La cigarette électronique est-elle un remède miracle pour arrêter de fumer? Plutôt oui, plaident des médecins spécialistes se basant sur des études et des témoignages.
Par Zohra Abid
Pour un très grand nombre de fumeurs, se mettre à l'e-cigarette veut dire fumer autrement et il s'agit tout simplement d'un phénomène de mode, qui séduit de plus en plus jusqu'à attirer même ceux qui n'ont jamais fumé. Et là, on n'est pas encore sortis de l'auberge.
Pour d'autres, l'e-cigarette ne contient pas de tabac. Elle est déjà moins nocive que la cigarette traditionnelle, qui continue à tuer un fumeur sur deux selon l'OMS, et elle pourrait aider les fumeurs au sevrage s'ils suivent à la lettre les consignes de leurs médecins. Alors on y va ou pas? Certains ont déjà fait le pas. D'autres, sceptiques, continuent d'hésiter.
L'e-cigarette fait débat
Une rencontre-débat avec les médias a été organisée, jeudi dernier, par le Groupement des professionnels de la cigarette électronique (GPCE), sur le thème très engageant et engagé: «La cigarette électronique, meilleure alternative pour arrêter de fumer». Elle a été organisée suite à la polémique autour de l'e-cigarette déclenchée à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale antitabac (31 mai).
Cette première rencontre du genre en Tunisie vise, selon ses organisateurs, à présenter un éclairage avisé sur la question pour ne pas induire en erreur l'opinion publique et diaboliser ce nouveau tournant que constitue l'e-cigarette.
En Tunisie comme partout dans le monde, il y a eu, on le sait, la semaine dernière des appels pour interdire l'e-cigarette dans les espaces publics. Et d'interdire aussi, comme c'est déjà le cas pour la cigarette classique et d'autres dérivés de tabac, la publicité pour la cigarette électronique. Ce qui nuira, on l'imagine, à plusieurs parties, dont les importateurs. Mais qu'en pensent les professinonnels de la santé?
Les médecins, tabacologues, pneumologues..., qui ont pris part au débat, ont tous plaidé «en toute neutralité» (ont-ils tenu à préciser) pour la cigarette électronique, qui, malgré le flou entourant ses effets secondaires, pas encore suffisamment connus, reste beaucoup moins dangereuse que la cigarette classique.
Le marché parallèle fait un tabac
Créé en mai 2014 avec l'explosion des points de vente de l'e-cigarette, le GPSE compte 25 sociétés importatrices autorisées. Face à la vague «de désinformation autour le l'e-cigarette, nous avons décidé de mettre en lumière et en toute neutralité toutes les informations nécessaires sur l'e-cigarette», a lancé Mohamed Gorgi, représentant du GPSE, pour mettre la rencontre dans son cadre.
Selon lui, l'Etat doit intervenir pour réguler le marché, car la contrefaçon, qui commence à se développer pour ce nouveau produit, risque d'apporter son lot de nuisances. «L'e-cigarette non vendue par les revendeurs autorisés peut être nocive car on ignore de quoi elle est composée. Elle est fabriquée en Chine ou ailleurs et ne respecte pas les normes... Là, nous disons, il y a danger», a averti M. Gorgi.
Riadh Zayane, membre du bureau exécutif de la Conect, a déploré, pour sa part, la polémique, souvent non fondée, autour de la cigarette électronique, qui présente, selon lui, beaucoup moins de risques que la cigarette traditionnelle. M. Zayane s'est attaqué, lui aussi, au marché parallèle qui «fait un tabac dans les circuits parallèles avec tous les risques qu'il présente». En effet, face à la hausse de la demande, l'e-cigarette est vendue parfois à moins de 50 dinars. Or, rien que la taxe douanière pour une seule unité s'élève à 50DT, sans compter le prix de vente et le bénéfice du revendeur. Donc, une e-cigarette qui coûte moins de 100DT au moins est fortement déconseillée. Car suspecte...
L'avis des spécialistes
«Nous ne sommes pas ici pour inciter les gens à fumer l'e-cigarette. Ni non plus pour lui faire de la pub. Nous pensons néanmoins qu'elle est un moyen pouvant aider au sevrage. C'est un moindre mal. Nous savons tous que 600.000 personnes décèdent chaque année à cause du tabac– dont plus d'un quart d'enfants, à cause du tabagisme passif», a lancé Dr Elyes Hassan. Qui considère que la cigarette traditionnelle «avec ses 2.500 composantes, est un véritable cocktail explosif. Sa fumée dissémine 4.000 substances toxiques. 60 au moins de ces substances – dont le monoxyde de carbone et les particules fines – sont reconnues cancérigènes et jouent un rôle important dans la survenue d'une insuffisance respiratoire».
Pour Sonia Maâlej, pneumologue allergologue dans un hôpital public, l'e-cigarette reste un bon moyen pour le sevrage, «mais je conseille aux fumeurs de consulter un médecin avant de se mettre à l'e-électronique, car ils doivent être conseillés et pris en mains pour éviter de récidiver», s'empresse-t-elle d'ajouter.
Dr Maâlej a passé en revue quelques études réalisées sur la cigarette électronique. Ce que l'on sait, c'est que celle-ci ne contient pas de nicotine et ce n'est pas un moindre avantage. Et même si on ignore encore ses effets secondaires, elle constitue, pour les fumeurs, un pas vers le sevrage définitif. «Je la conseille pour ceux qui ont essayé plusieurs moyens de sevrage et n'ont pas réussi à décrocher. Je suis pour le remplacement de la cigarette classique par l'e-cigarette mais à condition que cela soit pour une période déterminée, de réduire sa dépendance au tabac. Mais attention, les vapoteurs qui utilisent les 2 à la fois n'arriveront pas à s'en sortir. Mais pour une période limitée, l'e-cigarette reste pour le moment la bonne solution pour le sevrage», a-t-elle conseillé.
Le grand problème de la e-cigarette, c'est sa vente sur le circuit parallèle. Et là, le danger peut être réel. Le produit n'est pas contrôlé, notamment le liquide, dont on ignore les composants et leurs éventuels méfaits. Les ministères du Commerce et de la Santé doivent contrôler l'importation et protéger les consommateurs de la contrefaçon.
Les médecins, pour leur part, insistent: «Plus de 60 cancérogènes sont identifiés dans la fumée du tabac. Ce n'est pas le cas de la cigarette électronique, qui ne dégage pas de produits de combustion, comme le monoxyde de carbone, ni de courant secondaire, cette fumée qui s'échappe de la cigarette quand le fumeur ne tire pas sur le mégot. Le nuage expiré disparaît en une dizaine de secondes», précise-t-on.
L'e-cigarette, une solution?
Les chiffres avancés lors de cette première conférence sur le sujet sont plutôt rassurants. Car la plupart des études «se recoupent pour démontrer que 31% des utilisateurs de l'e-cigarette déclarent être devenus abstinents à la cigarette 6 mois après la première utilisation, 66,8% déclarent avoir diminué leur consommation et 48,8 % ont arrêté complètement durant une période».
«Un peu plus la moitié des fumeurs qui ont testé la cigarette électronique ont réussi à diviser par deux ou plus leur consommation de tabac, alors que seulement 41% de ceux utilisant le patch sont parvenus à ce résultat», rappelle Dr Maâlej.
Le débat sur l'e-cigarette ne fait que commencer: les études ne sont pas encore définitives, des millions de fumeurs dépendants sont en danger (10 millions de fumeurs à travers le monde vont trépasser d'ici 2020, par un cancer ou un infarctus...), et derrière la cigarette classique ou électronique, il y a aussi, on l'a compris, des enjeux économiques. C'est le consommateur, qui est souvent la cible et parfois la victime, de faire la part des choses. Et de décider en connaissance de cause.
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