«Cafetiers, restaurateurs et autres sont dorénavant obligés à fermer boutique toute la durée du jeûne. Et nous ne faisons qu’appliquer la loi dans un pays musulman», dit une responsable au gouvernorat de l’Ariana.
Suite à la décision prise le premier jour de ramadan par le gouverneur de l’Ariana en fermant des espaces par la force publique et sans aucun préavis, la colère est montée parmi les cafetiers et restaurateurs de la Citée Ennasr. Mais aussi parmi les employés qui risquent de perdre leur emploi et certains consommateurs tunisiens et étrangers qui ont leurs petites habitudes.
Réactions de part et d’autre
«Depuis 12 ans, on a toujours ouvert pendant ramadan et nous accueillions nos clients dans la discrétion. Nous n’avons jamais eu de problème. On aurait épargné au moins la Cité Ennasr, une zone huppée et commerciale, habitée par plusieurs cadres des banques venus de l’étranger ou des investisseurs et qui font tourner nos commerces. Ces cafés sont des viviers d’emplois», raconte un employé dans un salon de thé à Ennasr.
La colère a atteint aussi quelques consommateurs. «Je dirige un centre d’appels depuis plus de 10 ans. La moitié de mon personnel est composé de jeunes filles dont une majorité voilée et ceci ne m’a jamais dérangé. Au contraire, je les respecte. Depuis que j’ai débarqué à Tunis, j’habite à Ennasr et j’ai toujours respecté les habitudes du pays et ramadan ne m’a jamais dérangé, car j’ai mon petit coin où, tous les matins, je prends discrètement mon café et fume une cigarette avant d’aller à mon travail à la Charguia. Avec cette fermeture brutale, je ne me sens plus à l’aise. Je ne vous cache pas que je compte vraiment partir, plus rien comme avant, plus rien ne me séduit, dommage. Et je suis navré pour mes employés», raconte Patrick le Français.
Réponse du gouvernorat
«C’est normal, nous sommes dans un pays musulman et on doit fermer la journée pendant tout ramadan. Puis, le gouverneur n’a fait qu’appliquer la loi. Nous avons bien reçu un télégramme du ministère de l’Intérieur et il faut s’exécuter, surtout qu’à l’Ariana, il n’y a pas de zone classée touristique», a dit à Kapitalis une collaboratrice du gouverneur de l'Ariana.
Et d’ajouter que cette loi a toujours existé et que le gouverneur n’a fait que l’appliquer. «Chaque année et à pareille période, des télégrammes sont envoyés aux gouverneurs leur rappelant cette loi et il faut qu’elle soit appliquée un jour ou l’autre. Nous n’avons fait qu’appliquer la loi», a-t-elle insisté.
Et pourquoi seulement cette année? Pas de réponse claire de notre interlocutrice. Après un temps d’hésitation, elle nous dit de voir avec le ministère de tutelle.
Que dit le ministère de l’Intérieur?
«Oui, il est vrai que chaque année, un peu avant ramadan, on envoie un télégramme à tous les gouverneurs. La veille de ramadan de cette année, on n’a pas fait entorse à la règle. Mais dans ce télégramme, nous précisons et insistons sur la nécessité de ne pas toucher aux commerces dans les zones touristiques et dans les complexes commerciaux. Seuls les commerces (cafés et gargotes) dans des zones populaires sont concernés», a dit à Kapitalis Khaled Tarrouche, chargé de la communication au ministère de l’Intérieur.
A l’évidence, la fermeture d’espaces commerciaux à la Cité Ennasr semble gêner plusieurs responsables de la tutelle, qui, pris entre le marteau du parti islamiste Ennahdha au pouvoir et l’enclume des exigences économiques et sociales, ne savent pas quoi répondre. Ni quoi faire…
Zohra Abid
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