Alors que le comité de soutien à Amina tenait une conférence de presse le 17 juillet dernier, des associations se mobilisent, en Tunisie et en Europe, afin de dénoncer les conditions de détention et de jugement de la militante du groupe Femen.
Par Seif Eddine Yahia
L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (OPDDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont publié, avant-hier, un communiqué dans lequel ils appelaient à la libération immédiate et inconditionnelle d'Amina tout en dénonçant le harcèlement judiciaire dont elle est victime depuis le mois de mai.
Ce communiqué fait suite à la conférence de presse tenue par le comité de soutien à Amina le mercredi 17 juillet 2013. Le comité de soutien a, lors de cette conférence, bénéficié du soutien du rappeur polémique Weld El 15, récemment jugé et condamné à 6 mois de prison avec sursis pour sa chanson ''El Boulicia Kleb'' (Chiens de policiers). Le rappeur a rappelé qu'il ne soutenait pas l'action des Femen mais qu'il souhaitait plutôt aider Amina, cette jeune femme victime d'une injustice.
Le comité regroupe plusieurs associations tunisiennes et internationales parmi lesquelles on peut citer l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Amnesty Internationale, l'Organisation tunisienne de lutte contre la torture (OTLT) ou encore le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
Amina est en prison depuis deux mois pour ce tag...
Une incarcération injustifiée
Les différentes organisations défendant le cas de celle qui se fait appeler Amina Tyler ont rappelé que la Femen était incarcérée de manière préventive depuis le 19 mai dernier alors qu'aucune date de procès n'a été arrêtée pour répondre aux accusations d'«association de malfaiteurs», d'«outrage public à la pudeur» et de «violation de sépulture».
Ces accusations font suite à l'arrestation d'Amina à Kairouan alors que celle-ci avait juste tagué Femen sur le muret d'un cimetière proche de la mosquée Okba ibn Nafaa (classée au patrimoine mondial de l'Unesco).
Amina a déjà été condamnée une première fois le 11 juillet dernier au paiement d'une amende de 300 dinars Tunisiens pour la détention d'une bombe de gaz paralysant.
A toutes ces charges, se sont ajoutées dernièrement celles d'«outrage à fonctionnaire» et de «diffamation». Ces nouvelles accusations surviennent suite à des incidents survenus à la prison de Messadine dans le gouvernorat de Sousse. Selon le personnel de la prison, ces nouvelles charges sont dues à des insultes proférées à l'encontre du directeur de la prison où elle séjourne.
Les Femen européenne, qui ont fait une manifestation seins nus à Tunis le 29 mai, ont été relâchées. Amina reste en prison... pour un tag.
Pour Radhia Nasraoui, l'avocate d'Amina, ces charges seraient utilisées pour réduire la jeune femme au silence. Amina a en effet dénoncé des cas de torture dont elle aurait été témoin lors de son incarcération. Le procès pour ces deux nouvelles accusations doit s'ouvrir le lundi 22 juillet.
Human Rights Watch se joint au concert des protestations
Alors que le comité de soutien à Amina s'exprimait devant la presse mercredi, l'ONG Human Rights Watch a publié, le même jour, un communiqué dans lequel elle dénonçait l'incarcération préventive injustifiée d'Amina ainsi que le flou important concernant les charges qui pèsent contre elle. L'organisation dénonce, tout comme le comité de soutien à Amina, la politisation du procès qui nuit à l'objectivité et à l'indépendance de la justice tunisienne.
Plusieurs associations tentent aujourd'hui de dénoncer ce qui ne fonctionne pas dans l'affaire Amina. La détention préventive prolongée de la jeune femme, la non-divulgation d'une date de procès, la récupération politique de l'affaire, et la volonté de faire d'Amina un exemple: tous ces éléments ont amené plusieurs acteurs de la société civile à se mobiliser pour Amina, en dépit parfois d'une condamnation des provocations de la jeune femme et de son organisation.
Amina, lors de son procès, fait un signe à ses avocats. Malgré l'acharnement, elle garde le moral.
Les Femen : finesse et intelligence...
Les Femen ont récemment affiché leur soutien à Amina. Pour cela, elles ont utilisé des procédés connus de tous désormais: l'insulte et la provocation. Au démarrage du procès de la militante tunisienne pour le port d'une bombe de gaz, Inna Chevchenko, la chef des Femen a réagi, dans un anglais approximatif, par un tweet ouvertement islamophobe: «What can be more stupid then Ramadan? What can be more uglier than this religion?» (Qu'y a-t-il de plus stupide que le Ramadan? Qu'y a-t-il de plus laid que cette religion?)
On appréciera la mesure et l'intelligence dont a fait preuve celle qui bénéficie depuis peu de l'asile politique en France et qui a servi de modèle à la nouvelle Marianne représentée sur les timbres français.
Alors que des ONG se mobilisent pour soutenir Amina et rappeler que cette jeune femme ne doit pas faire l'objet d'un acharnement politique injustifié, les Femen, par l'intermédiaire de leur présidente, ont réussi à montrer une fois de plus qu'elles n'étaient pas là pour apporter quelque chose de constructif et d'utile au débat public.