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Qu'est-ce qu'un service de médecine du travail et quel est son rôle au sein d'une entreprise? Que peut-il apporter aussi bien aux employés qu'à l'entreprise? Réponses à travers l'expérience Tunisie Telecom.

Par Zohra Abid

Tunisie Telecom (TT) a organisé la première journée de médecine de travail, mercredi 25 décembre, à l'hôtel Tej Marhaba à Sousse, sous le thème: «La santé... c'est notre capital».

Au menu de ce rendez-vous, le premier du genre: un aperçu sur l'actualité de l'opérateur historique, ses perspectives sur le plan social, les campagnes internes de sensibilisation sur la médecine de travail, les accidents de travail et les retombées de l'absentéisme... sur la bonne santé de l'entreprise.

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L'impact de l'environnement sur la santé

Lassaâd Saïd, directeur exécutif de la gestion des affaires sociales à Tunisie Telecom, aurait aimé voir plus de participants à la rencontre de Sousse en provenance des régions intérieures. N'empêche que la salle était pleine. «Jusqu'à hier, j'insistais auprès de mes collègues. Plusieurs ont été aux abonnés absents; peut-être qu'ils sont en train de passer les vacances scolaires avec leurs enfants. Je prie les présents de parler, autour d'eux, de cette journée. Notre but est la santé du personnel et, par-delà, celle de l'entreprise», a-t-il dit, pour situer d'emblée la rencontre dans son contexte.

Plusieurs participants ont proposé la tenue de ces journées de formation de manière périodique et de les couronner par l'octroi d'un diplôme aux présents (infirmiers et responsables de ressources humaines et autres cadres) pour les encourager à revenir les fois suivantes. On a aussi proposé de tenir ces rencontres dans les régions. «Bonne suggestion», a estimé Lassaâd Saïd, qui a retenu cette proposition et promis d'aller dans toutes les agences régionales pour parler davantage des droits (et des devoirs) du personnel.

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Le professeur Mouldi Amamou, médecin coordinateur de TT, a fait une présentation technique des services de médecine du travail en général, en se basant sur des bilans chiffrés collectés au cours des 10 dernières années.

Il est du devoir de l'entreprise de veiller sur la sécurité de ses employés et de leur fournir l'environnement propice au travail, a-t-il indiqué.

Le Pr Amamou a identifié certains risques dans les lieux de travail, comme l'isolation non étanche, l'humidité, la peinture, la poussière, la chaleur, la vision, l'altitude... Il faut tenir compte des besoins des personnes allergiques et de bien les placer pour assurer leur protection. Le praticien a évoqué aussi les risques liés aux produits chimiques, à l'énergie (batteries), ainsi que les accidents pouvant survenir dans les chantiers...

«Concernant les accidents (qui sont à moitié techniques et à moitié dans l'administration), les plus fréquents ce sont ceux liés au transport. Ils surviennent généralement durant les 2 heures de trajet que le salarié effectue pour venir au travail et les 2 heures de trajet pour rentrer chez lui. Pour le reste, on a enregistré des petits accidents: des agents trébuchant dans les escaliers ou des accidents dus à une fausse manœuvre technique», a indiqué le médecin.

Les congés répétitifs ou de longue durée

Le médecin coordinateur de TT a mis le doigt sur d'autres problèmes, qui nuisent beaucoup à la santé de l'entreprise. «Les congés de courte durée ne posent pas problème. Au bout de 3 ou 4 jours d'absence, l'agent reprend son travail. Mais s'il y a des congés répétitifs et de longue durée, et qui nécessitent un contrôle au moment même de l'absence de l'agent et non pas après », a encore indiqué le Pr Amamou, estimant que ce contrôle est le seul moyen pour limiter les congés de crises ou de caprices.

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Le vrai grand problème aujourd'hui, se sont, on l'imagine, les maladies de longue durée. «Une commission doit contrôler systématiquement les malades. Surtout que les 4/5 des congés de longue durée sont des cas psychiatriques et, comme dans le reste du pays, leur nombre est en hausse vertigineuse», a constaté le médecin.

Selon lui, la communauté des employés de TT, qui compte 8.000 personnes, est un échantillon très représentatif de la population tunisienne en général. «Elle reflète souvent les mêmes pourcentages (de congés de maladie, d'absentéisme, etc.)», insiste-t-il.

Nombre de salariés hésitent à se présenter aux visites médicales périodiques. Les dossiers médicaux sont pourtant tenus secrets. «Nous stockons les données lors des visites périodiques qui restent confidentielles et interdites d'accès sauf à ceux qui sont en droit», rassure le médecin.

La médecine du travail à TT, comme dans les autres grandes entreprises, a de bonnes perspectives d'avenir. Un logiciel de gestion fonctionnel sera ainsi mis en place à partir de 2014. Le service de la médecine du travail deviendra une direction médico-sociale à partir de 2015 ou 2016. D'autres développements sont aussi en vue.

Des prescriptions recevables

L'intervention du médecin a suscité plusieurs réactions. Les régions, notamment Sidi Bouzid, Gafsa, Siliana et Mahdia, manquent souvent de médecin coordinateur, d'infirmiers et parfois pas même de convention radiologique. Il n'y a pas non plus de contrôle à domicile et l'environnement du travail ne respecte pas toujours les normes requises...
Ces carences restent donc à combler. Et le budget 2014 de l'entreprise devra tenir compte de cette exigence.

L'après-midi, l'intervention de Dr Imen Magroun a porté sur le programme de vaccination dans les entreprises et son impact sur le rendement et l'absentéisme des employés. Les vaccins contre la grippe, par exemple, réduisent le nombre des absences durant la saison hivernale, fait-elle remarquer.

L'intervention de M. Saïd sur les accidents de travail à Tunisie Telecom a été l'occasion d'évoquer certains dossiers spécifiques qui n'ont pas été clos. «Ils seront discutés et remis à la direction centrale pour étude», a promis M. Saïd.

Selon la loi, toute entreprise employant au moins 500 personnes est tenue de créer et d'équiper un service propre de médecine du travail. La société doit adhérer à un groupement de médecine du travail ou à un service autonome de médecine de travail.

Tunisie Telecom, qui emploie plus de 8.000 personnes, fournit, pour sa part, ce service à son personnel, tout en accordant un intérêt important à la prévention et à la sensibilisation des employés qui ne se présentent pas souvent pour les visites périodiques.

«Le temps de l'examen minimal est de 15 minutes par agent. On peut le réduire à 10, sauf dans les cas exceptionnels et compliqués», explique le Pr Amamaou. Il ajoute : «Nous consacrons beaucoup de temps à l'écoute. La visite médicale se fait une fois par an. Mais plus de la moitié du personnel ne s'y présente pas», déplore-t-il.

Aussi, lors des visites spontanées, les médecins profitent-ils pour bien examiner l'agent et remplir son dossier. Ils s'emploient aussi à transformer la visite spontanée en une occasion pour prévenir certaines maladies. «Vous êtes tous concernés par la visite préventive, en plus vous ne payez rien. Tout est à la charge de l'entreprise», lance le Pr Amamou aux employés présents.

Le praticien revient aussi sur la visite médicale d'embauche, qui doit se faire avant et non après le recrutement. «Sinon elle n'a aucun sens. Et aucun intérêt», dit-il. Il cite l'exemple d'un centre d'appels : «Il faut déjà savoir si l'audition du futur employé est bonne ou s'il souffre d'un déficit à ce niveau, sinon il y aura beaucoup de problèmes plus tard», explique encore le praticien, qui ne peut mieux illustrer l'importance de la médecine du travail.