De plus en plus de jeunes Tunisiens recourent aux «mariages de complaisance» pour contourner la législation sur l’immigration très restrictive en Europe. Des Européennes, se disant victimes de ces «mariages gris de fleur de jasmin», s’organisent pour lutter contre ce «fléau».


Sous le titre «Les hommes tunisiens attirés par des femmes étrangères», le site d’information ‘‘Magharebia’’ a publié, le 8 octobre, un article sur ces pratiques aujourd’hui en vogue parmi les jeunes et cite les témoignages d’émigrés tunisiens qui ont eu recours aux «mariages de résidence» pour avoir une carte de séjour dans un pays européen.
La chasse à la «biche européenne» se fait généralement sur des réseaux sociaux comme Facebook. Des courtiers en immigration offrent ensuite leurs services de médiation entre futurs époux, arrangent des mariages et proposent même des contrats d’immigration, contre des rémunérations conséquentes. Ces contrats, illégaux et factices, permettent à ceux qui les proposent de soutirer des sommes importantes d’argent aux jeunes qui aspirent à immigrer en Europe, en espérant ainsi fuir le chômage et la précarité sociale et améliorer leurs perspectives de vie.

 

5 ans de prison et 15.000 euros d’amende
«Les autorités de l’immigration rejettent désormais de telles demandes de mariage et fixent de nombreuses conditions pour empêcher les immigrants de les utiliser comme un moyen d’obtenir un certificat de résidence permanente», écrit Maghrebia. Le journal en ligne explique: «La nouvelle législation exige que les époux passent beaucoup de temps ensemble avant de se voir accorder le droit de résidence. De plus, les bureaux de l’immigration peuvent envoyer à tout moment des travailleurs sociaux au domicile, en particulier la nuit, pour s’assurer que les époux vivent bien sous le même toit.»
Selon Hélène Hammouda, attachée de presse à l’ambassade de France à Tunis, interviewée par le même journal: «la loi française prévoit des sanctions pénales en cas de mariage de complaisance ou de mariage truqué». Les personnes qui sont reconnues coupables de «mariages blancs» encourent, en effet, une peine de cinq ans de prison et une amende de 15.000 euros.
Depuis quelque temps, des femmes européennes se disant victimes de ces «mariages gris» sortent de leur mutisme. Estimant avoir été utilisées par de jeunes Tunisiens (et, plus généralement, Maghrébins) comme un simple alibis ou prétexte pour demander (et bénéficier) de papiers de résidence en Europe, elles multiplient les actions sur le Web, notamment des pétitions et des appels à témoignages, et exhortent les responsables de leurs pays à prendre des mesures pour contrer ces pratiques.  
L’une des pétitions, s’adresse «à toutes les personnes (familles, femmes ou hommes, etc.) arnaquées sentimentalement et financièrement par des individus dénués de tous scrupules, dans le seul but d’obtenir un titre de séjour en France (ou dans l’espace Schengen) également dans d’autres pays du monde.»
Le texte vise également à «faire prendre conscience aux chefs d’Etat qu’il n’y a pas que le mariage gris [qui] existe dans le domaine de l’escroquerie sentimentale» et demande à ces derniers de promulguer de nouvelles lois ou de durcir celles qui existent «pour que les victimes aient plus de recours pour se défendre», car estiment les signataires de la pétition – Nadine, Marianne, Alice, Mélanie, Anna, Karin, Véronique, Blanche, Marie, Odile et les autres –, «jusqu’à présent rien n’est encore fait dans ce domaine.»

Des enfants «de papier»
Les victimes des «mariages gris» et des «arnaques sentimentales» proposent même des mesures aux autorités de leurs pays. Elles demandent, par exemple, que le père d’un enfant né d’un «mariage blanc» soit déchu de ses droits parentaux, qu’on lui enlève la nationalité française, qu’il fasse sa peine de prison en France et pas dans son pays.
Une autre pétition, contre «le mariage gris de fleur de jasmin» (sic !), reproduite sur le site ‘‘Bezness Land’’, est adressée à la députée française Claude Greff, présidente du groupe de travail sur les mariages gris, et à Eric Besson, ministre français de l’Immigration. Ses signataires insistent sur «la nécessité absolue que la Justice tienne compte des victimes déjà déclarées et qu’il soit fait en sorte, par des mesures appropriées, de mettre un frein à ces pratiques où l’un des époux est abusé par l’autre à des fins migratoires, et où les enfants issus de ces unions ne sont que des enfants ‘‘de papier’’, conçus pour confirmer les droits de l’escroc à demeurer sur le territoire français.»

Y. M.