Conseil. Et de préciser: «un diagnostic rapide de la situation permet de pointer le doigt sur deux insuffisances essentielles: sources et niveaux de financement du sport relativement faibles d’une part, et d’autre part, organisation parfois chaotique des différentes structures sportives, clubs et fédérations confondus».
Organisme indépendant de régulation et de contrôle
Par ailleurs vice-président et président de la Commission ‘‘Communication et Réflexion’’ au du Stade Tunisien, M. Zargouni estime que «l’impact prévisionnel sur une plus grande pratique organisée du sport dans le pays est évident avec l’augmentation des ressources financières grâce notamment à l’augmentation des droits TV, le développement des activités de la société Promosport et un plus grand professionnalisme dans la gestion des clubs».
Selon M. Zargouni, «un organisme de régulation et de contrôle indépendant (du ministère de tutelle, des fédérations, ...) à l’instar de l’Instance nationales des télécoms (Int) ou du Conseil du marché financier (Cmf) constitue le meilleur garant pour atteindre le développement du financement sain et durable des structure sportives en Tunisie dans les meilleures conditions de bonne gouvernance, le mot dont le sport tunisien a le plus besoin».
Fouad Bouslama, président du Rugby Club Ettahrir, appelle pour sa part à «trouver les moyens adéquats pour obliger les clubs à rationaliser leur gestion». Ceci invoque, «la revue des salaires des joueurs à des seuils plus réalistes et abordables, la limitation du recrutement des techniciens étrangers qui sont moins et beaucoup plus chers que les Tunisiens».
«Et pour ne plus rester tributaire de l’aide de l’Etat, les clubs doivent entre autres être autorisés à des activités commerciales telles le marchandising», pense M. Bouslama, qui est également président de la Fédération tunisienne des activités subaquatiques (Ftas). «Pour éviter qu’ils les fassent de manières illégales, comme il est le cas actuellement, il vaut mieux officialiser ces pratiques lucratives, c’est-à-dire leur donner une assise légale».
Quant aux fédérations, «elles sont désormais appelées à rendre des comptes, périodiquement, à la tutelle. Ces nouveaux rapports ne doivent cependant tourner à aucune forme de tutorat, les fédérations devant garder une certaine indépendance».
De l’association à l’entreprise
Baisser la part des financements publics
Pour Akil Sadkaoui, vice-président chargé du Programme d’Avenir au Club athlétique bizertin (Cab), l’enjeu du football tunisien se situe dans «sa capacité à se doter des moyens pour structurer son financement».
«Le premier spectacle du pays ne peut plus aujourd’hui être dirigé par des bénévoles », nous confie-t-il. «Bien que ses ‘‘amateurs’’ investissent des sommes énormes et investissent des fortunes personnelles, ils évoluent dans un cadre juridique différent de celui d’une entreprise qui réalise des bénéfices.
«La particularité de ce spectacle trouve très souvent ses consommateurs en dehors de l’enceinte du terrain. Il s’appuie sur les médias et notamment sur la TV pour enrôler de nouveaux téléspectateurs. Légitimement, les autorités du foot se sont tournées vers la TV pour vendre leurs spectacles et répartir le produit de leurs ventes entre les acteurs pour leur permettre de financer leur spectacle. En Tunisie, le montant de la vente ne rencontre pas encore les attentes des Clubs. Le déblocage de cette situation donnerait un réel coup de fouet à la qualité du spectacle donné. Elle dotera les clubs d’une source nouvelle qui viserait à faire baisser la part des financements publics dans les budgets des clubs».
M. Sadkaoui pense que «le passage d’un statut d’association à une entreprise mixte pourrait être un levier pour drainer de nouvelles opportunités de financement avec à la clé une nouvelle mentalité de managers des clubs. Il est clair, ajoute-t-il, que le foot aujourd’hui représente, au-delà de son apport sportif, une dimension business évidente. Pour le développer, les structures juridiques des clubs devraient être adaptées pour encourager les investisseurs. Les centres de formation constituent les viviers des clubs. Les transformations juridiques devraient encourager les initiatives privées pour structurer ces centres de formation en centres de profit et non plus comme c’est vécu aujourd’hui comme un centre de coût».
M. T.
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