En Tunisie, comme ailleurs, la guerre contre le cancer n'a pas été perdue, même si de toute évidence elle est encore loin d'être gagnée.
Par Samantha Ben-Rehouma
Organisée par l'Association des malades du cancer (AMC), le 8 novembre 2014, à la Cité des Sciences, à Tunis la 3e Journée «Cancer et qualité de vie» fut l'occasion pour les intervenants et participants de mieux cerner ce fléau qui gangrène notre société!
Avec plus de 14.000 nouveaux cas en Tunisie, cette maladie grave et mortelle par excellence (les premiers mots qui viennent à l'esprit appartiennent généralement au champ lexical de la mort) s'associe à un traitement lourd et délétère où affronter un malade du cancer revient à affronter sa propre peur d'avoir un jour un cancer, pour comble personne n'est à l'abri !
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A part sa mission d'aider, d'apporter confort matériel et financier, d'accompagner, de sensibiliser les malades du cancer et de les éclairer sur les traitements disponibles, l'AMC, créée en 2011, lutte surtout pour une égalité des chances pour tous face au cancer.
A gauche, Dr Leila Alouane, nutritionniste: "A chaque cancer, sa nourriture".
Raoudha Zarrouk, présidente de l'AMC, pourrait très bien se nommer Madame Anti-Cancer tant son attitude combative force le respect. Malheureusement, si cette combativité peut être favorable aux patients, il faut toutefois demeurer conscient de ses limites, et a fortiori de son revers qui se traduit par le découragement des patients et de leur sentiment d'échec devant la progression de la maladie pour ne pas dire la fin de vie.
«Le pire, a déploré Dr Moez Ben Ali, expert en cancérologie et recherche clinique, c'est que la Tunisie était le 1er pays à avoir un système de santé après l'indépendance, et ce, avant la France qui, maintenant, regorge de centres de lutte contre le cancer (CLCC) comme Gustave-Roussy, notre partenaire à l'AMC. Il faut agir ensemble: professionnels de la santé, ministères de la Santé, des Affaires sociales, de la Femme, société civile, etc.»
Saigne-toi et la CNAM t'aidera... Pas !
Je rajouterais la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), qui, quoique invitée, a, comme à l'accoutumée, brillé par son absence lors de cette journée et qui d'après les témoignages – plus poignants et plus émouvants les uns que les autres – est plus efficace à mettre des bâtons dans les roues des malades qu'à les aider!
A gauche: Dr Salwa Chaouch Aouij, universitaire et membre de Mareamico, "les usines doivent être taxées sous le chapeau pollueur-payeur. A droite: Ahmed Ounaïs.
Le Tunisien alloue 44% de ses dépenses globales aux médicaments non-remboursés. Quant à la CNAM, elle ne prend en charge que 2,8 millions de personnes sur une population sur 11 millions (chiffres 2011). Mais comment font les autres? Ben, s'ils ont les moyens, ils vont se soigner à l'étranger, comme en témoigne cette femme médecin dans la Santé publique, qui a vu sa vie basculer à l'annonce «votre mari a un carcinome basocellulaire au stade avancé (cancer de la peau)» et qui a dû aller soigner son mari en France par ses propres moyens parce qu'aucune prise en charge.
Autre exemple, un père complètement désespéré – venu avec son fils cancéreux et amputé d'une jambe à qui la CNAM a refusé de délivrer un carnet de soins – et qui se dit au bout du rouleau après 4 ans de souffrances.
Pire que ça, le témoignage de Mokhtar, atteint du cancer du pancréas, qui, à cause d'un médicament dont il ne peut bénéficier, compte les jours qui lui restent. Pourtant le ministère de la Santé dit qu'il peut recevoir ces injections et la CNAM dit non faute d'AMM. Dialogue de sourds dont les victimes sont les patients. Ces derniers, déjà stigmatisés par ce mal insidieux, au lieu d'économiser le peu d'énergie qui leur reste, s'épuisent dans des va-et-vient administratifs stériles! Une honte! La santé n'a pas de prix et la dignité encore moins!
Clôture avec Dalila Ghariani (Yoga du Rire): " Stop complaining and Smile: fake it, fake it until you make it".
Le plan Cancer en salle d'attente
Contre l'abandon et la négligence dont souffrent les personnes atteintes de cancer, l'AMC veut une justice pour tous face à la maladie. Pour ce faire, trois grands thèmes seront à développer pour que ce plan Cancer fonctionne :
- favoriser des diagnostics plus précoces (dépistage), réduire les délais de prise en charge et d'accès aux examens (IRM, scanner) et favoriser la diffusion des progrès thérapeutiques (formations en cancérologie, essais thérapeutiques, chimiothérapie orale, etc.);
- investir dans la prévention et la recherche (identification des personnes à risque, définition des maladies cancéreuses, processus tumoraux, échappement tumoral (métastases), lutte contre les inégalités de santé face au cancer);
- construire 5 grands centres d'investigations cliniques: Tunis, Sousse, Monastir, Sfax et Gabes (pour inclure Jerba). Enjeu: doubler le nombre d'essais cliniques. But: éviter les dépenses physiques et financières en étant soigné sur place.
Entre consommation de tabac (et d'alcool!), exposition aux UV, antennes-relais, pollution, linge, produits cosmétiques, conserves et aliments remplis de produits chimiques: pesticides, furane, benzène, bisphénol, etc., on a vraiment l'impression d'évoluer dans un environnement hautement cancérigène. Ce qui rappelle l'agent Smith (Hugo Weaving) dans ''Matrix'': «Les humains sont une maladie contagieuse, le cancer de cette planète, vous êtes la peste et nous, nous somme l'antidote!».
Bref, comme disait Desproges: «Plus cancéreux que moi, tumeur!»
Illustration: Dr Sihem Barsaoui, oncologie pédiatrique à Salah Azaiez, remercie l'AMC pour avoir envoyé 3 enfants atteints de neuro-blastome en France (prise en charge assurée par le Ministère de la Santé et des Affaires sociales et des Droits des femmes.
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