Afifa Olfa est morte 13 jours après son accouchement. Son époux est persuadé qu'une erreur médicale est la cause de son décès. La clinique où elle a accouché prétend le contraire. Une enquête est en cours.
Par Yüsra N. M'hiri
Afifa Olfa est morte le 21 janvier à l'âge de 39 ans, laissant derrière elle Ritej, le bébé qu'elle a mis au monde avant de partir, et Ayoub, âgé de 4 ans. Son mari, Abdelaziz, est encore sous le choc. Il témoigne à Kapitalis, accusant la clinique où a accouché sa femme d'être responsable de sa mort.
Le 12 janvier, Afifa avait rendez-vous dans une clinique de la banlieue sud de Tunis, où elle devait accoucher sous césarienne. Elle allait être maman pour la deuxième fois, et n'était pas vraiment stressée, mais plutôt heureuse et pressée de pouvoir serrer sa progéniture dans ses bras. L'opération semble bien se dérouler et la petite Ritej arrive au monde.
Quelques jours plus tard, la femme rentre à la maison, un peu fatiguée, mais ne s'en inquiète pas. «Cela doit être du à la fatigue de la grossesse, ou peut-être un baby blues», explique Abdelaziz, les larmes aux yeux. Mais l'état de la dame ne s'améliore pas avec le temps, son visage pâlit et une douleur atroce la fait souffrir.
Le 20 janvier, son mari la conduit en urgence à la clinique où elle avait accouché. Son état de santé s'est beaucoup détérioré entre-temps.
Les médecins diront que la jeune maman a été victime d'une occlusion intestinale aiguë.
Cette pathologie est une urgence médicale, qui nécessite une prise en charge immédiate. Dans la majorité des cas, une intervention chirurgicale est nécessaire pour lever l'obstruction et éviter la nécrose d'une trop grande partie de l'intestin. En l'absence de traitement approprié, l'évolution peut entraîner le décès du patient. Le médecin d'Afifa, le chirurgien G. F., a donc décidé d'opérer en urgence sa patiente.
L'opération a duré plus de deux heures. Et pour cause: les excréments, déversés à l'intérieur du corps, ont atteint la plupart des organes. En sortant de l'opération, Afifa était encore fragile et son anesthésiste, docteur G., en a aussitôt informé la famille.
«Nous avons été honnêtes avec la famille en leur expliquant qu'Afifa pouvait succomber aux dégâts causés par l'occlusion. Nous avons fait notre maximum, mais elle était très fragile», explique-t-il à Kapitalis.
Le 21 janvier, Afifa perd la vie. Sa famille, sous le choc, accuse aussitôt les médecins ayant procédé à l'accouchement par césarienne d'être les responsables du décès.
Abdelaziz, l'inconsolable mari, explique que la clinique a réfuté la possibilité de l'erreur médicale. «Mais je suis certain que c'en est une. Ma femme avait le teint noirci et parfois jaunâtre, les yeux profond et le regard absent après son accouchement», dit-il. Et d'ajouter : «Elle avait une douleur insupportable. Ils auraient dû la garder à la clinique et non pas la laisser partir... Elle serait peut être encore en vie», s'indigne-t-il.
Abdelaziz trouve cependant une raison d'espérer. Il s'accroche à ce qu'il peut. Selon lui, le second médecin aurait confirmé qu'une erreur médicale avait eu lieu lors de la césarienne. «Docteur G. F. vient de confirmer mes doutes. Il témoignera en tant que médecins. Je lui fais confiance. Il est honnête. Et puis n'a-t-il pas juré sur le serment d'Hypocrate?», dit-il, comme pour se rassurer.
Kapitalis a joint la clinique en question pour vérifier les dires de l'époux accablé. Le docteur G. F., qui a opéré Afifa de l'occlusion intestinale, a refusé de nous répondre parce qu'une enquête est en cours. Lorsque nous lui avons demandé s'il avait confirmé à l'époux de la défunte la thèse de la faute médicale, il a répondu sèchement: «Je ne confirme rien du tout».
Il était alors difficile pour le médecin de la sauver»
L'anesthésiste, monsieur G., nous a reçu par «honnêteté professionnelle». D'après lui, il n'y a pas eu d'erreur médicale qui aurait engendré la mort d'Afifa. «Son cas était assez compliqué. Lorsque nous l'avions reçue, elle était déjà en danger. Son occlusion intestinale était avancée et compliquée. Il était alors difficile pour le médecin de la sauver», témoigne-t-il. Il a eu beaucoup de peine pour la défunte dame et pour sa famille, mais il reste persuadé que le décès ne peut être incombé aux médecins.
Depuis la mort d'Afifa Olfa, son fils de 4 est suivi par un psychologue. «Ayoub crie tout le temps. Il parle de sa mère à tout le monde et lui demande de revenir. Il fait des cauchemars la nuit. Je ne dors plus, car je n'arrive plus à gérer la disparition de mon épouse», explique Abdelaziz. «J'attends les résultats de l'autopsie en espérant que justice soit faite... En attendant, je suis un homme cassé à jamais», conclue-t-il.
Illustration: Abdelaziz et son fils Ayoub.