La famille Ben Helali de Sbeïtla (centre-ouest) vit un drame après le départ de leur fils et 6 de ses amis pour le jihad en Syrie. Elle accuse l'imam de la mosquée Al-Fath de la région de faire des prêches appelant à la violence et au sang.
Par Yüsra N. M'hiri
Abderraouf Ben Cheffi Ben Helali, 22 ans, a quitté sa maison familiale depuis 3 jours. Il a fait croire à ses parents qu'il allait rendre visite à un ami à l'hôpital de Sousse. Puis son téléphone portable était constamment éteint. Mercredi, l'un de ses «frères de jihad» a contacté sa maman pour lui dire: «Votre fils fait partie d'un groupe de 7 jeunes tunisiens partis pour le jihad en Syrie.»
D'après les premières informations, ces derniers seraient encore en Turquie, en attendant de pouvoir entrer en territoire syrien.
Tout a commencé à la mosquée
Contacté par Kapitalis, Cheffi Ben Helali, le père de Abderraouf, est désorienté et sous le choc de la douloureuse nouvelle, mais, au fond de sa détresse, il admet n'être pas surpris par le drame. «Mon fils passait le plus clair de son temps à la mosquée Al-Fath, où les prêches sont assurés par un pseudo imam, qui encourage les jeunes au jihad. Il leur présente cela comme un devoir sacré», dit-il.
L'imam en question, et que tout le quartier accuse d'être derrière l'envoi des jeunes en Syrie, se prénomme Mohamed Ali. Des habitants rapportent qu'il était en prison, avant la révolution, condamné pour avoir participé aux affrontements entre un groupe terroriste et les forces de l'ordre, en janvier 2007, à Soliman, dans la banlieue sud de Tunis, évènements qui se sont soldés par une quinzaine de mort et plusieurs arrestations.
Après la révolution tunisienne et la chute de Ben Ali, en janvier 2011, les membres de groupe terroriste, alors appelé Assad Ibn Al-Fourat, ont bénéficié de la grâce dans le cadre de l'amnistie générale, promulgué en mars 2011.
«L'imam Mohamed Ali de la mosquée Al-Fath de Sbeïtla a été arrêté 3 fois depuis la révolution, après que des habitants du quartier se soient plaint de ses prêches prônant le jihad. Mais il a été, à chaque fois, relâché sans aucune suite. La dernière arrestation en date remonte à 3 semaines», témoigne M. Ben Helali.
«Cet imam salafiste jihadiste encourage les jeunes à aller en Syrie. Il leur demande de s'entrainer et de participer au jihad dans ce pays. ''Ceux qui ne mourront pas en martyr pourront rentrer au pays pour y poursuivre le jihad au nom de l'islam'', leur dit-il», raconte encore le père en détresse.
«Mon fils est un ange sur terre», dit le père en détresse
M. Ben Helali s'indigne du silence des autorités sécuritaires de Sbeïtla, et notamment du laxisme du gouverneur de Kasserine qui ferme les yeux et les oreilles et laisse faire. Le père ne comprend pas, non plus, pourquoi la justice n'intervient pas face à ce drame qui frappe de nombreuses familles en raison du comportement irresponsable et dangereux d'un imam sans scrupules, qui manipule des jeunes désarmés.
«Mon fils est un ange sur terre, il ne pourra ni porter une arme ni tuer. Le lavage de cerveau qu'il a subi fait de lui une victime comme tant d'autres», dit encore M. Ben Helali. Qui conclue cependant sur une note d'espoir: «J'ose espérer que ce foutu cancer (le terrorisme, NDLR) puisse être combattu, que mon fils me revienne, que les jeunes Tunisiens ne soient plus manipulés. Pour cela, il faudra que la justice se saisisse sérieusement de ce genre d'affaire».