Le phénomène des violences infligées aux enfants est porté, aujourd'hui, sur la place publique, obligeant les autorités, longtemps laxistes, à réagir pour essayer d'y trouver des solutions.
Le viol, début, mars, d'une fillette de trois ans dans un jardin d'enfants à La Marsa, a permis, au-delà de la large indignation qu'il a suscitée, de rouvrir un débat longtemps reporté et d'admettre, enfin, que ce type d'agression ciblant l'enfance tunisienne est loin d'être un cas rare et isolé.
La ministre Sihem Badi sur la sellette
La semaine dernière, une motion de censure a été mise au vote à l'Assemblée nationale constituante (Anc) contre Sihem Badi, la ministre des Affaires de la femme et de la famille, pour son «incapacité à proposer des solutions et des mesures efficaces pour protéger l'enfance». Dans le texte de la motion, les Constituants critiquent, notamment, l'atermoiement de la ministre à engager des actions fermes contre la prolifération des jardins d'enfants sauvages, notamment les écoles dites coraniques, utilisées pour le prosélytisme religieux, notamment par les groupes salafistes wahhabites.
La motion a rassemblé 78 signatures, soit plus que le nombre de voix requis pour la tenue, dans deux semaines, d'une séance plénière pour auditionner la ministre de la femme.
Le silence face aux violences infligées aux enfants est un crime.
Les élus de l'Anc avaient, en janvier dernier, attiré l'attention de la ministre sur les abus sexuels et les viols de garçons dans certains centres intégrés dont celui de Sidi Thabet.
La dégradation des institutions de l'enfance est imputable au vide structurel et juridique qui fait que ces établissements échappent à tout contrôle, selon le délégué général de la protection de l'enfance Mehyar Hamadi.
D'ailleurs, une cellule de crise vient d'être mise en place pour exécuter les décisions de fermeture des jardins d'enfants illégaux en coordination avec les gouverneurs des régions.
Cette structure aura également, pour mission d'assurer la prise en charge psychologique des enfants victimes d'agressions physiques ou morale et d'inspecter les institutions de l'enfance.
Briser le mur de silence
La présidente de la chambre nationale des crèches et jardins d'enfant, Nebiha Kammoun Tlili, qui a appelé en début de la semaine dernière, à un congrès national sur le secteur de l'enfance impliquant ministères concernés, associations et syndicats, insiste sur l'importance de briser le mur de silence sur la maltraitance et le viol des enfants. Elle a exprimé le souhait de voir se concrétiser les mesures annoncées par le ministère au lendemain du viol de la fillette.
Parmi ces mesures figurent, notamment, la création d'une instance indépendante de protection des droits de l'enfant et la promulgation d'une loi de protection de l'enfant victime de maltraitance et d'abus sexuel.
Le ministère a décidé, également, de renforcer les institutions de l'enfance en cadres pédagogiques et d'inspection en plus du recrutement de 7 nouveaux délégués de protection de l'enfance.
Mehyar Hamadi a assuré à l'agence Tap que le ministère compte adopter les recommandations émises de la consultation nationale sur l'enfance (2012) qui proposent de remplacer le cahier des charges par une autorisation pour la création de jardins d'enfants.
Selon des statistiques du ministère des Affaires de la femme et de la famille de 2012, le taux des enfants victimes de violence sexuelle pris en charge par les délégués de protection de l'enfance s'élève à 4,4%, contre 32,7% pour les victimes de violence physique et 45,8% pour les victimes de maltraitance.
I. B. (avec Tap).