Les Tunisiens sont solidaires de leurs forces de l'ordre, mais pas trop. Aussi, craignent-ils un nouveau projet censé protéger leurs protecteurs. Un policier trop protégé risque de commettre des abus, estiment-ils.
Le projet de loi de protection des forces de l'ordre prévoyant, entre autres dispositions, une peine allant de 3 à 10 ans d'emprisonnement et une amende de 300 à 10.000 dinars, pour toute forme d'agression ou menace de violence contre un agent de l'ordre, ne semble pas plaire à beaucoup de Tunisiens, qui estiment, sur les réseaux sociaux, que cette protection laisse le champs libre aux agents de l'ordre pour toutes formes d'abus.
Sahbi Jouini, membre du comité dirigeant du syndicat national des forces de l'ordre, chargé des affaires juridiques, a indiqué que, face à la recrudescence des violences faites aux policiers et aux menaces répétitives à leur encontre, un projet de loi portant sur la criminalisation des agressions contre les agents de sécurité sera présenté bientôt à l'Assemblée nationale constituante (Anc).
«Nous sommes solidaires de la police et de l'armée tunisiennes dans leur lutte contre le terrorisme wahhabite», dit la pancarte brandies par des citoyens.
Certains Tunisiens n'apprécient pas vraiment ce projet de loi, craignant que les forces de l'ordre puissent en profiter «opprimer les citoyens et gérer les conflits, comme au temps de Zaba, par la violence», comme l'explique un facebooker.
D'autres tournent en dérision les forces de l'ordre avec des caricatures et des photos humoristiques où les policiers sont comparés à des gladiateurs en train de frayer un chemin vers une nouvelle dictature.
Certains, adeptes de la théorie du complot, prétendent que les affrontements entre les policiers et Ansar Al-Chariâ et les évènements de Jebel Châmbi ne sont que du théâtre, une propagande pour justifier le projet de loi visant à mettre en place un Etat policier.
D'autre vont même jusqu'à regretter la manifestation du 10 mai devant l'An : «Nous avions soutenu les flics, mais il ne faut pas qu'ils prennent la confiance et dépassent leur limites»; «On a dit l'ordre et le respect de la loi, ils ont compris: Etat policier»; «Voilà ce qu'ils veulent au fait : nous faire retourner à l'époque de la dictature»; «Un policier n'est pas un fils de dieu».
Autant dire que le projet de loi ne fait pas l'unanimité des Tunisiens. Et que la confiance des Tunisiens en leur police n'est pas encore vraiment revenue, malgré les effusions de sentiments constatées au lendemain des événements de Jebel Châmbi. Et pour cause: les douloureux souvenirs du passé se sont pas encore oubliés. La plupart des Tunisiens sont solidaires des policiers lorsque ces derniers les protègent des violences extrémistes ou assurent leur sécurité, mais ils ne sont pas prêts à leur donner un chèque en blanc.
Y. N. M.