Selon le Père Sergio Perez, curé de paroisse à la Cathédrale de Tunis, «les chrétiens en Tunisie ne se sont pas sentis jusqu'ici menacés par les jihadistes».
Par Marwan Chahla
En Tunisie, les expressions publiques du christianisme restent illégales et le gouvernement voit d'un mauvais œil la conversion au christianisme. Cependant, «comparées à la situation de l'Eglise dans d'autres pays musulmans, les circonstances dans ce pays d'Afrique du nord sont tolérables», indique la ''Catholic News Agency'' (CNA) .
«L'Eglise catholique en Tunisie peut exercer sa fonction sans qu'elle ne rencontre le moindre problème politique, Dieu merci. Les autorités savent parfaitement que nous n'avons rien à cacher et que nos institutions caritatives sont ici pour rendre service au peuple tunisien», a déclaré Père Sergio Perez, dans une interview accordée au réseau international catholique «Aid to the Church in Need» (Assistance à l'église dans le besoin).
Liberté du culte et de la conscience
Le Père Sergio Perez, argentin, appartient à l'ordre religieux de l'Institut du Verbe Incarné (IVE), une congrégation catholique fondée en 1984 à San Rafael, en Argentine. Il officie en tant curé de paroisse de la Cathédrale de Tunis depuis quatre années, rapporte CNA.
«L'Eglise catholique est la seule communauté religieuse qui a pu conclure un accord avec l'Etat tunisien», selon le Père Perez. Cet accord, signé entre la Tunisie et le Saint-Siège, remonte aux années '60.
De l'aveu du curé de la Cathédrale de Tunis, «ceci nous offre le certitude de la couverture légale, même s'il y a des restrictions. D'après ce modus vivendi, les expressions publiques de la foi catholique, comme par exemple les processions, ne sont pas permises. D'une manière générale, cet accord interdit toutes les formes de prosélytisme».
Le Père Sergio Perez estime que la nouvelle constitution tunisienne, adoptée en janvier dernier, représente «un pas sérieux dans la bonne direction», expliquant «qu'elle représente non seulement une garantie pour la liberté du culte mais également pour la liberté de conscience. Et cette dernière comprend bien évidemment les conversions religieuses – de l'islam vers le christianisme, par exemple. Ce qui est inconcevable dans plusieurs autres pays musulmans», dit-il.
«Bien sûr, la théorie et la pratique sont deux choses différentes. Pour l'instant, il ne s'agit que de nouvelles décisions politiques. Attendons de voir comment les choses vont évoluer», temporise le missionnaire.
Messe à la cathédrale de Tunis.
La menace des djihadistes
Les changements qu'a connus la Tunisie, ces trois dernières années, avec la montée de l'islamisme et la recrudescence d'autres déclinaisons de l'extrémisme religieux peuvent interpeler le Père Perez sans que cela ne suscite en lui de l'inquiétude: «Les chrétiens en Tunisie ne se sont pas sentis menacés par les djihadistes, jusqu'ici. Ces extrémistes représentent plutôt un danger pour les Tunisiens qu'ils considèrent comme étant trop libéraux dans leur manière de pratiquer l'islam», dit-il.
La composition de la communauté chrétienne vivant en Tunisie, essentiellement constituée de ressortissants étrangers, a sensiblement changé, ces dernières années. Selon le Père Perez, «ceci tient au fait que quelques centaines de familles chrétiennes d'Afrique sub-saharienne ont quitté le pays, suivant en cela le transfert de la Banque africaine de développement (BAD). Ces personnes s'étaient installées en Tunisie, à partir de 2003, à la suite des troubles qu'avait connus à l'époque la Côte d'Ivoire... A présent, la BAD s'est installée de nouveau en Côte d'Ivoire, déplaçant ainsi avec elle tous ses employés chrétiens. Par conséquent, un nombre important de nos paroisses ont enregistré une baisse sensible du nombre de leurs fidèles».
Selon la CNA, la communauté chrétienne vivant en Tunisie comprenait, en 2012, un total de 25.000 membres – avec une confession catholique qui représente 80%.
A toutes personnes, expatriées ou non, la Loi fondamentale de Tunisie offre la liberté d'exercer leurs croyances religieuses – de la manière que nous souhaitons que nos concitoyens émigrés (près de 900.000 ou un million) puissent, dans le respect des lois des pays d'accueil, eux aussi pratiquer librement la religion musulmane.
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