Fuite de l’épreuve d’arabe, agressions contre les enseignants, choix de sujets motivés par des considérations politiques… A en croire le syndicat général de l’enseignement secondaire, le baccalauréat 2012 a été celui de toutes les dérives.
Par Wahid Chedly
Le Syndicat général de l’enseignement secondaire (Sges) a estimé, mercredi, que la session principale du baccalauréat 2012 a été marquée par une «grande anarchie» et de «multiples dérives» de nature à porter préjudice au principe de l’égalité des chances entre les candidats et à la crédibilité de ce diplôme de première importance.
Vue de la conférence de presse.
Négligence et laxisme du ministère de l’Education
«L’organisation de l’examen national le plus prestigieux a été anarchique. Le ministère de l’Education nationale a fait montre de négligence et de laxisme dans la mesure où il n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer le bon déroulement des épreuves comme en atteste la fuite de l’épreuve d’arabe», a affirmé Lassaâd Yaâcoubi, secrétaire général du syndicat rattaché à l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt).
S’exprimant au cours d’une conférence de presse tenue au siège la puissante centrale syndicale tunisienne, M. Yaâcoubi a appelé, à cette occasion, le ministère de l’Education à faire la lumière sur les fuites des sujets de l’épreuve d’arabe. «Seuls les ministères de l’Education et de l’Intérieur sont en mesure de divulguer l’identité des parties impliquées dans cette affaire. Nous souhaitons que la commission mise sur pied à cette effet d’enquête rende un rapport détaillé dans cette affaire dans les plus brefs délais», a-t-il déclaré, tout en notant que le ministère de l’Education semble trainer les pieds à ce sujet.
Les fuites du Bac n'ont pas fini de faire jaser.
Bien qu’un militaire et un élève soient sur le banc des accusés, selon les premiers éléments de l’enquête ouverte par le ministère de la Justice, le secrétaire général du syndicat des professeurs des lycées n’a pas écarté l’hypothèse selon laquelle des responsables corrompus au sein du ministère soient derrière la fuite. «Certains responsables véreux au ministère de l’Education seraient impliqués dans la fuite des épreuves d’arabe. Ces personnes sont connues. Elles ont reçu du temps de Ben Ali des pots de vin pour embaucher des gens ne répondant pas aux critères requis, ou encore des commissions indues lors de la passation de marchés publics dans des conditions opaques», a-t-il noté.
Des enseignants menacés et molestés
M. Yaâcoubi a, d’autre part, fait état de nombreuses agressions contre les enseignants chargés d’assurer le contrôle des examens du baccalauréat. «Plusieurs collègues ont été victimes d’agressions. Certains ont été agressés verbalement ou menacés alors que d’autres ont été agressés physiquement», a-t-il souligné, évoquant notamment le cas d’un professeur aspergé de gaz lacrymogène au centre d’examens d’Ibn Khaldoun, la cité populaire à l’ouest de Tunis.
Lassaad Yakoubi.
Le responsable syndical a également révélé que de nombreuses tentatives de triche aux examens ont été enregistrées surtout que les enseignants n’ont pas pu appliquer à la lettre les directives du ministère de tutelle relatives à l’interdiction du niqab et du téléphone portable dans les salles d’examen en raison des menaces qui leur ont été adressées par des candidats sans scrupule. «Nous avons relevé le recours à de nouvelles méthodes de triche qui reposent sur les nouvelles technologies de la communication et d’autres gadgets électroniques», a-t-il précisé.
M. Yaâcoubi a, par ailleurs, déploré le fait que certaines considérations politiques auraient motivé le choix de certains sujets du baccalauréat 2012. Il cite dans ce chapitre le sujet de l’épreuve de la pensée islamique qui consistait à analyser un texte écrit par le penseur syrien Burhan Ghalioune, ex-président un Conseil national syrien (Cns), front commun réunissant tous les courants politiques opposés au pouvoir en place en Syrie, celui du président Bachar el-Assad.
Un projet de loi est taillé sur les mesures des militants de la «troïka»
Abdellatif Abid, un ministre de l'Education visiblement dépassé par ses services.
Sur un autre plan, le Syndicat général de l’enseignement secondaire a exprimé a jugé «injuste», le projet de loi relatif aux dispositions exceptionnelles pour le recrutement dans la fonction publique pour l’année 2012 examiné récemment par l’Assemblée nationale constituante (Anc), et qui prévoit l’octroi de la priorité aux familles des martyrs et des blessés de la révolution et aux personnes ayant bénéficié de l’amnistie générale. «Nous sommes favorables à cette forme de dédommagement et de réhabilitation de toutes les personnes réprimées, mais nous refusons catégoriquement cette loi injuste dans la mesure où elle exclut les personnes qui ont été privées de recrutement pour des raisons syndicales ou politiques sous Ben Ali», a indiqué M. Yaâcoubi, estimant «le projet de loi est taillé sur les mesures des militants de la troïka au pouvoir actuellement».
Selon lui, le nombre des personnes qui bénéficieront des dispositions exceptionnelles prévues par le projet de loi en question se situe entre 9.000 et 12.000 personnes, soit près de la moitié des postes à pourvoir en 2012 dans la fonction publique.