Découvrir les richesses de la Tunisie en marchant dans la nature et en la préservant, c’est ce que propose la jeune Association tunisienne des randonneurs (Atr), créée en juin 2011.
Entretien réalisé par Sarra Guerchani
Les quatre membres fondateurs passionnés de randonnée proposent chaque week-end aux citoyens intéressés par ce loisir de se joindre à eux. Kapitalis s’est entretenu avec le secrétaire général de l’Atr, Abderrahmen Chouaib.
Kapitalis : Comment vous est venue l’idée de créer une association de randonnée en Tunisie ?
Abderahmen Chouaib : Les quatre membres fondateurs de l’association sont, depuis quelques années, des adeptes de la randonnée. Nous nous sommes rencontrés alors que nous faisions partie d’autres groupes de randonneurs. Depuis septembre 2010 nous avons pensé nous constituer en association car le groupe dont nous faisions partie ne répondait plus à nos attentes. Nous étions quand même réticents, à l’époque, à l’idée de créer notre propre association, car nous avions une très mauvaise idée de la vie associative en Tunisie sous l’ancien régime. Ce que nous craignions à l’époque, c’était de se retrouver sous la bannière du parti unique.
Qu’est-ce que vous proposez de spécial dans vos randonnées ?
Nous avons beaucoup de richesses en Tunisie. Nous avons des réserves naturelles qui sont mal exploitées. Durant nos randonnées nous faisons en sorte de les préserver en faisant des partenariats avec le ministère de l’Agriculture pour planter des arbres, par exemple. Cette action a été menée dans le cadre de la convention de Ramsa, relative à la protection des zones humides. Nous souhaitons pousser les gens vers un tourisme écologique puisque notre tourisme balnéaire, le plus populaire en Tunisie a été touché par la conjoncture post révolutionnaire.
Lorsqu’on parcourt votre site internet www.randotunisie.tn, on se rend compte que vous ne faites pas que de la randonnée de loisir. Vous protégez l’environnement, mais vous faîtes aussi de l’humanitaire ?
Nous avons déjà plusieurs associations en Tunisie pour la protection de l’environnement, sauf qu’elles sont méconnues du grand public. La plupart d’entre elles sont régionales. Nous faisons en sorte durant nos randonnées d’établir des partenariats avec elles. Cela nous amène à promouvoir ces associations auprès des randonneurs et aussi des personnes qui s’intéressent à nos activités. Nous en profitons pour mieux les connaître aussi et connaître ce qu’elles font. Souvent ces associations nous permettent de mieux connaître un circuit parce que leurs membres connaissent bien la région.
Au plus loin que le regard se pose
Les habitants des régions dans lesquelles nous randonnons veulent faire connaître leur zone et les difficultés sociaux économiques qu’ils vivent. Par exemple, lors d’une randonnée, à Kairouan, nous avons rencontré un paysan. Il nous a servi de guide et nous, en contrepartie, nous avons promu son miel à Tunis, puisqu’il en fabrique. Nous essayons d’avoir un impact tant social, qu’économique et culturel en faisant nos randonnées.
De plus, lorsque nous allons dans un endroit, nous nous engageons à respecter son écosystème et à aider les habitants de la région. Souvent ces derniers cherchent à montrer aux autorités la réalité, souvent difficile, dans laquelle ils vivent.
La situation sécuritaire n’est pas au beau fixe en Tunisie. Cela a-t-il eu un impact sur le nombre de randonneurs ?
Le nombre de randonneurs ne cesse d’augmenter depuis notre création en juin dernier. Nous ne prenons pas le risque de partir dans des endroits qui exposent les randonneurs au danger. Les populations locales nous aident beaucoup sur ce plan. Ils nous donnent des conseils sur les endroits à visiter et aussi ceux à ne pas approcher.
Les autorités nous aident aussi à assurer la sécurité des randonneurs. Ce qu’il faut savoir, c’est que nous devons à chaque sortie obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur. Des policiers nous suivent sur tout le parcours pour assurer notre sécurité jusqu’à ce qu’on reprenne la route pour Tunis. Tout cela rassure les randonneurs.
Vos randonnées demandent tout de même une sacrée logistique ?
La randonnée n’est pas encore une chose courante en Tunisie. En Europe, par exemple, lorsque l’on fait des randonnées, on trouve toujours des gardes en charge de la protection des randonneurs. Le fait d’avoir des policiers avec nous est une façon d’assurer le côté sécuritaire de nos randonnées pour qu’elles puissent avoir lieu. Nous pensons que petit-à-petit les autorités mettront des personnes en charge pour ce genre d’activité.
Comment vous financez-vous ?
Nos randonnées coûtent entre 13 dinars et 20 dinars. Le tarif varie en fonction des besoins logistiques. Par exemple, si nous avons besoin de louer un bus, de prendre le train ou encore de payer un guide, mais en général le prix maximum est fixé à 20 dinars.
Nous essayons de nous faire sponsoriser aussi. Cela n’est pas toujours évident. La randonnée est encore un sport méconnu des Tunisiens. Souvent lorsque nous allons voir une entreprise pour demander un sponsoring, les responsables qui nous accueillent ne comprennent pas en quoi consiste la randonnée. C’est sûr que si nous étions une association de football, nous aurions plus de facilité à trouver du financement. Cependant, les gens en parlent de plus en plus autour d’eux et les réseaux sociaux aident beaucoup à promouvoir nos activités.
Quels sont vos projets pour le futur?
Nous souhaitons faire connaitre de plus en plus la randonnée et ses bienfaits. Ce que nous voulons aussi c’est faire des partenariats avec d’autres associations de randonneurs dans le monde. Cela demande beaucoup de travail, mais nous espérons y arriver. De plus, nous sommes à chaque fois surpris d’accueillir avec nous des étrangers dans nos sorties. En effet, plusieurs expatriés habitués à ce loisir sont heureux de découvrir que nous existons, car souvent, dans leur pays d’origine, ils faisaient partie d’associations comme la nôtre. Ils ne pensaient pas en trouver en Tunisie.
Où se tiendra votre prochaine randonnée ?
Dimanche 11 mars nous partirons au Kef. Cette randonnée sera en partenariat avec Astarté-club, le gouvernorat du Kef et la Sncft. Nous avons appelé cet évènement Althiburos Xpress.
Nous souhaitons à travers cette sortie faire connaître le potentiel de l’écotourisme en Tunisie et spécialement dans cette région, mais aussi promouvoir la ligne ferroviaire de Tunis-le Kef, qui est la seule ligne au monde à suivre une ancienne voie romaine.
Le départ est prévu à 7h35 pour traverser le «Grenier de Rome» où les champs de blés s’étalent à perte de vue le long de la Voie Romaine qui reliait Carthage à Sicca Veneria qui est connue aujourd’hui sous le nom du Kef.
Nous passerons par Althiburos qui est une ancienne cité numide passée sous l’influence de Carthage, située sur la route reliant Carthage à Théveste.
A l’arrivée, nous ferons une randonnée de 10km jusqu’au site archéologique, avec un guide. Nous nous rendrons ensuite à la grotte du peintre Ammar Belghith.