Le jeûne en pleine canicule d'été est pénible. Les corps souffrent et les nerfs en prennent un coup. Et pourtant, Ramadan est un mois aimé des Tunisiens, mais uniquement pour ses nuits de réjouissances gastronomiques.
Par Seif Eddine Akkari
Ramadan, mois sacré des musulmans, mois du jeûne et de la tempérance, est aussi un mois qui chamboule totalement le quotidien des Tunisiens. Et ce changement ne se limite pas aux habitudes, mais il touche également aux comportements et agissements des gens. Et il suffit d'une petite balade en ville pour saisir ce changement.
Des disputes à n'en plus finir
Une longue période de jeûne de près de 17 heures, une chaleur étouffante et une humidité assez contraignante, telles sont les caractéristiques principales du 1er jour de Ramadan.
L'un des derniers mois saints de cette génération a débuté dans des conditions climatiques assez épuisantes pour les Tunisiens. Et l'épuisement était palpable, et ce dès la matinée. Plus que des gens, on avait affaire à des sortes de robots. Aucun sourire, aucun signe de joie, juste des visages blêmes qui bâillent, ou qui se plaignent de temps en temps d'une certaine fatigue ou d'une soif qui commence à assécher leurs gorges. Et tout au long de la journée, les plaintes ne font qu'augmenter.
Au centre-ville de Tunis, restaurants et cafés hermétiquement fermés.
Trait caractéristique des gens durant le mois saint, c'est leur perte rapide de tout sang-froid. Ainsi, nous avons eu droit à des disputes de tout genre, la plupart pour des raisons anodines. A commencer par ce vendeur de légumes ambulant criant à tue tête sur l'un de ces collègues parce qu'il n'a pas voulu l'aider à transporter sa charrette. Puis ce passager qui insulte un taximan ayant refusé de l'emmener vers sa destination.
Des disputes qui des fois atteignent un niveau à la fois grave et honteux, comme cette scène de ménage observée dans le centre ville de Tunis. Un septuagénaire, barbe et cheveux blancs, est devenu fou de rage à l'encontre d'une quinquagénaire voilée. Et là, la dispute a vite tourné à la violence physique, l'homme assénant des coups de poings à la femme et lui enlevant partiellement le voile, alors qu'elle lui répliquait avec des coups de bâton. Des violences physiques parsemées d'injures et de blasphèmes des deux côtés, devant la surprise des gens qui ne savaient plus quoi faire, surtout quand l'homme a expliqué qu'il s'agissait bien de sa femme. Cela n'a pas empêché quelques bons esprits à la défendre, surtout devant la violence des coups qui lui étaient portés.
L'interminable fin de l'après-midi
La fin de l'après-midi, chez le Tunisien, marque juste une accentuation de ses humeurs observées en cours de la journée. Seulement, et à l'approche du moment de la rupture du jeûne, la nervosité atteint son comble. Et heureusement, l'odeur de la nourriture, qui jaillit de partout, où celle des sucreries qui parsèment les marchés, contribuent tant bien que mal à le calmer un peu. Et les sautes d'humeur se concentrent surtout chez les routards, et spécialement ceux qui sont pris dans des embouteillages, qui perdent leur patience, surtout avec la crainte de ne pas être à la maison lors du moment fatidique.
Ce n'est pas un hasard si les accidents de la route deviennent fréquents à l'approche du moment de la rupture du jeûne. La nervosité et la vitesse se conjuguent pour provoquer des accidents parfois mortels.
Du côté des quartiers résidentiels, l'ambiance est beaucoup plus calme. Nous avons les employés des cafés du coin qui préparent les tables à l'assaut des client quelques minutes après le coucher du soleil, les boutiques qui ferment leurs portes pour la rupture, quelques personnes qui se dirigent vers la mosquée du quartier ou encore d'autres qui attendent impatiemment le coucher devant leurs maisons. En somme, on se croirait dans un autre monde, tant la différence est criante entre les centres villes, où se concentrent généralement les commerces, et les quartiers résidentiels.
Un mois qui tape sur les nerfs
Il est connu que Ramadan est un mois éprouvant physiquement. Et dans notre pays, il l'est également pour les nerfs, tant les gens ne peuvent pas vraiment résister au manque de nicotine, de caféine mais surtout d'eau, avec la chaleur accablante. Et pour réussir à jeûner calmement pendant Ramadan, il faut surtout s'armer d'une grande patience, qualité qui est quasi absente chez la plupart des Tunisiens.
La Tunisie, pays touristique: ça ne se voit pas. Cette photoa été prise mercredi en début d'après-midi sur l'Avenue Habib bourguiba, à Tunis. Une ville (presque) morte...
Ramadan est pourtant un mois aimé des Tunisiens, mais uniquement pour ses nuits de réjouissances gastronomiques, de longues veillées télévisées et de divertissement tout azimut. Quant au travail et à la productivité, le lendemain, dans des bureaux quasi-vides, il faudra repasser. Mais là, c'est une autre histoire.