Vous connaissez l’histoire de Qaïs et Leïla et de Roméo et Juliette. Kapitalis vous raconte celle d’un autre couple d’amoureux fous de l’ère d’Internet, celle de Wajdi, le Tunisien de Jendouba, et de la Britannique Wendy. Retenez vos larmes, et vos sarcasmes…
Wendy Paduch, 26 ans, du village de Grimsby, dans le Lincolnshire, en Grande-Bretagne, a été décrite par les tabloïds britanniques, comme «la plus mauvaise mère de Grande-Bretagne». Elle a même été qualifiée de «putain» sur des blogs haineux sur Internet.
A Jendouba, «une ville sordide en plein désert»
Le crime de Wendy: avoir dit à ses deux enfants, Dylan, 5 ans, et Natasha, 8 ans, qu’elle partait pour une semaine de vacances. Or, trois mois après son départ, elle n’était pas encore revenue. En fait, elle vivait loin, très loin, à Jendouba plus précisément, dans le nord-ouest de la Tunisie, avec son nouveau mari, Wajdi Jouini, un homme de 21 ans qu’elle a rencontré sur le web et dont elle est folle amoureuse.
Comme pour accabler la jeune femme, les journalistes britanniques décrivent Jendouba comme «une ville sordide en plein désert», où «les habitants vivent dans une pauvreté abjecte». Le comble de la misère, ajoutent ces chers plumitifs, Wendy «ne peut pas parler l’arabe et doit compter sur son mari pour lui traduire ce qui se dit.»
Tout a commencé avec une relation en ligne. Wendy et Wajdi passent des nuits entières à chatter sur Internet. «Nous avons mis des webcams à côté de nos lits de sorte que nous puissions continuer à parler devant la caméra jusqu’à ce que le sommeil nous emporte», raconte Wendy. Elle ajoute: «La maman de Wajdi venait le matin lui apporter une tasse de thé. Elle en faisait une autre pour moi. Alors, il s’approchait de la caméra et me tendait la tasse. Il était si tendre.»
Six mois après leur premier chat, Wajdi propose à Wendy de venir à Jendouba. Elle n’hésite pas un instant, achète un billet aller-simple pour la Tunisie et commence à faire des plans pour son mariage. «J’étais très nerveuse car nous nous sommes jamais rencontrés face-à-face. Mais il a été merveilleux. Nous avons passé tellement de temps à bavarder en ligne que j’avais l’impression que nous nous connaissions depuis très longtemps», raconte Wendy, comme pour justifier la rapidité avec laquelle elle a accepté l’invitation de Wajdi.
«Elle a rendu mon fils heureux», dit Fatima
«J’ai rencontré sa famille et ils m’ont accueillie comme si j’étais l’une des leurs», raconte encore Wendy. Aussitôt arrivée à Jendouba, la jeune femme ne tarde pas à louer une robe de mariage. Le grand jour est fixé au 22 juillet. Les parents de Wajdi organisent une grande fête.
Interrogée sur sa belle-fille par l’envoyé spécial du ‘‘Mirror’’, Fatima, la mère de Wajdi, répond avec simplicité: «Elle fait partie de la famille. Elle a rendu mon fils heureux.»
Wendy et Wajdi
Wendy, que ses compatriotes présentent comme une mauvaise mère, admet avoir commis une faute en s’éloignant de ses enfants pendant une si longue période, mais elle affirme n’avoir aucun regret. «J’ai essayé d’être heureuse. Je suis tombée amoureuse. Tout ce que je voulais, c’était me marier. Je suis partie pour rencontrer l’homme que j’aime. C’est tout le mal que j’ai fait.»
Reste que l’argument de l’amour a peu de chance de convaincre les travailleurs sociaux ou le juge des enfants, qui lui reprochent d’avoir abandonné ses enfants. «Trop occupée qu’elle était à boire de l’alcool avec son nouveau mec dans un bidonville tunisien», commente, acide, un tabloïd. «Les mots ‘‘négligence’’ et ‘‘abus’’ viennent immédiatement à l’esprit», renchérit un autre. Qui ajoute, sans ironie aucune: «Étonnant, n’est-ce pas, comment la recherche du bonheur personnel est devenue la nouvelle religion.» «L’amour est une excuse pathétique, surtout chez une mère. L’amour ne peut expliquer l’abandon de ses enfants. Ce n’est pas de l’amour, c’est de l’égoïsme», souligne un autre chroniqueur. Tout aussi inspiré, il ajoute, goguenard: «Elle pense être une princesse vivant dans un monde de rêve où l’amour triomphe toujours».
Pauvre Wendy ! Elle ne s’est pas amourachée d’un poète du désert, qui aurait au moins immortalisé son nom et son histoire. Elle a échoué dans les bras d’un chômeur de luxe qui n’a qu’Internet pour tromper sa frustration et noyer sa solitude.
«Je ne suis pas une mauvaise maman», crie Wendy
«Je ne suis pas une mauvaise maman. J’ai laissé mes enfants et je n’aurais pas dû le faire. Je regrette vraiment ce qui s'est passé. Je connais des gens qui pensent que je suis horrible. J’aurais aimé amener mes enfants avec moi. Mais cela n’était pas possible. Je suis restée si longtemps, parce que je n’arrivais pas à trouver l’argent pour rentrer en Grande-Bretagne», déclare-t-elle à un confrère britannique dépêché à Jendouba, en promettant de rentrer à temps pour le sixième anniversaire de son fils Dylan, le 6 octobre.
Entre-temps, une enquête pour fraude aux prestations sociales est ouverte contre la jeune femme. On lui reproche d’avoir continué de recevoir des allocations familiales durant toute la période passée hors d’Angleterre. Pourtant, Wendy affirme avoir refusé de recevoir de l’argent de Grande-Bretagne, insistant pour que les allocations soient versées à sa maman afin qu’elle puisse subvenir aux besoins des enfants.
Comme dans une avalanche de mauvaises nouvelles, les médias britanniques rapportent aussi que le propriétaire de la maison de Wendy à Grimsby, a changé les serrures, faisant d’elle une sans-abri. Beryl, sa maman, 59 ans, ne cesse dire à qui veuille bien l’entendre que si Wendy revenait avec son mari tunisien, elle ne serait pas la bienvenue chez elle. «Ce qu’il a fait est terrible. Il l’a gardée là parce qu’elle est britannique. Wendy n’est pas la première femme qu’il a traquée (sic !) sur le net», raconte-t-elle, inconsolable.
D’autres journaux de la Perfide Albion, qui ont dépêché des envoyés spéciaux à Jendouba, citent les témoignages de voisins affirmant avoir vu Wendy boire de l’alcool avec son mari jusqu’à en tomber par terre et payer les courses de sa nouvelle famille.
«J’étais tellement heureuse en Tunisie»
«Je vais me rattraper et tout rentrera dans l’ordre quand nous serons tous réunis de nouveau comme une famille. Je vais rentrer à la maison pour recommencer une nouvelle vie», raconte Wendy aux journalistes qui viennent l’interviewer à Jendouba. La nouvelle famille, elle entend la construire avec… Wajdi. Elle l’aime tellement qu’elle voudrait lui donner des enfants.
«J’ai un billet pour rentrer à la maison pour l’anniversaire de mon fils. Je n’ai pas l’intention de vivre ici. Je veux convaincre Wajdi de venir en Angleterre pour que nous constituions une famille», explique-t-elle.
Wajdi, qui parle l’anglais, concède que Wendy n’est pas la première femme britannique qu’il a rencontrée sur Internet. Il avoue même que quand elle a débarqué en Tunisie, il l’a trouvée «trop vieille».
Bien qu’il soit au chômage, Wajdi est catégorique: il n’a pas épousé Wendy juste pour pouvoir aller en Grande-Bretagne. Il serait heureux si Wendy décidait de s’installer en Tunisie. Mais elle a besoin de voir ses enfants. «Les gens disent que je l’ai épousée pour l’argent ou pour avoir un visa, mais je l’aime et je veux vivre avec elle. J’ai vendu mon ordinateur pour lui payer le billet de retour en Grande-Bretagne...», dit-il.
Le 4 octobre, c’est en larmes que Wendy retrouve sa mère et ses deux enfants. Elle sanglote en disant à sa mère, Beryl: «Je suis tellement désolée de m’être éloignée si longtemps; je suis désolée; désolée maman.» A sa fille, qui s’est jetée dans ses bras en criant: «Maman, je t’aime», elle répond, toujours en larmes, en la serrant contre elle: «Je t’ai manqué. C’est tellement bon de te revoir, je suis si heureuse...»
Heureuse? C’est vite dit, car tout n’est pas encore rentré dans l’ordre: Wajdi, le mari et l’amoureux, est resté en Tunisie. Il y a aussi l’enquête sur la fraude aux prestations sociales. Wendy lâche: «Je ne savais pas que j’avais fait quelque chose de mal. Je suis terrifiée à l’idée d’aller en prison.»
Wajdi a déposé une demande pour avoir un visa de conjoint, alors que Wendy cherche une nouvelle maison, loin de Grimsby, où le couple pourrait reconstruire sa vie. La jeune femme envisage déjà de retourner en Tunisie pour fêter son anniversaire en novembre avec son mari. C’est juré, elle prendra cette fois ses enfants avec elle.
«Wajdi m’aime et je l’aime. Je veux qu’il vienne vivre ici en Grande-Bretagne afin que nous puissions être une famille.» Un brin nostalgique, elle ajoute, une larme dans la voix: «Notre mariage était magnifique. J’avais une robe blanche, et c’était un rêve. J’étais tellement heureuse en Tunisie, même si j’ai dû m’éloigner quelque temps de mes enfants.»
Yüsra Mehiri
Sources : The Mirror, Africa News, Anorak