Une exposition-vente se tiendra, au Centre Sadika à Gammarth, à partir de jeudi 28 novembre. Les artisanes des localités de Birrinou et Layoun viendront montrer leurs nouvelles créations de tapis. Fruit d'une opération de solidarité citoyenne.
Par Anouar Hnaine
Foussana, Birrinou et Layoun, vous connaissez? Des localités du Gouvernorat de Kasserine, isolées comme il existe des dizaines dans le pays, elles sont marquées par un analphabétisme criant et une misère hurlante.
Ces villages de déshérités, abandonnés attendent encore les effets du développement régional clamé à tout bout de champs. Mais les échos de ce slogan n'ont pas retenti au-delà des cercles du pouvoir et les rêves de sortir de l'horreur tardent à venir.
Pire: la pauvreté, la misère s'accentuent au fil des ans. L'espoir d'une vie meilleure se dissipe lentement. La vie dans son âpreté et son dénuement.
Sadika entourée de ses artisanes.
Le développement social par les métiers d'artisanat
Birrinou et Layoun vivotaient par des menus travaux d'artisanat, lequel sans apport extérieur allait tomber en lambeaux et s'effilocher comme d'autres métiers.
Au lendemain de la Révolution, beaucoup d'associations de solidarité, d'organisations non gouvernementales ont émergé et essaimé ça-et-là, leur but avéré étant de promouvoir un mode de coopération entre les cités dotées de savoir et de moyens et les régions sans ressources.
Scène du documentaire "Entre ciel et terre'' de TV5 consacré à cette opération.
''Femmes montrez vos muscles'' fait partie de ces associations dont le principal credo est le partage. Née au lendemain de la Révolution, elle a pour objectif le développement social par le travail et les métiers d'artisanat. D'essence féminine, elle se fonde sur le compter sur soi et s'attache à enrichir l'esprit de responsabilité et à encourager les petits métiers durables.
Sadika Kamoun, chef d'entreprise de soufflage de verre et pilote du Centre de réhabilitation des métiers d'art à Gammarth, en est l'inspiratrice et la fondatrice. Pour elle, ces actions d'aide aux femmes artisanes représentent plus qu'un devoir, une mission, un dévouement.
«Par la femme et par le travail, recouvrer la dignité» : Tel est le slogan qui exprime la démarche socio-économique de l'association qui a pris de l'ampleur, le cercle s'élargit et accueille des volontaires de toutes spécialités.
«Par la femme et par le travail, recouvrer la dignité».
L'expérience fait tâche d'huile
Acte I. Le projet pilote porté par Sadika, ses compagnes, ses amis, ses cousines, ses voisins et des donateurs privés solidaires, démarre dans la localité de Foussana (Gouvernorat de Kasserine). Son but est de réhabiliter les petits métiers et le savoir-faire dans le tissage traditionnel, d'accompagner des artisanes dans les différentes étapes de maîtrise de la qualité de production: matières premières, formation en couleurs et essentiellement dans l'organisation et la solidarité des femmes pour assumer des activités communes.
Opération aboutie. Résultat des courses: la lumière point au fond des yeux des artisanes dans le village qui reprend des couleurs, cent femmes se mettent au travail, l'une d'elles a ouvert son propre atelier, un centre artisanal communautaire est en projet. Le chemin continue.
L'expérience fait tâche d'huile, des poids lourds du mécénat entrent en jeu, la Fondation de France et l'agence de coopération internationale allemande GIZ, s'y intéressent, des fonds sont accordés, des aides de différents types, design, production sont accordées. Le projet de la Maison du Tapis est en cours.
Les doux fruits de la solidarité
ActeII. Fin juin 2013. L'Association décide d'entreprendre un projet d'accompagnement et de formation d'un réseau d'artisanes à Birrinou & Layoun. Convaincue du bien fondé de ce projet, l'UBCI-BNP Paribas, grande banque de la place, parraine les actions de FMVM dans ces deux localités.
Le lavage de la laine.
Une équipe de l'association se déplace pour repérer les lieux en même temps qu'une équipe de télévision venue réaliser un reportage sur la vie des villageoises. Une centaine de femmes attendaient le soutien de l'Association pour démarrer la formation des groupes solidaires et l'installation d'un bureau de liaison. Vingt femmes ont été choisies pour effectuer des petits essais afin de sélectionner les meilleures tisserandes.
Retour sur les lieux, distribution d'un lot de laine filée pour sensibiliser la population à reprendre le travail du tissage traditionnel. Au final: des tapis de différents formats aux motifs inspirés du patrimoine de la région. De nouvelles ambitions émergent, l'espoir semble déchirer le brouillard de la misère.
Acte III et dénouement. Une exposition-vente, ouverte au public à partir de jeudi 28 novembre. Les artisanes des localités de Birrinou et Layoun viendront montrer, au Centre Sadika à Gammarth, leurs nouvelles créations de tapis. C'est ainsi que le mot solidarité prend son sens.