Des organisations féminines dénoncent la campagne menée par le parti islamiste Ennahdha au pouvoir contre la levée des réserves de l'Etat tunisien à la Cedaw, décidée en octobre 2011 par le gouvernement Caïd Essebsi.
La Coalition nationale pour la levée des réserves à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme (Cedaw) a dénoncé «la campagne de dénigrement» menée en Tunisie contre cette convention et opposée à la levée des réserves particulières, décidée en octobre 2011 par le gouvernement Caïd Essebsi.
Des réserves sur la levée des réserves
La campagne en question a été lancée sous la férule du ministre des Affaires religieuses Noureddine El Khadmi et a mobilisé des hommes de religion et des universitaires proches du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir), qui semble vouloir imposer au gouvernement actuel, dominé par lui, de revenir sur la levée desdites réserves.
Lors d'une conférence de presse, tenue mardi à Tunis, les représentantes des différentes associations membres de la coalition ont indiqué que la Cedaw fait l'objet d'une large campagne de dénigrement parce qu'elle interdit toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et qu'elle contient l'engagement des Etats signataires d'inscrire l'égalité entre les deux sexes dans la constitution. «La campagne n'hésite pas à déformer le contenu de la Cedaw, présentant celle-ci comme une voie pour la reconnaissance du libre choix de l'orientation sexuelle et de l'homosexualité et la liberté des adolescentes à l'utilisation des moyens de contraception», ont indiqué les représentantes de la société civile.
La coalition craint une remise en cause des acquis de la femme tunisienne, appelant à communiquer la levée des réserves à l'Organisation des Nations Unies étant donné que le retrait de ces réserves a été publié au Journal officiel de la république tunisienne (Jort).
Un pouvoir opposé à l'égalité homme-femme
Elle a, également, appelé à une mobilisation des femmes pour la reconnaissance d'un rang constitutionnel de toutes les conventions internationale ratifiées par l'Etat tunisien et relatives aux droits de l'homme et à la féminisation du chapitre relatif aux droits et libertés, par l'utilisation systématique du terme «hommes et femmes ou citoyens citoyennes».
Ahlem Belhaj, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) a indiqué que cette campagne coïncide avec l'augmentation de la violence commise à l'égard de la femme la qualifiant de «dangereuse» dans la mesure où elle déforme le contenu de la convention internationale et dévoile un projet de société qui ne comprend pas les valeurs de l'égalité homme-femme, favorise la discrimination à l'égard de la femme et ne répond pas aux objectifs de la révolution tunisienne.
Hafidha Chekir, professeur de droit public, estime, pour sa part, que cette campagne dévoile le projet de société inscrit dans le dernier brouillon de constitution, qui «ne reconnaît les valeurs universelles des droits de l'homme que lorsqu'elles sont compatibles avec notre spécificité culturelle», a-t-elle dit.
La campagne qui qualifie la Cedaw de «crime contre l'identité arabo-musulmane de la Tunisie», révèle un projet de société où la femme est maintenue sous domination masculine, ont souligné la plupart des intervenantes.
Une constitution fondée sur la chariâ
«L'avant-projet de la constitution qui fait de l'islam la religion de l'Etat et fonde la constitution sur les ''constantes de l'islam'' (préambule) fait de la chariâ la source première de la législation à la lumière de laquelle tous les droits et libertés inscrits dans la constitution devront être interprétés», a indique Monia Ben Jemiaa, juriste et membre de l'Atfd.
La juriste Sana Ben Achour a indiqué que la levée des réserves à la Cedaw par l'Etat tunisien et sa publication, le 28 octobre 2011 dans le Jort doit être suivi par des démarches juridiques, appelant, à cet effet, le gouvernement tunisien à poursuivre ces procédures à l'échelle internationale pour activer ce retrait.
La coalition nationale pour la levée des réserves à la Cedaw est composée de l'Atfd, l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (Afturd), la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (Ltdh), la Fédération internationale des droits de l'homme (Fidh) et la section tunisienne d'Amnistie Internationale.
I. B. (avec Tap)