Le phénomène de l'emploi informel est devenu un réel problème en Tunisie générant des effets négatifs sur les différentes facettes de la vie publique, et ses symptômes ont augmenté de manière remarquable surtout après la révolution.
Ce phénomène est le résultat de plusieurs accumulations. Il y a, d'abord, la pauvreté et la paupérisation d'un grand nombre de Tunisiens qui souffrent du chômage et du manque d'opportunités de travail. Une majorité de citoyens se sont donc réfugié dans l'emploi informel pour sortir de situations sociales détériorées et aggravées par l'absence d'encadrement, de formation, de conseil et de l'inexistence d'une prise de conscience de la dangerosité de ce phénomène sur l'individu et sur le groupe.
Absence de contrôle et relâchement sécuritaire
L'absence d'un modèle de développement clair et d'une stratégie étudiée pour l'emploi de la part des autorités a fait que le secteur informel est devenu une alternative pour plusieurs personnes pour régler leurs problèmes, à cela s'ajoute l'absence de contrôle, le relâchement sécuritaire et la faiblesse des forces de l'ordre ainsi que leur laisser-faire, à certains moments, face à ces dépassements.
Sana Ben Hassen, membre de l'Association tunisienne de gestion et stabilité sociale.
Ces raisons ont fait que le phénomène de l'emploi informel s'est ancré dans la société à des degrés importants selon les observateurs et les chercheurs. Ceci a eu une incidence à différents niveaux à commencer par le niveau individuel du travailleur qui perd ses droits matériels et moraux comme la couverture santé, la sécurité sociale et tout ce que comportent les contrats de travail comme mesures permettant de garantir ses droits fondamentaux à accéder à un salaire respectable, de protection contre les accidents du travail, vacances annuelles et la garantie du droit à la retraite. En l'absence de ces droits, l'individu appartient à un système social aléatoire qui n'obéit à aucune règle légale au sein de la société.
Au niveau économique, l'emploi informel affecte le système économique général du pays, affaiblit et éparpille les institutions économiques en l'absence de contrôle sur les revenus générés par ce type d'emploi en raison de l'impossibilité de les exploiter de manière ordonnée.
Le travail dans le secteur informel provoque également un état de chaos général en favorisant l'installation de vendeurs ambulants, les transactions illégales et les difficultés sécuritaires importantes en plus des risques sanitaires provoqués par certaines activités commerciales non réglementées.
Toutes ces raisons ont rendu l'Association tunisienne de gestion et stabilité sociale (Tamss) soucieuse de traiter ce problème et de l'étudier de manière pratique pour lui trouver des solutions.
L'association a préparé un projet détaillé concernant l'emploi informel dans la Tunisie d'après la révolution en collaboration avec l'organisation américaine Global Fairness Initiative (GFI) et a également mené une enquête sur le sujet dont elle a présenté les résultats à l'occasion de la journée d'étude, organisée le 26 juin dernier, avec la participation des différentes parties concernées à l'instar d'institutions gouvernementales et administratives, unions syndicales, composantes de la société civile et experts dans le domaine.
Cette rencontre a été une première occasion pour présenter le Projet Tili (Initiative tunisienne pour l'emploi inclusif) que l'association a préparé avec la GFI , ainsi que les résultats de l'enquête de terrain effectuée par l'association auprès des travailleurs informels eux-mêmes.
Elle a été aussi l'occasion pour signer un accord de partenariat avec le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle pour trouver une stratégie de travail et des solutions à ce phénomène.
Le ministre de l'Emploi Naoufel El Jammali et Caleb Shreve, le représentant de GFI.
La collaboration entre Tamss et GFI a permis de faire un travail conséquent sur cette question surtout que l'organisation américaine possède de l'expertise, des expériences réussies dans ce domaine et a obtenu des résultats positifs dans plusieurs pays. L'objectif principal de cette collaboration est la mise en place d'une feuille de route étudiée et globale comportant les différents engagements de toutes les parties en vue de traiter le problème de l'emploi informel en Tunisie.
Statistiques différentes pour un même objectif
L'enquête effectuée par l'association sur l'emploi informel a recueilli les remarques de certains experts principalement au niveau des statistiques présentées et qui consistaient à estimer l'ampleur du travail informel en le mesurant par rapport au produit intérieur brut tunisien. Ceci a permis d'enrichir le projet avec des informations diverses et variées provenant de plusieurs experts.
Asma Belhassen, membre de l'association Tamss et directrice du projet Tili, a estimé que les divergences ne concernaient pas le fond du sujet mais certains détails comme la définition générale du phénomène de l'emploi informel dans sa dimension globale plutôt que dans celle de simple secteur. Elle a également rappelé que cette enquête doit juste être considérée comme une étude descriptive qui résume la situation globale de l'emploi informel en Tunisie. Elle a ajouté que les divergences exprimées favorisaient l'intérêt commun pour le sujet et doivent être prises en considération dans son traitement. Elle a expliqué, également, que l'association est soucieuse d'unifier les efforts des parties gouvernementales, syndicales, du secteur privé, des composantes de la société civile et des experts afin de mettre en place une feuille de route comportant la somme des propositions et des engagements, en insistant sur la nécessité de distribuer les rôles et de favoriser leur coordination afin d'atteindre l'objectif fixé.
Source : communiqué.
Illustration: signature de l'accord entre Tamms et le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle.