Les 160 élèves de l’école d’Ouled Dhifallah près de Aïn Drahem, un petit patelin perdu dans les montagnes au nord-ouest, ont fait une rentrée si lumineuse qu’ils s’en souviendront longtemps après. Reportage.
Par Zohra Abid
Grâce aux efforts de l’association «Un enfant, des sourires», aux fonds d’Orange Tunisie et de la Fondation Orange, l’école, qui était en ruine, a été reconstruite, repeinte et ses équipements remplacés par d’autres tout neufs. Quant aux écoliers, ils ont eu droit à des sacs à dos pleins de livres, cahiers, trousses, carnets, stylos, crayons à papiers ou de couleurs, gommes, taille-crayons, ciseaux et autres fournitures. Mieux encore: pour faire la navette entre l’école et la maison, chacun a eu son vélo, qui plus est, à sa taille. Fini donc les kilomètres à pied qui usent les souliers… Et merci Orange.
Les enfants de l'école Ouled Dhifallah posent avec leurs vélos.
Rien que pour un sourire
Jeudi dernier vers la mi-journée, il y avait de la joie et du monde dans le village Ouled Dhifallah (gouvernorat de Jendouba). Ecoliers, parents, grands-parents, voisins, représentants de la délégation, bref tout le monde était là, devant l’école, à attendre les membres de l’association «Un enfant, des sourires», créée il y a à peine deux ans à l’Ariana (Tunis) et qui a parrainé, il y a quelques mois, les élèves de cette école se trouvant à seulement quelques enjambées de la frontière algérienne. «De temps à autre, une visite de courtoisie, une petite excursion à Dah Dah à Tunis, des vêtements chauds et des chaussures, une caravane de médicaments ou autres. On fait ce qu’on peut grâce à des collectes», raconte la présidente de l’association Rym Ben Arous, qui s’est entourée de plusieurs jeunes bénévoles.
Les élèves et leurs proches souhaitent la bienvenue aux mécènes venus de Tunis.
Pour se faire bien aider, cette dernière a su frapper à la bonne porte. Parmi ceux qui ont répondu présents à ses appels, Orange Tunisie et la Fondation Orange. En mai dernier, un accord a été signé avec le ministère de l’Education nationale pour faire reconstruire et rénover l’école d’Ouled Dhifallah. En juin, Orange a entamé des travaux après avoir tout fait raser. Trois mois après, le temps des grandes vacances, de nouveaux murs érigés et peints, et tout est fin prêt. A la rentrée, le 17 septembre, le drapeau a flotté sur le plus beau bâtiment du village rural.
Un moment très fort en émotions
L’accueil s’est fait en grandes pompes: youyous, ballons agités et hymne national entonné moult fois, sans oublier le rituel des photos souvenirs. Un tableau si émouvant que l’on se surprend à écraser discrètement une larme. Les petites têtes brunes ont adoré poser devant les caméras. Ils étaient aux anges, les petits anges. De cette journée, on a tiré plein d’albums photos. Leurs larges sourires ne devraient pas être oubliés… Oh non!
Les enfants découvrent leurs cartables, livres et cahiers.
Les membres de l’association, qui ont découvert lors d’une caravane d’aides le calvaire de ces écoliers parcourant au quotidien 3 à 4 km voire plus pour arriver à l’école et autant pour rentrer, été comme hiver, en ont parlé à Asma Ennaïfer, haut responsable à Orange, qui a eu le bon reflexe. «La zone est cyclable, et rien ne vaut un vélo pour ces petits», a décidé Mme Ennaïfer, qui a annoncé la construction bientôt d’un réfectoire.
«On est presque coupé du monde et l’hiver sous la neige et la pluie est rude, interminable et froid. Seule une piste coupée et entrecoupée par des ruisseaux d’eau, à gravir à pieds tous les jours pour se rendre à l’école, sans parler des risques. Pas facile dans ces forêts peuplées d’animaux sauvages ou lorsqu’il pleut à torrent», raconte à Kapitalis un agent de la Garde nationale qui a trouvé l’idée du vélo géniale.
Les enfants essayent leurs bicyclettes.
Plusieurs petits finissent, selon l’«omda», représentant de l’autorité locale, par interrompre leur scolarité et aller faire autre chose. «Soit ils deviennent des bergers ou ils partent en ville chercher n’importe quel travail», dit-il. Il ajoute: «Dans la délégation de Hammam Bourguiba, on compte encore 9 écoles qui risquent de tomber sur les têtes des petits. Je pense ici à Ouled Khmissa 1 et Ouled Khmissa 2, ou encore Zouitna… Si quelques entreprises prenaient en charge ces écoles, les petits auront au moins la chance de continuer leurs études jusqu’au bout». Les bénévoles sont avertis.
Casquette, sac-à-dos et à vélo
Les 3 salles peintes en blancs dégagent encore l’odeur de neuf, celle de la chaux toute fraîche. Pour les besoins, le ministère de l’Education est en train de construire une quatrième salle, encore en chantier. «Mais par contre, je ne peux pas ouvrir les toilettes aux petits. Car, il n’y a pas d’eau. Nous sommes dépourvus d’eau depuis le 24 juin dernier. On est contraint d’aller s’approvisionner du puits.
Rym Ben Arous et Asma Ennaifer sur le chemin de l'école.
On aurait bien aimé que le gouverneur intervienne auprès du département du ministère de l’Agriculture, chargé de l’exploitation des barrages afin qu’il y ait de l’eau dans les robinets», révèle le directeur Samir Arfaoui, qui a passé plusieurs années dans le Grand Tunis avant de rentrer au bercail et faire du social à côté de son métier. Et d’ajouter que l’école manque d’instituteurs. «Ils étaient six instituteurs. Cette année, seulement 5, c’est trop peu pour assurer le bon déroulement dans les classes», affirme-t-il.
Les petits ont fait ce jour-là presque l’école buissonnière. Que de la joie. Le directeur a fait l’appel et c’est l’heure de rentrer. Mais pas à pieds. A la sortie de l’école, on distribue les vélos. Les petits ont mis leur casquette, pris leur bicyclette, et emprunté leur petit chemin. Les uns peinent à monter, les autres sont déjà en train de pédaler.
Le drapeau national planté dans la cour de l'école.
En fin d’après midi, l’école s’est complètement vidée. Sur le chemin de Tunis, entre les dédales qui serpentent les montagnes, on aperçoit un écolier à bord de son vélo et qui klaxonne… Une vieille bergère éloigne ses vaches du chemin, le petit se pavane comme un roi, il vient de faire quelques courses chez l’épicier le plus proche, à quelque 7 km du gite familial. Tout d’un coup, un sanglier avec ses 3 petits traverse en toute allure la chaussée, ou ce qui reste d’une chaussée, affaissée depuis l’hiver écoulé. Un grand danger qui risque d’isoler encore davantage la région. Mais là, c'est une autre histoire…