Agents et cadres de la protection civile ont manifesté, jeudi, devant le ministère de l'Intérieur, à Tunis, exigeant l'amélioration de leurs conditions.
Par Yüsra N. M'hiri
L'Union des syndicats de la protection civile (USPC) a organisé, aujourd'hui, une manifestation pour exiger une réponse positive de la tutelle à leurs revendications professionnelles, notamment l'amélioration des équipements et des conditions de travail en général.
Un directeur général promu par Ennahdha
Les manifestants incombent l'essentiel de leurs difficultés au directeur général actuel, Chokri Ben Jannet. «Nous demandons son départ. Il a été promu en raison de son allégeance au parti Ennahdha», confie à Kapitalis Souhail Arfaoui, membre du bureau exécutif du syndicat. Il ajoute: «Cet homme a fait des siennes au temps de Ben Ali et après les élections (du 23 octobre 2011, qui ont vu la victoire du parti islamiste, NDLR), il a effectué le pèlerinage à la Mecque et s'est mis ostensiblement au service d'Ennahdha, ce qui lui a valu une promotion rapide».
Les agents se demandent, également, où va le budget alloué à la protection civile, qui a été augmenté depuis la révolution, alors que les conditions de travail ont continué de se dégrader.
Les syndicats dénoncent, par ailleurs, le système de favoritisme pratiqué par la direction de leur institution et demandent l'intervention énergique du ministère de l'Intérieur pour y mettre fin.
Les agents de la protection civile déplorent, surtout, leurs conditions de travail difficiles et à la limite du supportable.
«Cela fait 3 ans que nous n'avons pas changé d'uniforme et les brodequins sont de très mauvaise qualité et inadaptés à notre travail», s'indignent-ils. Ils déplorent également un grave problème d'hygiène dans les locaux et même dans les véhicules de transport des malades.
Pis encore, dans les régions reculées, leurs collègues travaillent sans véhicules et porter secours devient une aventure parfois périlleuse aussi bien pour la victime que pour les agents. Alors que certains directeurs se sont vus offrir récemment des voitures de fonction toutes neuves!
Un système de corruption
Pour ne rien arranger: les agents travaillant la nuit opèrent dans l'insécurité totale: pas de local où s'abriter, souvent dans des endroits éloignés et sans aucune sécurité. «Nous sommes obligés de recourir au système D et de nous démener avec les moyens du bord très limités mis à notre disposition», souligne Souhail Arfaoui.
Mardi dernier, le toit de la direction régionale de la protection civile de Tunis s'est écroulé. Il n'a pas fait de blessé, mais les dégâts matériels causés ont été la goutte d'eau qui a fait débordé le vase et provoqué la manifestation d'aujourd'hui, d'autant que cela fait un long moment que les agents alertent, en vain, la hiérarchie sur leurs conditions.
Pendant que des dizaines d'agents et cadres manifestaient et menaçaient d'installer des tentes et d'observer un sit-in devant le siège du ministère de l'Intérieur, 4 cadres du syndicat ont pu rencontrer le ministre Lotfi Ben Jeddou.
Au terme de plus de 2 heures d'échanges et de négociations, le responsable semble avoir pris conscience des difficultés qu'endurent les employés de la protection civile et promis de se pencher sérieusement sur leurs problèmes.
Souhail Arfaoui s'est dit plutôt satisfait de la tournure prise par leur mouvement. «Le ministre a promis de nous aider à nettoyer le secteur de la corruption et de mettre à notre disposition tous les moyens pour y parvenir. Une réunion syndicale se tiendra tous les 15 jours pour recueillir les témoignages et épingler tous ceux qui sont impliqués dans le système de corruption», a-t-il indiqué à Kapitalis. Et de poursuivre: «Nous voilà rassurés. Nous annulons donc le sit-in, mais nous continuerons notre lutte pour que la situation s'améliore».
Les syndicats espèrent que les autorités finiront par donner de l'importance à la protection civile qui est l'un des piliers des forces de sécurité intérieure. Sachant que la priorité des actions à entreprendre dans le secteur devra cibler les régions défavorisées où il devient urgent d'assurer le minimum pour que les agents, qui portent secours et sauvent des vies, puissent travailler dans la dignité.