On commence à mieux connaître le phénomène djihadiste tunisien. Des enquêtes récentes aident à mieux cerner le profil des ces nouvelles stars du terrorisme islamiste.
Par Zohra Abid
Le quart des djihadistes étrangers en Syrie sont originaires de Tunisie, indique un rapport intitulé ''Foreign fighters in Syria'' (Guerriers étrangers en Syrie).
Ce rapport, réalisé par Richard Barrett et publié récemment par Soufran Group, un centre américain de recherche stratégique, renseignement et veille sécuritaire, a été réalisé à partir d'une compilation de données officielles et d'autres collectées par le renseignement (réseaux sociaux, services secrets, médias...).
Les statistiques sont, certes, à prendre avec les réserves d'usage, mais elles sont accablantes pour la «petite» Tunisie, le pays qui envoie le plus grand nombre de djihadistes en Syrie, un titre dont les Tunisiens se seraient bien passés.
Richard Barrett estime le nombre de djihadistes étrangers en Syrie à 12.000, en provenance de 81 pays.
Cependant, 3 pays fournissent, à eux seuls, 58 % de cet effectif: la Tunisie viendrait en tête avec 3.000 djihadistes. Elle devancerait l'Arabie Saoudite, pays deux fois plus peuplé, en 2e position, avec 2.500, puis le Maroc, trois fois plus peuplé que la Tunisie, avec «seulement» 1.500. Il y aurait aussi 800 Russes, notamment d'origine tchétchène, et 700 Français, originaires du Maghreb mais aussi quelques convertis.
Selon une autre étude effectuée par le chercheur tunisien Abdellatif Hanachi, 1.902 Tunisiens seraient partis en Syrie pour combattre le régime d'Al-Assad aux côtés de l'organisation Jibhat Ennosra, financée, directement ou indirectement, par le Qatar, l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe.
La plupart de ces combattants sont recrutés par l'organisation terroriste tunisienne Ansar Charia, entraînés dans des camps à Derna et Benghazi en Libye puis expédiés en Syrie, via la Turquie, grâce à des complicités des services de renseignements turcs. Beaucoup d'entre eux, qui se sont radicalisés sur place et atteint un haut degré de sauvagerie, ont intégré le groupe djihadiste de l'Etat islamique en Irak et en Syrie (Daâch). Et certains, qui se sont distingués par leurs faits d'armes, occupent même des postes élevés dans la hiérarchie terroriste.
Selon le chercheur tunisien, qui dit avoir recoupé des informations de diverses sources et auprès des familles, une cinquantaine parmi ces djihadistes tunisiens, dont la moyenne d'âge varie entre 20 et 30 ans, ont été tués alors que 43 sont prisonniers en Syrie.
Ils viennent de divers milieux sociaux, mais si la plupart sont de condition modeste, beaucoup d'entre eux sont diplômés de l'enseignement supérieur. Ils ont fait, pour la plupart, des études scientifiques et sont ingénieurs, médecins, enseignants...
Sur un autre plan, et contrairement à une idée reçu, ces fous du djihad ne viennent pas des régions intérieures du pays, longtemps délaissées par les programmes de développement, mais appartiennent, en majorité, aux régions côtières, nomment le Sahel (Sousse, Kalaa Kebira), le Grand Tunis, Bizerte et Médenine, ajoute encore Abdellatif Hanachi,
Selon Hatem Yahyaoui, président de l'Observatoire national de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, qui donnait aujourd'hui une conférence de presse sur le sujet à la Maison de l'avocat à Bab Benat à Tunis, plusieurs associations caritatives financent le terrorisme. «Nous allons rendre prochainement public les noms de 3 d'entre elles», a indiqué M. Yahyaoui.
Les autorités publiques, quant à elles, soupçonnent près de 150 associations de contribuer au financement du terrorisme, de manière directe ou indirecte. Des dossiers ont même déjà été déposés auprès des tribunaux et les enquêtes sont en cours.
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