Depuis le 30 juin, le comportement abusif de certains agents de police fait jaser sur les réseaux sociaux. Ces derniers, qui multiplient les campagnes moralisatrices, cherchent-ils à imposer un nouveau mode de vie aux citoyens.
«Une police républicaine revue et corrigée par le gouvernement post révolution», déplorent certains commentateurs.
Depuis l’agression de l’artiste Rym El Banna, le 30 juin, au cœur de l’avenue Habib Bourguiba, à Tunis, par des agents de la police effectuant une patrouille alors qu’elle était avec deux amis à bord de sa voiture, les Tunisiens sont sous le choc. Car, en plus du témoignage de l’artiste, plusieurs autres ont suivi la semaine écoulée, et qui suscite l’indignation du public.
Ce soir-là, l’artiste a été – selon ses dires sur les ondes de Shems FM – insultée, humiliée et tabassée avant d’être conduite aux locaux du ministère de l’Intérieur, gardée quelques heures avant de signer un PV puis relâchée.
Le 6 juillet, le témoignage de Rafaâ Ayadi, jeune fille mannequin, harcelée par des policiers alors qu’elle venait de quitter un restaurant à la Soukra et prendre un taxi pour rentrer chez elle, a fait scandale. Et c’est pratiquement le même comportement dénoncé par Rym El Banna.
«On vous accuse d’être une fille légère… Qui vous accompagne? Descendez, on va voir si vous avez ou non de l’alcool dans le coffre de la voiture? Pourquoi portez-vous des fringues pareilles? Votre compagnon est-il un parent? On vous agresse, on vous insulte, on vous traite de tous les noms, etc.», lit-on dans les témoignages.
Cette police dite de mœurs est, sans doute, en droit, de procéder à des contrôles d’identité. Mais, dans ce contrôle, tout est-il permis? Où s’arrête le contrôle et où commencent l’abus et l’atteinte à la liberté individuelle? La police est-elle chargée de conseiller aux Tunisiens et, surtout, aux Tunisiennes tel ou tel type de vêtement ou de comportement? Ou de mener une campagne de moralisation (d’islamisation?!) de la rue?
«Sécurisation de la voie publique oblige»
Un collectif d’avocats s’est constitué pour faire face à ces nouvelles pratiques de la police. Il conseille aux citoyens d’enregistrer sur leur mobile au moins deux numéros d’avocats et de les appeler au secours dès que la police leur ordonne de les suivre au poste et surtout de ne jamais signer un PV.
Interrogé lundi par Kapitalis, Khaled Tarrouche, chargé de la communication au ministère de l’Intérieur, a précisé qu’il ne s’agit point d’une campagne de moralisation de la rue. Selon lui, les agents de l’ordre effectuent leurs rondes habituelles pour la sécurisation de la voie publique et le maintien de l’ordre. Et d’ajouter que ceux ou celles qui ont été agressés peuvent porter plainte pour dépassement ou abus.
«Nous ne couvrons personne», a souligné M. Tarrouche qui précise aussi : «Nous sommes en train de mettre sur pieds la démocratie et nous sommes encore dans une période de transition», a-t-il dit tout en nuançant qu’il pourrait y avoir des dépassements et que l’institution sécuritaire pourrait commettre quelques abus.
Côté citoyens, on s’indigne face à ces campagnes soi-disant sécuritaires, qui ne s’en prennent pas aux vrais criminels mais vont harceler de jeunes femmes sur les plages, dans les quartiers huppés, les restaurants et les terrasses des cafés, ou les interroger à propos de leur tenue vestimentaire, du lien de parenté avec leur compagnon (frère, père, sœur, mère, tante, oncle)…
I. B.