Entretien avec Leila Joudane, représentante assistante du Fonds des Nations-Unies pour la population (l’Unfpa) à Tunis sur l’activité de l’organisation avant et après le 14 janvier. Propos recueillis par Emmanuelle Houerbi
Kapitalis: L’Unfpa vient d’organiser une journée portes-ouvertes «Jeunes et citoyenneté», le 22 juin à la Cité des sciences. Mais votre agence est peu connue du grand public : de quoi s’agit-il?
Leila Joudane: Notre agence dépend de L’Organisation internationale des Nations Unies et œuvre en faveur du droit à la santé et de l’égalité des chances de chacun, femme, homme et enfant.
A la base de notre travail, il y a la conviction qu’aucun progrès n’est possible sans mettre l’humain au centre des préoccupations des gouvernants. Depuis sa création en 1969, l’Unfpa se bat pour améliorer la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes, pour la parité hommes-femmes, contre la violence de Genre et pour le développement économique dans le monde.
En Tunisie, où elle s’est installée en 1974, l’Unfpa a été particulièrement active dans le domaine du planning familial et de la santé de la reproduction. La coopération entre l’Unfpa et la Tunisie termine cette année son 8ème cycle (2007-2011).
Suite à la révolution tunisienne qui a totalement changé la donne, nous planifions désormais nos futures actions et le 9ème cycle de coopération.
L’Unfpa a soutenu l’organisation du dernier Forum «Jeunes et citoyens» à la Cité des sciences: pourquoi ce choix?
L’événement a été initié par deux associations citoyennes très actives, Touensa et Util, et par Y-Peer, un réseau d’associations dédié à la santé des jeunes, réseau que nous avons lancé et que nous soutenons. Ainsi, lorsque nous a été soumis ce projet de forum, nous n’avons pas hésité.
Aujourd’hui comme hier, les jeunes et les femmes, sont encore trop absents de la vie politique et associative, ou ne sont pas considérés comme des partenaires à part entière. Malgré un élan général vers plus d’engagement individuel, beaucoup ne savent pas vers qui se tourner, n’osent pas ou n’ont pas les clés pour se lancer.
De leur côté, les associations et Ong, anciennes ou nouvellement créées, ont un besoin pressant de trouver des partenaires, des membres actifs, voire même de réponses aux questions qu’elles se posent.
Cette journée a été l’occasion rêvée pour se rencontrer et pour débattre de l’engagement civique des jeunes et des femmes, du rôle des médias et de l’engagement associatif. De mémoire d’Unfpa en Tunisie, on n’avait jamais vu ça!
Justement, vous qui avez connu l’avant et l’après 14 janvier à l’Unfpa Tunisie, qu’est-ce-qui a changé?
Beaucoup de choses évidemment. Prenons le cas de la violence envers les femmes. Début 2007, ce fléau n’était plus un tabou comme c’était largement le cas jusque là. Nous avons participé à une commission qui a élaboré une stratégie nationale en trois volets: la santé, la justice, la police et la société civile. Mais à ce jour, seul l’aspect sanitaire a pu être amélioré. Pour le reste, nous nous sommes heurtés à d’immenses problèmes. Seuls les ministères de la Femme et de la Santé ont collaboré à cette action, les autres ont trainé la patte ou nous ont mis des bâtons dans les roues.
Par ailleurs, nous ne pouvions jamais travailler directement avec la société civile, comme l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) par exemple, qui a fait pendant toutes ces années un travail considérable, notamment en matière d’accueil des femmes battues.
L’Etat était omniprésent et instrumentalisait les Ong sans vraiment rechercher de résultats concrets. Dorénavant, nous sommes en lien direct avec la société civile, et les ministères s’ouvrent à un réel dialogue, même si la priorité reste l’emploi et que le gouvernement provisoire ne peut pas s’engager sur des plans à long terme.
Enfin, jusqu’au 14 janvier, les notions de justice et d’équité ne pouvaient être abordés de front, et il fallait ruser et utiliser la santé comme porte d’entrée vers les droits humains.
Désormais tout a changé, ce qui nous laisse espérer de larges progrès à l’avenir, notamment pour les populations les plus marginalisées. Non seulement en termes d’accès universel à des soins de santé de qualité, mais aussi en termes de droits de l’homme, de justice et de liberté.
Leila Joudane (Unpfa): «La société civile revit en Tunisie»
Entretien avec Leila Joudane, représentante assistante du Fonds des Nations-Unies pour la population (l’Unfpa) à Tunis sur l’activité de l’organisation avant et après le 14 janvier. Propos recueillis par Emmanuelle Houerbi
Kapitalis. L’Unfpa vient d’organiser une journée portes-ouvertes «Jeunes et citoyenneté», le 22 juin à la Cité des sciences. Mais votre agence est peu connue du grand public : de quoi s’agit-il?
Leila Joudane: Notre agence dépend de L’Organisation internationale des Nations Unies et œuvre en faveur du droit à la santé et de l’égalité des chances de chacun, femme, homme et enfant.
A la base de notre travail, il y a la conviction qu’aucun progrès n’est possible sans mettre l’humain au centre des préoccupations des gouvernants. Depuis sa création en 1969, l’Unfpa se bat pour améliorer la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes, pour la parité hommes-femmes, contre la violence de Genre et pour le développement économique dans le monde.
En Tunisie, où elle s’est installée en 1974, l’Unfpa a été particulièrement active dans le domaine du planning familial et de la santé de la reproduction. La coopération entre l’Unfpa et la Tunisie termine cette année son 8ème cycle (2007-2011).
Suite à la révolution tunisienne qui a totalement changé la donne, nous planifions désormais nos futures actions et le 9ème cycle de coopération.
L’Unfpa a soutenu l’organisation du dernier Forum «Jeunes et citoyens» à la Cité des sciences: pourquoi ce choix?
L’événement a été initié par deux associations citoyennes très actives, Touensa et Util, et par Y-Peer, un réseau d’associations dédié à la santé des jeunes, réseau que nous avons lancé et que nous soutenons. Ainsi, lorsque nous a été soumis ce projet de forum, nous n’avons pas hésité.
Aujourd’hui comme hier, les jeunes et les femmes, sont encore trop absents de la vie politique et associative, ou ne sont pas considérés comme des partenaires à part entière. Malgré un élan général vers plus d’engagement individuel, beaucoup ne savent pas vers qui se tourner, n’osent pas ou n’ont pas les clés pour se lancer.
De leur côté, les associations et Ong, anciennes ou nouvellement créées, ont un besoin pressant de trouver des partenaires, des membres actifs, voire même de réponses aux questions qu’elles se posent.
Cette journée a été l’occasion rêvée pour se rencontrer et pour débattre de l’engagement civique des jeunes et des femmes, du rôle des médias et de l’engagement associatif. De mémoire d’Unfpa en Tunisie, on n’avait jamais vu ça!
Justement, vous qui avez connu l’avant et l’après 14 janvier à l’Unfpa Tunisie, qu’est-ce-qui a changé?
Beaucoup de choses évidemment. Prenons le cas de la violence envers les femmes. Début 2007, ce fléau n’était plus un tabou comme c’était largement le cas jusque là. Nous avons participé à une commission qui a élaboré une stratégie nationale en trois volets: la santé, la justice, la police et la société civile. Mais à ce jour, seul l’aspect sanitaire a pu être amélioré. Pour le reste, nous nous sommes heurtés à d’immenses problèmes. Seuls les ministères de la Femme et de la Santé ont collaboré à cette action, les autres ont trainé la patte ou nous ont mis des bâtons dans les roues.
Par ailleurs, nous ne pouvions jamais travailler directement avec la société civile, comme l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) par exemple, qui a fait pendant toutes ces années un travail considérable, notamment en matière d’accueil des femmes battues.
L’Etat était omniprésent et instrumentalisait les Ong sans vraiment rechercher de résultats concrets. Dorénavant, nous sommes en lien direct avec la société civile, et les ministères s’ouvrent à un réel dialogue, même si la priorité reste l’emploi et que le gouvernement provisoire ne peut pas s’engager sur des plans à long terme.
Enfin, jusqu’au 14 janvier, les notions de justice et d’équité ne pouvaient être abordés de front, et il fallait ruser et utiliser la santé comme porte d’entrée vers les droits humains.
Désormais tout a changé, ce qui nous laisse espérer de larges progrès à l’avenir, notamment pour les populations les plus marginalisées. Non seulement en termes d’accès universel à des soins de santé de qualité, mais aussi en termes de droits de l’homme, de justice et de liberté.