Âgée de 23 ans, Pamela Djambou poursuit des études de finance internationale (4e année, maîtrise) dans une école supérieure de Tunis et travaille dans le milieu de la mode en Tunisie. Dans une interview à ‘‘Bonaberi’’, elle parle des difficultés que rencontre un mannequin black dans notre pays, mais aussi des opportunités qu’il lui offre. Un témoignage édifiant…
«Je me suis retrouvée dans ce pays musulman il y a 4 ans dans le but essentiellement d’y effectuer mes études supérieures », raconte Pamela. Qui avoue que son intégration à Tunis «n’a pas été facile du tout». Pire même, elle a «mis deux années entières pour m’intégrer.» Comment y est-elle donc parvenue ?
Miss Estudiantine Africa 2008
De nature bosseuse et fonceuse, comme elle dit, Pamela était en quête d’une activité parallèle à ses études. La chance lui sourit en février 2008. Alors qu’elle faisait les soldes avec une copine, un homme l’accoste, lui explique qu’il est agent de mannequinat et estime qu’elle a le profil type qu’il recherche. Pamela accepte de donner son contact, «mais juste comme ça, sans vraiment y penser».
A la fin du même mois, à l’instigation de quelques amis, elle se présente à l’élection de Miss Estudiantine Africa 2008. Malgré sa timidité et son manque d’assurance, elle décroche le titre.
«Quelque temps après, je suis contactée par ce monsieur pour un casting du Salon euro-méditerranéen de l’habillement, organisé chaque année, mais je suis recalée, sans aucune explication», raconte Pamela. Qu’à cela ne tienne ! En juin de la même année, elle se présente au défilé annuel de l’école Esmod (spécialisée dans le stylisme & modélisme). Pamela passe 5 jours intenses de répétitions avec le chorégraphe et styliste Salah Barka. «N’étant pas rémunérés, nous étions tous de jeunes filles et garçons sans expérience qui apprenaient à marcher sur un podium comme des mannequins. Mon look afro a dû beaucoup m’aider à me démarquer des autres et faire la différence, car, après tout ceci, Salah Barka me rappelle pour un petit défilé dans une ville touristique mais cette fois-ci rémunéré !», raconte Pamela. Elle était la seule noire sélectionnée. A partir de là, tout s’est enchaîné, podiums et shootings.
En deux ans, le mannequin camerounais a su acquérir une certaine notoriété dans le milieu de la mode en Tunisie, avec, à son actif, une quinzaine de défilés pour des stylistes nationaux et internationaux, dans des festivals de la mode, ainsi qu’une dizaine de shootings en tant qu’égérie de Salah Barka, les marques Thirty-One et Dolly, mais aussi des catalogues pour des salons de beauté représentant pour la première fois à l’affiche une femme noire.
Comment une jeune camerounaise arrive-t-elle à s’intégrer dans un pays arabe grâce à sa beauté ? Réponse de Pamela: «Etant quelqu’un de très actif, le mannequinat est plus considéré comme une passion, un passe-temps, un moyen de me faire de l’argent de poche dans un pays où les étudiants étrangers n’ont pas d’opportunité d’emploi. J’ai de la chance alors, je ne peux que rendre grâce à Dieu car le plus difficile dans ce milieu était d’être noire et, de surcroît, étrangère. Il fallait vraiment sortir du lot pour être indispensable sur tous les podiums. De plus, j’étais la première noire non tunisienne à travailler dans le monde de la mode dans ce pays. Ce qui a ouvert peu à peu la porte à d’autres, car ça reste très sélectif. Sur les podiums, on ne demande qu’une noire pas plus. C’est vrai qu’il peut y avoir des exceptions mais c’est vraiment rare. Alors, on montre notre réel désir d’intégration, et pour s’en sortir, on essaie de comprendre l’arabe... ça aide beaucoup.»
‘‘Black is beautiful’’
Côté finance, comment fonctionne le milieu du mannequinat en Tunisie ? «Tous les mannequins travaillent en freelance avec des agents et des agences», répond Pamela. Elle explique : «N’ayant aucun contrat avec ces derniers, nos choix se font en fonction des différents événements, et ce indépendamment de l’agence. Du coup, vu la multiplicité des événements qu’il peut y avoir en un mois, ce n’est peut être pas cher payé individuellement mais, à la fin, ça fait beaucoup et on ne s’en plaint pas vraiment.»
Il faut dire qu’avec le développement de l’industrie de l’habillement, le monde de la mode commence à bouger en Tunisie. A l’approche du printemps, les défilés se succèdent, organisés par des salons d’habillement ou de lingerie, des stylistes locaux présentant leur dernière collection, des sociétés d’évènementiels ou encore des associations comme le Lion’s Club. Mais l’événement plus important de l’année reste la Fashion Week de Tunis, qui est à sa 2e édition. Cette année, Salah Barka, le mentor de Pamela, a réuni une panoplie femmes noires mannequins pour une création ethnique riche en couleur. «C’était épatant, surprenant, et riche en émotions ! Son show [a eu des échos] dans les médias français et anglais et ce fut un privilège pour moi d’y avoir participé», souligne le mannequin. Qui ajoute : «Je suis fière de pouvoir si bien représenter mon pays le Cameroun en Tunisie et de pouvoir mettre en avant la beauté de la femme africaine, de faire comprendre à nos sœurs que ‘‘Black is the best and Black is beautiful’’». Même en Tunisie… Surtout en Tunisie…
Y. M.