Le phénomène de violence dans les stades ne cesse de s’aggraver. L’arrivée de nouvelles autorités aux ministères de l’Intérieur et du Sport et Jeunesse va-t-elle aider à sécuriser et à discipliner les sites de compétition ?
Par Marouen El Mehdi
La question qui se pose depuis une année ne trouve toujours pas de réponse. Qui se tient derrière cet acharnement à raviver la violence ? Est-ce que cette violence a réellement une raison d’être ? Les supporters, qui avaient l’habitude de bien se comporter sur les gradins, se laissent à présent facilement glisser vers de nouvelles mauvaises habitudes.
Il est évident que la recrudescence de la violence n’est point arbitraire ou le fruit d’une coïncidence. Selon les scénarios ou les images que l’on suit dans les stades, il ne s’agit plus de supporters mécontents du résultat, de l’arbitrage ou de l’intervention de la police. Tout se passe bien avant de voir se déclencher une hystérie parmi les supporters, sans cause apparente.
Empoignades au stade de Bizerte en 2010
La semaine passée, à Sousse, on a vu de curieuses scènes de violence. Les supporters étoilés n’avaient pas cessé de provoquer la galerie adverse qui a fini par réagir de manière désordonnée puis carrément violente. Résultat : des affrontements avec la police et des dizaines de blessés évacués vers les hôpitaux. Cette scène est devenue tellement courante au point de ne plus surprendre.
Un mystère à élucider
Que faut-il faire pour éradiquer le mal et mettre fin à ces accès de violence aussi intempestifs qu’inexplicables ? Il n’est point aisé d’y répondre puisque les comités des supporters, les comités directeurs et une grande frange du public sont incapables d’en déceler l’origine.
Quand les incidents éclatent sans raison apparente
Ce qui s’est passé au stade d’El Menzah, il y a quelques mois, en l’espace de deux jours, laisse perplexe. Samedi, ce sont des supporters espérantistes qui se sont affrontés alors que leur équipe a gagné sans bavures et sans qu’il y ait eu de problèmes d’organisation ou des erreurs arbitrales. Le lendemain, sur les mêmes lieux, le même scénario s’est reproduit avec le public clubiste et on a assisté à des scènes regrettables sur les gradins et même hors du stade.
Ces deux incidents, survenus à un jour d’intervalle, avec des scénarios presque identiques, ne peuvent que confirmer la thèse d’une opération bien préparée. D’ailleurs, certains policiers ont déclaré avoir vu beaucoup de jeunes être là le samedi et le dimanche et nous savons tous qu’un supporter espérantiste ne se déplace pas pour voir le Club Africain jouer et vice versa. Au sein des deux clubs, des enquêtes ont été menées, mais les comités des supporters ne sont pas arrivés à élucider ce mystère.
Violences à Radès entre supporters du Wydad de Casablanca et l’Espérance de Tunis
Ce qui était clair, c’est que ces manifestations de violence se déclenchaient à chaque fois que le pays commençait à connaître des moments de répit et de calme.
A Bizerte, il y a eu de graves incidents causés par des dizaines de personnes qui ont commencé par provoquer la galerie avant d’évacuer le terrain et de s’attaquer à tous ses occupants. A chaque incident, on arrive à arrêter beaucoup de fauteurs de trouble, mais on n’a jamais su de qui il s’agissait et s’ils avaient avoué avoir agi sous les ordres d’une partie déterminée.
Ce qui étonne aussi, c’est que les rapports de police relatifs à ces troubles ne sont jamais très clairs et laissent la porte ouverte à toutes les supputations.
Incompétence ? Manque de moyens ? Enquêtes bâclées ? Manque de volonté d’aller jusqu’au bout des enquêtes en démasquant, derrière les fauteurs de troubles, leurs commanditaires tapis à l’ombre ? Le nouveau ministre de l’Intérieur serait bien inspiré de ne pas négliger ce dossier, tout aussi important que celui des sit-in et des agitations sociales qui paralysent certaines entreprises.
Des commanditaires à démasquer
Aujourd’hui, on continue à reporter les matches de peur de voir ces mêmes incidents réapparaître. On cherche encore les solutions de facilité qui ne mènent à rien.
L’arrivée de nouveaux ministres à la tête des ministères de l’Intérieur et de la Jeunesse et du Sport va-t-elle aider à identifier et à éradiquer les sources de ce mal ?
Il est évident que les forces de l’ordre vont avoir plus d’appui et de soutien de la part de toutes les parties concernées par le sport et les compétitions sportives, mais il va falloir appliquer une politique aussi bien sensibilisante que persuasive.
De même, les citoyens sont en droit de tout connaître à propos de ceux qui organisent ces actions violentes. Il s’agira d’un important défi, pour Ali Laârayedh comme pour Tarak Dhiab, qui vont devoir se concerter pour voir cette violence abandonner nos stades. Le second a même cité ce phénomène à la tête de ses préoccupations majeures et nous osons dire que les stades retrouveront bientôt une ambiance plus saine où le sport ne sera plus mêlé à la politique.
De même, tout le monde va devoir reconnaître que les forces de l’ordre ont pleinement le droit d’intervenir et de combattre les auteurs de cette violence et ne plus crier au scandale à chaque fois que des émeutiers sont arrêtés ou maîtrisés par la force. Une intervention dure et énergique est devenue plus que nécessaire, mais on attendra également de nouvelles révélations sur les véritables commanditaires et planificateurs des incidents qui ont envahi les stades et les salles couvertes durant ces derniers mois. Les connaîtra-t-on un jour ?