otages hannibal
Y avait de la joie hier soir au Terminal II de l’aéroport Tunis Carthage. C’était le retour de l’équipage du navire Hannibal II capturé en novembre dernier par des pirates somaliens. Reportage...


L’aéroport est plein à craquer. Des parents, des frères et sœurs, des amis, des amis des amis et même des voisins se sont dépêchés au Terminal II de l’aéroport Tunis Carthage. Des youyous, des bouquets de fleurs et des sourires pour accueillir les 22 hommes, arrivés très tard dans la nuit du mardi à mercredi. Vive la liberté!

Ils reviennent de loin
«C’est la fin d’un épisode triste et qui aurait pu se prolonger ou même se terminer en catastrophe. Dieu merci. Ce n’était pas facile pour nous. A un moment, nous avons craint le pire», raconte un trentenaire venu de Bizerte attendre son ami, Mohamed Oueslati, pompiste dans le Hannibal II. «Au début, personne ne nous a écoutés. On se moquait royalement de nous. C’était à l’époque de Ben Ali. Nous avons presque désespéré. Surtout que la somme demandée par les pirates était, au début, exorbitante. Quant à cette rançon, les responsables de l’entreprise étaient hésitants… Ils nous ont semblé insensibles», a-t-il ajouté. Son voisin est de la même ville. Il a 23 ans. Lui attend son père impatiemment.



«Ça fait long, des jours et des nuits interminables. Nous revenons vraiment de loin», raconte le jeune homme, les yeux larmoyants. Son père lui a trop manqué.
Un papy tient la main d’une fillette d’à peine trois ans. Il sillonne l’aéroport depuis la fin d’après-midi. Il dit qu’il est épuisé et la petite est malade. «On n’en peut plus. Au début, on nous a annoncé que l’avion allait atterrir à 16 heures, puis à 19 heures… Mais là, je vois autre chose sur le panneau d’affichage», raconte  le vieil homme. Il est arrivé du Kef. Il attend son fils Lotfi Mejri, soudeur dans le navire. Il dit que sans la pression, le navire ne serait jamais libéré. Il dit aussi qu’il en veut au Pdg qui n’a pas négocié plus tôt et a pris les choses à la légère.
Sur le tableau d’affichage, un seul vol en provenance de Djibouti. Prévu pour 19 heures mais estimé à 1heure 50. C’est-à-dire avec près de 7 heures de retard. L’avion qui va ramener les 32 otages dont 22 Tunisiens est un avion civil Tunisair (TU 8964). Il a décollé de Djibouti depuis près de six heures, selon un responsable de l’aéroport.
A la cafétéria, des jeunes qui font la fête. Ils parlent à haute voix. Ils s’amusent. Et pour pouvoir tenir et veiller jusqu’au lendemain, ils sirotent des sodas et des cafés. Surtout des cafés serrés.

Dites le avec des fleurs
«Lorsque nous avions appris que les otages ont été libérés le 17 mars, c’était la fête à Kélibia. Le téléphone arabe a vite fonctionné et tout le village n’en croyait pas leurs oreilles. Aymen Zouari, nous l’avons vu grandir… Il nous est cher», dit une parente à Aymen. A ses côtés, une fillette de dix ans. Elle tient un bouquet de roses. Elle baille et s’étire, les yeux mi-clos.
Comme cette fillette, ils sont plusieurs avec des fleurs et des roses. «Nous venons de nous marier. Puis, il est parti au travail en octobre dernier. Je n’ai pas vu mon mari depuis octobre. Ça fait long… Très long! Il nous appelait une fois par mois et pas plus de 7 minutes puis ça coupe. C’est affreux», raconte une jeune mariée de Korba. Elle est l’épouse de Mohamed Ali Bounawara. Depuis l’après midi, elle tient son bouquet de roses et attend son prince charmant.



Le hall de l’aéroport ne cesse de se remplir au fil des minutes. Des minutes qui s’étirent… Des hommes et des femmes qui ont su à l’avance qu’il va y avoir du retard, ils viennent de garer leu voiture. «Il y a du retard en raison des bombardements en Libye. L’avion doit contourner la Libye, survoler l’Egypte et la Grèce», relèvent-ils. Ils sont venus de Medjez El Bab, de Mateur, de Mahdia, de Monastir. Ils fument leurs clopes dans le parking.

Le gouvernement vient de marquer des points
Il est déjà 23h30. Une jeune fille tout sourire chante et danse, très excitée. D’une main, elle tient une corbeille de fleurs et, de l’autre, le portrait de son frère chéri Béchir Belâajia. Toute contente, elle a accepté que Kapitalis la prenne en photo. Derrière elle, tout un cortège. Femmes, hommes et enfants sont venus à l’instant de Mateur. Ils se précipitent et se joignent aux autres familles pour chanter et applaudir. «Nous avons de la chance avec le ministre du Transport qui a accéléré les négociations. Ce gouvernement vient de marquer des points en libérant nos enfants», raconte la belle-mère de la jeune mariée de Korba. «Ils vont tomber des nues quand ils vont mettre les pieds sur terre. Lorsqu’ils vont voir que dans l’aéroport, les portraits de Ben Ali ont disparu et que sa couleur fétiche n’existe plus», ajoute-t-elle.
Un peu plus loin, un ami du Pdg Férid Abbès (qui accompagne son équipage de retour au pays). Il dit que tout le monde doit la réussite des négociations à l’amiral Chedli Chérif. «Nous pouvons aujourd’hui respirer», dit-il. Tout est bien qui finit bien.

Zohra Abid