Autant de monde à l’aéroport de Tunis Carthage, du rarement vu! Les retards de vols en cascade ont chamboulé tous les programmes du lundi. L’histoire de grève n’est qu’une rumeur. Escale entre 14 et 16 heures. Reportage Zohra Abid
A l’entrée du parking, pas une place pour garer une voiture ou même un deux-roues. N’ayant pas d’autre solution, les gens ont dû mettre leur bagnole à l’extérieur, sur les trottoirs ou sur les bas-côtés gazonnés. Et tant pis pour la fluidité de la circulation. A l’intérieur, c’est noir de monde. Ça fourmille de toute part. Difficile de se frayer un petit bout de chemin entre les passagers. Pas le choix, tout le monde bouscule tout le monde et serpente entre des chariots de bagage pleins à craquer. Des passagers n’arrivent pas à cacher leur colère. Ils lancent leur venin sur n’importe qui sur leur chemin. D’autres, plus sages, attendent, tout simplement attendent. Regards perchés sur le tableau d’affichage, ils prennent leur mal en patience en attendant que la compagnie nationale Tunisair leur trouve une solution au plus vite. Ce qui n’est pas pour le moment évident !
Alors ça décolle ou pas?
A l’affiche: Milan retardé, Paris Orly retardé, Marseille retardé, Toulouse retardé, Casa, le Caire, Koweit… idem. Ça clignote au rouge... A la salle d’embarquement, il n’y a pas la queue. Personne ne se presse. Un retard d’une heure, de deux heures, de 6 heures, de 8 heures ; tous les vols sont depuis la veille en retard.
«Le vol de Cologne de dimanche à 22 heures n’a pas décollé. Nous avons dû prendre à notre charge les passagers. Ils ont été logés dans des hôtels, nous avons donné à chacun 100 euros et nous leur avons demandé des excuses», a dit à Kapitalis, Noureddine Dâaji, chef d’escale à Tunisair. Et d’ajouter que tout le monde est mobilisé et que les fonctionnaires de la compagnie ne cessent de faire un tour pour répondre aux besoins des bébés et des malades, en couches, en lait et en soins... Tous les passagers, selon le chef d’escale, boivent et se restaurent aux frais de la compagnie.
On se renseigne, incrédules, presque désespérés
Quelle est la vraie raison de tous ces retards ? Réponse de M. Dâaji: «Des surbooking, ça arrive aux plus grandes compagnies aériennes du monde. Le problème sera résolu dans les heures qui viennent. Nous avons eu un cumul de vols avec des retards en provenance de la Mecque et de Médine» (le retour en masse des pèlerins, Ndlr). Et d’expliquer qu’un avion qui atterrit a besoin du temps avant de reprendre son envol. «Cette plage horaire vide a créé cette perturbation. Mais d’ici quelques heures, tout va se rétablir», a-t-il rassuré.
Le malaise des passagers
Ahmed Khalifi, un Tunisien résident en Allemagne depuis 20 ans. Il est content de rentrer à Tunis après la révolution. Il a de la famille qui attend depuis la veille le vol de Cologne. «Les membres de ma famille n’ont pas reçu les 100 euros. Ce même chef d’escale qui vous a raconté cette histoire vient de me dire que mes proches n’ont pas le droit à cette somme de compensation. Bizarre, cette histoire!», a-t-il dénoncé. Une chose qui reste à confirmer. Mais, que M. Khalifi se tranquillise, les choses bizarroïdes en Tunisie ne vont pas disparaître du jour au lendemain de la révolution... Il faut du temps, le temps qu’il faut.
Foire d'empoigne
«Le départ était prévu à 15h30. Il est 16h20, on attend encore. Personne ne nous a prévenus. Déjà, faute de place, j’ai dû reporter mon voyage prévu le 3 septembre pour aujourd’hui. Ce qui m’agace dans cette histoire, c’est que la rentrée scolaire a déjà démarré aujourd’hui à Paris... Bon, on verra», raconte Aïda. Plus agacé que madame, son mari. Il ne cesse de téléphoner à son patron en France. «J’ai dû le prévenir car je ne sais pas si demain je vais pointer ou non au bureau», complète-t-il.
Au milieu des bagages, des bébés, des poussettes et des landaus. Ça crie un peu partout... On berce, on donne à boire et on fait taire (si on arrive déjà à le faire) les petits choux par la grogne. Et par des friandises. Les moins petits, c’est leur fête. Ils courent dans tous les sens et sillonnent l’aéroport en trébuchant entre les obstacles... Rien ne semble les empêcher de courir et de jouer au cache-cache...
Les plus chanceux ont trouvé un siège dans les cafétérias. Les uns tuent leur temps et lisent un journal. D’autres en petit cercle, causent entre eux. Pour se reposer, les moins chanceux se sont serrés sur les bancs d’à côté. Ils scrutent les gens qui passent et repassent pour une énième fois.
Demain, tout ira bien
D’autres, muets, se sont contentés d’un carré au pied d’une colonne. Ils se sont adossés à leur montagne de bagages et attendent la délivrance.
Au bureau de la douane, trois femmes parées de haut en bas de leur tenue noire. Elles attendent les hommes. «Ils sont allés enregistrer le bagage. Apparemment, notre vol ne va pas tarder», nous dit l’une d’elles.
Un mot d'ordre patience, patience
Contactée par téléphone, Soulafa Mokaddem, directrice centrale des relations extérieures et de la communication, se veut rassurante. «Le vol vers le Koweit vient d’être retardé. Comme les autres vols vers Casa, Londres, Rome ou Abidjan. Tout cela est dû aux retards en provenance de Djeddah et Médine. Puis, ces avions, il faut les nettoyer, contrôler tout ce qui est technique avant de décoller vers d’autres destinations», a-t-elle expliqué. Et de poursuivre que c’est vraiment la totale : le retour de la Omra, le retour des vacances, le retour de l’Aïd... «Mais d’ici demain, tout rentrera dans l’ordre. Nous sommes tous mobilisés et tout va revenir à la normale. C’est une question de quelques heures», a-t-elle confirmé. Et de dénoncer la rumeur qui circule dans quelques médias. «Il n’y a pas de grève. Aucunement», insiste-t-elle. En effet, il n’y a pas de grève à l’aéroport de Tunis Carthage. Au contraire, tout le monde s’affaire. L’essentiel est de sauver la situation (et la face) de Tunisair. Qui, en ces temps de critiques tous azimuts, a une réputation à préserver…